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Pour sa quatrième et dernière carte blanche, notre invité de la semaine, Christophe Asso, Directeur du festival Photo Marseille, partage avec nous l’entretien qu’il a réalisé avec le photographe Julien Lombardi – ancien lauréat du Prix Maison Blanche – dans le cadre du site Photorama, un projet éditorial réunissant des rencontres avec photographes et professionnels de l’image animé par Christophe Asso. Cet interview a été réalisé à l’occasion de son exposition aux Rencontres d’Arles, ce été.

À l’occasion de son exposition La terre où est né le soleil aux Rencontres d’Arles cette année, j’ai proposé à Julien Lombardi de m’entretenir avec lui pour le site Photorama que j’anime. Ce travail a été mon coup de cœur des Rencontres 2022. L’entretien a été une longue discussion au cours de laquelle nous sommes revenus sur le parcours de Julien, qui a été lauréat du Prix Maison Blanche en 2016 avec L’Inachevé, une réflexion sur la mémoire manquante de l’Arménie contemporaine. Je vous en propose ici un extrait :

Pourquoi le Mexique ?

Je me suis rendu pour la première fois au Mexique en 2015 en allant rendre visite à des amis et le choc a été immédiat. J’y suis retourné en 2016 car j’étais intéressé par les pratiques chamaniques et les questions de terres sacrées. C’est en lien avec une sensibilité écologique qui traverse mon travail en général. Je suis donc invité à une cérémonie par le biais d’amis. Je me retrouve dans le centre du Mexique, à Real de Catorce, une cité qui a prospéré pendant la colonisation espagnole. Un endroit d’où l’on extrayait tellement d’argent qu’on frappait la monnaie espagnole directement sur place. Puis ce village a été abandonné. On me le décrit comme un endroit avec des mines fermées, des ruines coloniales et les Huichols qui viennent y faire des cérémonies autour de la naissance du feu et du Soleil, en consommant du peyotl, un cactus hallucinogène, très répandu et réputé pour être le plus puissant au monde. Il y a toute une littérature qui m’a toujours touché sur ces questions : Antonin Artaud, Henri Michaux, Aby Warburg, qui sont dans des logiques presque thérapeutiques, mais qui sont aussi artistes et qui viennent travailler avec les communautés de natifs américains. Il y a donc plein de raisons, plein de correspondances qui m’amènent à aller là-bas. J’ai eu la chance d’être invité à une cérémonie, qui a été un événement très impactant pour moi.

De là je décide de faire un projet. Je reviens en France avec quelques images et je commence à écrire un travail qui m’amène sur une autre problématique, celle du micro et du macro.

Pour accéder à ce village, on doit passer à travers les montagnes par un tunnel qui fait presque trois kilomètres de long. Quand tu en sors, tu as le désert à perte de vue, des cactus centenaires, une biodiversité absolument hallucinante et des petits tourbillons thermiques qui ramassent la poussière. On dirait un décor de film. Au centre de cette terre sacrée, il y a un train qui passe huit fois par jour, qui fait trois ou quatre kilomètres, qui sort des produits manufacturés et vivriers mexicains, et qui revient avec des frigos et des bagnoles américaines. Tu es dans un territoire monde qui a des limites définies. Le local et le global entrent en collision à cet endroit-là. J’ai eu envie de déplier cet objet et de comprendre les rapports au monde qu’il y a sur ce territoire. C’est là que commence l’enquête.

Ce qui est plus délicat, c’est ma légitimité à investiguer là-bas. Très vite viennent se poser des questions réflexives. Je me rends compte que bien qu’il y ait eu une mobilisation internationale en 2012 avec des activistes et des universitaires qui se sont battus pour bloquer des projets miniers, 75 % du territoire de Wirikuta, la terre sacrée, a été vendu à des concessions minières sur des baux de 100 ans. Là on ne parle même plus des petits tunnels de mines de la conquête espagnole, on parle de mines à ciel ouvert en plein désert. En 2012, il y a eu une mobilisation énorme qui a bloqué un peu la chose. Moi, j’arrive après ça et représenter la lutte à ce moment-là, cinq ans plus tard, ce n’est pas du tout la même chose. L’événement a eu lieu.

La question se pose : qu’est-ce que je vais représenter ou qu’est-ce qui est représentable ? La menace des mines plane, les Huichols viennent en pèlerinage deux ou trois fois par an pour ceux qui viennent le plus souvent et ensuite ils rentrent chez eux à 500 kilomètres. Quelle est cette terre sacrée ? Quelles sont les attaches de chacun des acteurs du territoire à cette terre sacrée ? Moi, finalement, comment est-ce que je le vis en y allant de plus en plus souvent, en passant des mois là-bas, sans connexion Internet, avec le téléphone qui marche une fois sur deux.

Je commence à essayer de comprendre ces rapports à la terre et ce qu’ils signifient en termes de visions du monde. Il y a d’abord le rapport des natifs qui viennent honorer une entité vivante, un lieu où naît leur monde et où tout objet, tout être vivant a une dimension sacrée avec laquelle ils viennent communiquer. Pour eux, ce lieu doit rester pur. Il y a d’ailleurs tout un rituel pour prélever d’une certaine manière, tout en s’en excusant. Tu coupes une branche d’une plante qui s’appelle la Gobernadora. Tu viens te laver avec et ensuite tu vas la mettre dans le feu cérémoniel pour enlever les choses viciées que tu ramènerais de l’extérieur. Mis à part le bois et la Gobernadora, il n’y a rien qui est jeté dans le feu. Les cendres sont pures. Il n’y a personne qui va s’amuser à jeter un mégot. Même le tabac est traditionnel comme l’ensemble des offrandes. On fume d’une certaine manière. Une fois que la cérémonie est finie, le lieu reste absolument intact. Ça, c’est déjà un premier niveau de réalité dans le rapport à cette terre.

Ensuite, il y a les rancheros ou les campesinos, qui sont des populations métisses de spiritualité chrétienne, qui vivent d’une agriculture extensive, c’est-à-dire raisonnée, avec une rotation de ce qu’on appelle la milpa : le maïs, les haricots et les calebasses, courgettes qui font une espèce de biotope comme en permaculture. Les trois se complètent. Ils vivent de l’élevage et ont un rapport de subsistance à cette terre.

Qui sont ces populations métisses ?

C’est un terme qu’on utilise au Mexique pour désigner un mélange entre des natifs et des populations espagnoles des temps coloniaux. Il y a eu une politique de discrimination et de classification du métissage par strates, qui emprunte au Code noir des États-Unis, avec le fameux adage : « Qui a une goutte de sang noir est noir ». C’est de là que viennent des termes comme mulâtre ou quarteron. Au Mexique, il y a eu aussi une systématisation du métissage et des degrés de métissage. Ces populations vivent de la terre, elles ont un impact environnemental qui reste faible. Elles vivent le lieu. Elles le vivent avec leur propre imaginaire, leur propre syncrétisme, entre le christianisme et des légendes locales, des questions d’apparitions, de boules de feu, c’est un autre narratif.

Le troisième ensemble, c’est un rapport à la terre comme lieu de profit. On vient prélever ce dont on a besoin sans le régénérer et ce sont des acteurs extérieurs. Je les appelle les extractivistes. Il y a l’exploitation minière, l’agriculture intensive et le tourisme.

La terre où est né le soleil © Julien Lombardi

Que représente le tourisme à l’échelle du lieu ?

C’est un lieu de plus en plus touristique. La mobilisation de 2012 a mis en lumière la richesse de cet endroit et elle attire aujourd’hui les adeptes de pratiques chamaniques, de quête de soi, de retour à la terre et d’éveil spirituel. De nombreuses personnes viennent pour participer à des cérémonies qui sont parfois payantes. Il y a tout un profit autour de ces questions de spiritualité. Ça va même au-delà des frontières. Il y a surtout énormément de cactus qui sont prélevés au point que le peyotl est aujourd’hui en voie d’extinction. Il faut entre 10 et 30 ans à un peyotl pour pousser. Les gens viennent parce qu’ils sont fascinés par la cosmogonie et tout le cérémoniel, ce qu’on appelle aussi la cosmovision Huichol. L’intérêt qu’ils leur portent est en train de les détruire.

C’est le revers de la lutte.

Oui. À San Miguel de Allende qui est un village proche où il y a énormément d’Américains, tu peux trouver des Huichols qui font des cérémonies où ils font payer 500 dollars à chaque participant. C’est pour cela que j’essaie de me placer du point de vue de la terre et de voir comment ces trois rapports la structurent et la façonnent. Je considère ces trois visions comme des versants de ma propre pensée. C’est-à-dire que je ne suis pas d’accord avec les trois, mais il faut les expérimenter. Tour à tour, je suis ce que je critique. C’est assez complexe parce que c’est facile de critiquer les touristes qui viennent, mais moi je fais pareil. Quelle est ma légitimité ? Quelle autorité je me donne pour juger de bonnes conduites et de mauvaises ? On me le reproche parfois. On me dit, c’est évident, il faut défendre la terre sacrée des Indiens et restreindre les autres usages. Oui, mais si on restreint les autres usages, qu’advient-il de ceux qui travaillent la terre ? Je ne peux pas dire qu’il y a une vie qui a plus de valeur qu’une autre. Ce sont des réalités extrêmement complexes. Je n’ai pas fait un pas de côté, je n’ai pas esquivé la problématique, mais j’ai essayé de me prêter à chacun des imaginaires et de créer un récit polyphonique où dialoguent différents rapports au monde, tout en me questionnant le rôle de l’image et de la caméra là-dedans.

On arrive donc dans une situation où je critique la présence des mines en ayant entre les mains un objet qui est un condensé de technologies et de minerais qu’on y extrait. C’est ce que Bruno Latour appelle la déréliction ou l’embarrassement. On se sent impuissant vis-à-vis de la question climatique même s’il faut bien commencer quelque part. Plutôt que de simplifier ou de prendre parti, ce qui serait un abus, je pense depuis ma position. Je décris des complexités que je fais apparaître avec mon langage visuel dans l’image et dans l’exposition, montrer une relation extrêmement technique au vivant qui vient au fur et à mesure s’effriter pour être sensible à ce que dégage cette terre et à la question du mysticisme. Mysticisme qui est réel là-bas. Tu es affecté quand tu vis plusieurs mois dans un village de 300 habitants avec des cactus de 300 ans.

La terre où est né le soleil © Julien Lombardi

Combien de temps avez-vous vécu sur place ?

J’ai passé entre un et trois mois sur place par an, pendant quatre ans. En 2021, j’étais au Mexique et j’ai traité tout le matériel que j’avais collecté. Une nouvelle fois, j’ai essayé de me réapproprier mes propres images. Le temps du projet fait aussi que tu mets à distance tes propres images et que tu te les appropries comme avec les archives à Sarlat. Ça devient des images métaphores. Des images où il y a pas mal de post-production parce que si je sens un potentiel dans une des images, mais que je ne le sens pas assez présent, j’ajoute ou j’enlève des informations dans l’image pour être au plus près de ce que je veux.

La terre où est né le soleil © Julien Lombardi

Vous avez finalement réinterprété vos propres images ?

Il y a plusieurs niveaux de lecture et de déconstruction de ma pratique. Je me détache d’un point de vue d’auteur qui passerait par la prise de vue et d’un rapport au territoire qui est déterminé par la caméra. En s’intéressant aux archives, à toutes les ressources visuelles qui sont présentes sur un lieu, on se rend compte qu’on est soi-même en train de créer une couche supplémentaire de la mémoire visuelle du lieu. Cette prise de conscience a eu lieu à partir du moment où j’ai fait le tour des images des explorateurs, des biologistes du XIXᵉ siècle, des livres d’anthropologie sur le pèlerinage et les mouvements hippies. Je trouvais plein de strates d’images dans le territoire qui décrivaient inlassablement les mêmes événements au fil du temps. C’était ma règle du jeu. Toutes les images du projet proviennent de l’intérieur de la terre sacrée. Il n’y a rien qui vient d’ailleurs. M’en rendre compte a été libérateur parce que j’ai réalisé que toutes les images peuvent dialoguer sur le même plan sans tenir compte de leurs époques. J’ai réalisé que je pouvais m’approprier ces images et me donner toutes les libertés que je voulais pour les transformer, pour évoquer l’actuel, voire même le futur, pour arriver au plus près d’une sensibilité et restituer une expérience vécue.

La terre où est né le soleil © Julien Lombardi

L’image du lac avec le « feu/soleil » est très forte.

L’image est juste retournée. Ce que je trouve absolument fascinant avec la fiction, c’est qu’avec simplement quelques agencements, on arrive à reconfigurer l’acceptable. Quand tu lis un roman de science-fiction, si on te dit qu’il y a une voiture qui est garée en haut du 72ᵉ étage et qu’elle est volante, tu ne te dis pas que ça n’a aucun sens. Tu te figures l’immeuble de 72 étages. Tu as une image mentale de la scène. Ce sont les éléments de langage que tu intègres. Ce potentiel-là est absolument fascinant. Tout le monde me le dit dans l’exposition à Arles : « Mais comment avez-vous fait pour le feu ? » La relation que le public a avec l’exposition, avec les autres images, fait qu’il met en doute ce qui d’habitude est parfaitement évident, ou l’inverse. En passant par un mélange de théorie et de récit, on peut réellement proposer une expérience. Il y a certains niveaux de résistance qui s’enlèvent parce qu’on n’est pas dans des représentations directes du réel, où on viendrait avoir des codes de lecture qui sont le fruit d’une éducation à l’image. On est face à des images dont on ne connaît pas trop le statut. Ce sont des images avec lesquelles j’ai voulu jouer aussi parce que je voulais prendre du plaisir à les faire. Je crois que ça se sent. Ce n’est pas pour autant que le travail devient léger ou que je ne comprends pas la gravité de la situation sur place, mais proposer une nouvelle fois un récit de la catastrophe en utilisant des formes de représentations directes de natifs qui sont en péril, ça me paraît être une approche politique, à mon niveau, qui me dérange.

La terre où est né le soleil © Julien Lombardi

Qui vous embarrasse.

Exactement. On y revient. Qui m’embarrasse dans le sens où ce sont des codes qui sont éculés et qui plutôt que d’apporter de l’engagement apportent de plus en plus de rejet. Ça ne veut pas dire qu’il faut réenchanter le monde, mais il faut proposer d’autres récits. En l’occurrence une anthropologie de soi : je suis étranger dans un lieu, je viens avec mes dispositifs et mes certitudes, je suis mis en échec dans ma capacité à représenter et ce que je mets en partage, c’est une expérience de déplacement de mon propre regard.

Finalement on n’est pas si loin de mes préoccupations initiales et de mes premiers projets. Ce dont je me suis rendu compte dans l’exposition, bien qu’il y ait des paysages, c’est que le désert n’est pas réellement représenté. Ce qui est au centre de ma recherche n’est pas totalement visible, mais on va le voir à travers tous ses satellites. Cette terre sacrée est tellement complexe que ses représentations en viennent à être contaminées ou à en proposer des reflets déformés. Ça vient travailler l’imaginaire à des endroits extrêmement personnels pour chacun, avec son propre univers symbolique. Je pense que ça vient du fait que j’ai proposé le mien et que c’est une invitation avec laquelle on peut dialoguer.

Votre approche est très respectueuse des gens et du lieu. Quand vous photographiez une cérémonie, c’est par un dispositif automatique.

C’est vrai, ce sont plus que des préoccupations. On en revient à Nemo Dat Quod Non Habet (nul ne peut rendre ce qu’il ne possède pas), qui est venu infuser la fin du projet mexicain dans l’idée de comment penser une pratique qui n’extrait et ne prélève pas ? Comment est-ce qu’on peut avoir une pratique éthique qui soit respectueuse de l’objet qu’on touche, et où on n’a plus besoin de ramener des trophées dans la maison mère ? Ça permet de développer une pratique qui est bouleversée par de nouvelles règles. Les pensées décoloniales et inclusives, nous permettent d’explorer des possibles qui offrent d’autres formes relationnelles. Il ne s’agit pas de les instrumentaliser, mais d’être à l’écoute à cet endroit-là, ça déplie un monde qu’on était incapable de voir avant que des acteurs luttent pour nous mettre en face de ces perspectives. C’est extrêmement excitant et ça passe par le concept de réciprocité. Par exemple, quand j’ai été invité à participer à une cérémonie qui rassemblait des Huichols et des membres de la paroisse locale pour défendre leurs ressources en eau, j’étais autorisé à faire des photos mais après deux coups de flashs, j’ai senti que je gênais un moment intime. Je ne voulais pas être cette personne. Puis, je voulais participer aussi. J’ai posé sur un poteau une caméra à infrarouge à déclenchement automatique, « un piège photographique ». Ça prend la forme d’un rouleau d’images de 4 mètres qui restitue une heure de la cérémonie et ça ressemble à une partition de musique. Tous les participants sont anonymisés et ça donne une image de l’énergie du moment, du flux et de la respiration de cet événement.

La terre où est né le soleil © Julien Lombardi

Je me rends compte aussi que l’ailleurs exotisé est, malgré les apparences, en train de mourir. On est dans une nouvelle réalité, dans une relation entre local et global. Le niveau de globalisation du monde est tel que les différences commencent à toutes se niveler et que les périls s’uniformisent. Notre-Dame des Landes, c’est une terre à défendre au même titre qu’une terre sacrée dans le désert du Mexique, même si les enjeux culturels, patrimoniaux, politiques et écologiques sont différents.

Les Huichols le disent eux-mêmes, ils sont des acteurs politiques et écologiques. Ils n’interdisent à personne de venir sur leur terre sacrée. Ils ne veulent pas que les rancheros partent. Ils disent que c’est un bien commun, qu’il faut le défendre contre des intérêts de personnes qui veulent prendre sans renouveler. Les médias mexicains leur enlèvent cette portée contemporaine et politique de leur propos, ils payent souvent de leurs vies la défense de leurs terres. Le Mexique est un des pays au monde où les activistes écologistes sont le plus tués, avec la Colombie. Quand tu lis les journaux mexicains sur les faits divers c’est effarant de voir que les deux populations les plus assassinées c’st les journalistes et les activistes écologistes. Olivier Marbœuf disait que finalement la colonisation peut se résumer à enlever la capacité d’être maître de son propre présent à un peuple. Je crois que ça passe aussi par parler à sa place, le représenter à sa place.

Vous me disiez que ce travail était un premier chapitre ?

Je repars d’ici septembre-octobre. Dans cette recherche, je vais m’intéresser une nouvelle fois à des questions de visibilité, d’invisibilité et finalement de communs. On entre encore dans une autre échelle, puisqu’il s’agit des constellations de satellites, de la privatisation du ciel et de la logique d’une extraction qui promet toujours un développement et une croissance infinie en s’appropriant les ressources terrestres pour les mettre en orbite, pour finalement fabriquer des besoins dont on sait qu’ils produisent plus de contamination que de solutions. Ça vient rencontrer un autre ensemble qui est celui de l’observation astronomique, de plus en plus polluée par l’artificialisation du ciel. Ce sont deux visions du monde qui se font face. L’observation astronomique représente un déplacement dans l’univers par des moyens « immobiles » et un coût écologique extrêmement faible. Elle vient s’appuyer sur des racines pré-coloniales, particulièrement au Mexique puisque les Mayas étaient un peuple d’astronomes, parmi d’autres, mais dans une tradition ininterrompue de savoir, en se tournant vers l’espace. D’un autre côté, on a l’espace qui, littéralement, commence à nous regarder. J’ai vu pour la première fois un train de satellites Starlink dans le Chiapas. Ils envoient les satellites par grappes de 60, pour un total de 42 000. J’ai eu l’impression de voir une étoile filante. Très vite j’ai compris que j’étais en train de voir une présence humaine dans le ciel qui se confond avec les étoiles. C’est un endroit que je veux aussi creuser sur la question de l’appropriation. Ça va être un autre défi sur la manière de représenter ça. Paradoxalement, je pourrais peut-être me retrouver finalement là où on m’attend le moins, à évoquer le corps alors que le corps est absent de mon travail. Ça va être une nouvelle source d’apprentissage, qui va se faire au fur et à mesure, au contact de mon sujet, et qui va sûrement m’emmener dans une nouvelle dimension !

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La Rédaction
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