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Picto Foundation et la Promotion de la Photographie

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Fin novembre 2016, le Prix Picto de la Jeune Photographie de Mode était remis à trois photographes : Laurent Henrion, Julie Poncet et Sasha Marro (voir notre article du 23/11). Aujourd’hui, c’est à la BnF qu’est présentée l’exposition annuelle de la Bourse du Talent, soutenue par le laboratoire Picto. A cette occasion, nous avons rencontré Vincent Marcilhacy, directeur de Picto Foundation.

Chaque semaine 9 lives vous donne rendez-vous pour découvrir les travaux des jeunes talents exposés.

9 lives : Picto Foundation œuvre pour la promotion de la photographie et en particulier la jeune photographie. Depuis 1998, le laboratoire Picto a créé le Prix Picto de la Jeune Photographie de Mode, et a soutenu et accompagné la Bourse du Talent. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ces deux projets, et présenter l’implication de Picto envers la jeune photographie ?

Vincent Marcilhacy : Rien n’existe par hasard… Dès l’origine des laboratoires Picto, il s’agit d’une histoire de partage, de trajectoires communes et croisées autour de la photographie. Comment accompagner et rassurer le photographe dans sa recherche de précision, de sens, parfois de perfection de l’image. Compagnon de route des photographes de Magnum dès la création du collectif qui fêtera ses 70 ans en 2017, chaque génération aux commandes de Picto aura par la suite à cœur de prolonger cette tradition d’une complicité féconde. La création en 2016 de Picto Foundation par Philippe Gassmann, petit-fils du fondateur et actuel Directeur Général des laboratoires, en est l’expression la plus récente…

Rapidement, le soutien de Picto aux photographes s’est porté sur l’accompagnement de prix destinés aux talents émergents, des rendez-vous devenus incontournables pour se faire connaître. Sous l’impulsion de Photographie.com, et avec le soutien de Kodak à l’époque, Picto s’associe à la Bourse du Talent pour répondre à un besoin grandissant de la part des jeunes photographes, d’une vitrine pour montrer leurs créations. Depuis, près de 40 talents émergents y sont révélés chaque année autour de quatre domaines, le portrait, le paysage, la mode et le reportage. L’exposition annuelle de la BnF restitue la moisson de la Bourse du Talent. Pour Picto Foundation, il s’agit d’une opportunité pour mettre les savoir-faire de ses laboratoires au service de ces jeunes auteurs. Pour bon nombre d’entre eux il s’agit d’une première exposition présentée à un si large public. La reproduction et l’installation se doit dès lors d’être irréprochable. C’est ce qui leur donnera confiance et une plus grande reconnaissance auprès des nombreux professionnels qui découvriront leurs œuvres.

La même année Picto décide de créer un Prix exclusivement dédié aux jeunes photographes intéressés par l’univers de la mode. Chaque année depuis 1998, le Prix Picto de la Jeune Photographie de Mode détecte et révèle des auteurs dont l’écriture développe des propositions particulièrement intéressantes tels que Kourtney Roy, Julie Poncet ou Laura Bonnefous… Le Prix est chaque année présidé par une personnalité et accompagné d’un jury composé de professionnels du monde du luxe, de la mode, des médias et de l’art. Laurent Henrion, lauréat 2016, profitera de l’affichage de ses photographies dans tout Paris grâce à JDDecaux, partenaire du prix.

« Notre rôle est aussi d’accompagner leur parcours, de créer des liens, de prodiguer des conseils ou des encouragements, notamment lorsqu’il s’agit de premiers pas dans le métier.« 

M. :  En 18 ans, le métier de photographe a particulièrement évolué, comment avez-vous accompagné l’évolution de ces changements ?

V. M. : Notre relation aux photographes est avant tout associée au travail autour de leurs images. Dans ce sens, les mutations techniques et technologiques dans le secteur de la photographie ces dernières décennies nous ont amené à accompagner au plus près la mutation de leur métier, lors de l’abandon progressif du développement vers le numérique notamment. Il a fallu ensuite nous adapter pour répondre à des besoins différents et évoluant rapidement. Lorsque certains photographes ont besoin d’un service personnalisé pour la création d’une exposition muséale, ou éprouvent le besoin de partager avec un tireur, d’autres maîtrisent eux-mêmes certaines technologies et s’orientent vers l’autonomie de nos services en ligne.

En parallèle, les photographes évoluent désormais dans un marché tentaculaire, où l’offre de talents et de services est particulièrement féconde. Notre rôle est aussi d’accompagner leur parcours, de créer des liens, de prodiguer des conseils ou des encouragements, notamment lorsqu’il s’agit de premiers pas dans le métier.

Parallèlement au savoir-faire et à l’expérience partagés par Picto avec les photographes, Picto Foundation veut faciliter ce lien des auteurs avec le marché et leurs publics.

M. : A l’annonce de la création officielle de Picto Foundation en juillet dernier lors des Rencontres d’Arles, vous avez annoncé votre soutien au Prix Niépce, célèbre prix qui récompense l’œuvre d’un photographe depuis 1955. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

V. M. : Associer Picto Foundation au Prix Niépce correspond d’abord à notre volonté de compléter la panoplie des Prix soutenus, essentiellement consacrés aux talents émergents jusqu’à présent, d’une distinction reconnue récompensant un photographe pour la qualité d’un parcours. Il se trouve que le Prix Niépce cherchait un mécène avec qui construire une nouvelle page de l’histoire du Prix, tout est bien tombé…

Ensuite, il s’agissait pour nous d’encourager un espace de création et une opportunité de développement pour le lauréat. En conséquence, la présence de Picto Foundation aux côtés du Prix Niépce prend la forme de la création et de la fabrication d’un objet d’artiste, fruit des échanges entre le lauréat et les artisans des laboratoires Picto. Sur la base d’une édition de quinze exemplaires, le lauréat en conserve douze à diffuser auprès de collectionneurs, les trois autres entrent dans les collections de la BnF, de Gens d’Images et de Picto Foundation. Il s’agit pour nous d’une collaboration particulièrement satisfaisante dans la mesure où elle stimule à la fois la créativité de nos savoir-faire, l’activité des photographes auprès du marché de l’art et peut-être une nouvelle curiosité autour du Prix Niépce lui-même.

M. : L’Exposition de l’édition 2016 de la Bourse du Talent se déroule actuellement à la Bibliothèque national de France, pouvez-vous nous présenter cette édition ?

V. M. : Avant tout je tiens à souligner la qualité remarquable de la Bourse du Talent, qui révèle sans relâche depuis 18 ans des photographes émergents, dont un bon nombre poursuit une jolie carrière. Pour Picto qui est associé à la Bourse depuis son origine, il s’agit chaque année d’une ouverture rafraîchissante sur la création photographique en devenir. Nous sommes attentifs aux besoins de chaque photographe à l’occasion de l’exposition annuelle à la BnF, et nous nous efforçons de rester disponibles pour accompagner leurs parcours et leurs besoins.

2016 est un cru particulièrement stimulant pour la Bourse du Talent où se mélangent des identités singulières, engagées et sensibles. Il s’agit aussi d’une année de bascule pour la Bourse du Talent – est-ce parce qu’elle deviendrait majeure comme aime à le souligner l’un de ses fondateurs Didier de Faÿs ? –, avec la publication d’un livre chez Delpire réunissant l’ensemble des lauréats et la conception d’une exposition fondée sur le dialogue des formes et des écritures. Trois thèmes ont été définis pour l’exposition présentée en ce moment à la BNF et conçue avec le concours d’Héloïse Conésa, Conservatrice du patrimoine et Responsable de la collection de photographie contemporaine pour l’institution : Tribus, Entre-lieux et Déchirures, « trois variations autour d’identités à venir, en devenir, où se lit la tension entre un modèle autochtone et un modèle importé » comme le précise Héloïse Conésa. Picto met ses équipes au service des photographes et de l’équipe de la Bourse du Talent pour restituer le meilleur de chacun. Il s’agit pour chaque photographe de trouver les papiers et les techniques les plus adaptés, de réaliser les tests nécessaires et dès que cela est possible, d’accueillir le photographe au laboratoire pour lui permettre de suivre lui-même la réalisation de ses tirages. 

M. : En 18 ans de Bourse du Talent avez-vous un souvenir marquant en particulier que vous souhaiteriez partager avec nous ?

V. M. : Plus que des souvenirs marquants, nous aimons nous souvenir des parcours exemplaires de certains photographes après leur passage par la Bourse du Talent. Je pense à Lucie & Simon (Bourse du Talent #38) ou Aurore Valade (Bourse du Talent #26) qui ont reçu le Prix HSBC, à Isabelle Chapuis (Bourse du Talent #51) ou Grégoire Alexandre (Bourse du Talent #07) qui remporteront par la suite le Prix Picto de la Jeune Photographie de Mode, ou encore au Prix Niépce remis à Jürgen Nefzger (Bourse du Talent #02). Il y a aussi toutes ces histoires personnelles qui débutent lors du vernissage de l’exposition à la BnF, où les lauréats rencontrent directeurs de festivals, galeristes ou collectionneurs…

M. : Quels sont les futurs projets de Picto Foundation dans le but de promouvoir la Photographie ? Vous avez ouvert une filiale à New York, avez-vous des projets internationaux ?

V. M. : Les actions de Picto Foundation reposent sur un programme pluriannuel autour de trois ambitions : promouvoir, partager et préserver la photographie. Il s’agit de poursuivre ou d’initier des partenariats et des synergies sur le long terme par lesquelles nous aurons à cœur de suivre des initiatives photographiques utiles et stimulantes.

Dans le prolongement de ce que nous évoquions à propos du Prix Niépce, nous pourrions imaginer un fil rouge autour de la notion de reconnaissance et de partage de savoir-faire. C’est le cas de la collaboration pour la création d’un objet unique avec chaque lauréat du Prix Niépce. Ce sera également le cas d’un nouveau programme en 2017 visant à encourager les talents sortant des écoles de photographie et d’arts visuels, notamment en aidant leurs premiers pas dans le métier… La création de la collection de photographie que nous initions ira aussi dans ce sens, avec de premières acquisitions autour d’objets conçus à partir d’épreuves photographiques.

Il sera aussi question de développer des programmes historiques comme le Prix Picto de la Jeune Photographie de Mode, de renouveler notre soutien à des opérations prestigieuses et créatives comme Paris Photo, les Rencontres d’Arles ou encore les Promenades Photographiques de Vendôme.

Et puis l’année réserve les surprises propres à un Fond de dotations. Celles d’un espace vivant et ouvert à la présence d’autres acteurs, partenaires ou mécènes que nous inviterons à se joindre à nous pour continuer ensemble de soutenir les talents de la photographie, et des évènements d’envergure.

EXPOSITION
Bourse du Talent – Edition 2016
Du 15 décembre 2016 au 26 mars 2017
BnF – Site François-Mitterrand
Allée Julien Cain
Quai François-Mauriac
75706 Paris Cedex 13
Du mardi au samedi de 9h à 20h
dimanche de 13h à 19h
lundi de 14h à 20h
Fermé les jours fériés
Entrée libre
http://www.bnf.fr
http://www.picto.fr/pictofoundation/

LIVRE
Identités à venir
Bourse du Talent 2016
Editions Delpire
ISBN : 979-10-95821-05-2
22€
http://www.delpire-editeur.fr

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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