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La troisième édition de Photo Days a été inaugurée ce week-end, et à cette occasion, nous avons rencontré la directrice et fondatrice de ce nouveau rendez-vous automnale parisien, Emmanuelle de l’Ecotais. Cette année, Photo Days se déroulera en deux temps, un premier en partenariat avec le parcours Saint Germain sur une photographie qui sort de son cadre, et un second parcours qui réunira dès le 7 novembre, une grande diversité de regards à travers de nombreux lieux en région parisienne ! Dans cet entretien, nous revenons sur la genèse de ce nouveau « Mois de la Photo », mais aussi sur les expositions à ne pas manquer !

[Erratum : Dans notre article publié le 17 octobre, nous évoquions le parcours PhotoSaintGermain à la place du parcours Saint-Germain. Nous avons corrigé l’erreur. Merci de votre compréhension]

Portrait Emmanuelle de l’Ecotais © Marjolijn de Groot

9 Lives : Photo Days vient d’inaugurer sa 3ème édition, pouvez-vous revenir sur la genèse du projet ? Nous raconter dans quelles circonstances Photo Days est né et avec quelles volontés ?

Emmanuelle de l’Ecotais : Photo Days a vu le jour dans des circonstances assez particulières puisque nous étions en pleine crise sanitaire du Covid. Mais le projet est né un peu avant, en 2019. L’idée était de recréer un nouveau mois de la photographie mais dans un format différent de ce que l’on avait connu précédemment. Cette ambition première a bien évidemment évolué avec le Covid, c’est à dire qu’au départ, j’avais en tête d’investir des lieux atypiques, habituellement fermés au public, et de passer des commandes aux artistes pour ces lieux spécifiques. Et puis lorsqu’en septembre 2020 on s’est douté que Paris Photo allait être annulé, j’ai proposé aux galeries d’organiser un parcours de visite des galeries. Donc voilà comment le projet Photo Days est né, à la fois de ce malheureux concours de circonstance, et d’une ambition qui était antérieure et qui voulait combler le vide qu’avait laissé la disparition du Mois de la photo.

9 Lives : Quel a été le résultat de cette première édition ? Comment le public a-t’il accueilli ce nouvel événement dans un contexte culturel difficile ?

Emmanuelle de l’Ecotais : Ça a été formidable. Il faut rappeler qu’à cause du confinement, l’événement s’est déroulé en décembre 2020 et en janvier 2021 au lieu de novembre 2020. À ce moment précis, les galeries étaient les seuls lieux culturels ouverts au public ! Ça a donc permis à un nouveau public de découvrir les expositions en galeries et ça a été une découverte pour beaucoup d’entre eux. Nous avons donc eu énormément de succès cette première année. Nous organisions des visites guidées pour toutes les expositions, on avait établi un parcours pour aller de galerie en galerie, d’un quartier à l’autre… On a eu beaucoup de succès dès la première édition et cela s’est confirmé l’année suivante, avec une participation grandissante de la part des galeries. Et nous avons pu également produire d’avantage d’expositions l’année passée et cette année-ci, ce qui avait été impossible à faire pour la première édition. Le chemin le plus logique serait que l’on se concentre de plus en plus sur nos propres expositions, mais face à la forte demande des galeries, on continue de proposer des parcours, ce qui est très apprécié du public.

Hortensia de Virginie, 2022 © FLORE / Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière

9 Lives : Pour cette édition, Photo Days propose deux parcours distincts sur deux temps : « Photos pas Photo » à partir du 15 octobre et « Place à la Photo » dès le 7 novembre. Pouvez-vous nous présenter les spécificités de chacun de ces parcours ?

Emmanuelle de l’Ecotais : Le premier parcours s’est organisé en partenariat avec le parcours Saint-Germain pour réaliser un parcours commun avec un axe majeur : celui du lien tissé entre photographie et art contemporain. Il s’agit d’une photographie conceptuelle qui sort de son cadre et pour lesquels des artistes utilisent le médium pour en faire des sculptures, des peintures, des vidéos, des objets, de la céramique parfois… Donc c’est toute cette diversité que nous avons réunit dans ce premier parcours dont le centre névralgique est bien sûr Saint-Germain-des-Prés, puisque c’est l’origine du parcours Saint-Germain, mais qui s’étale finalement sur tout Paris puisqu’un certain nombre de galeries a souhaité se joindre à nous.
Ensuite, la seconde partie « Place à la Photo » qui s’ouvre le 7 novembre prochain réunit tous les styles de photographie, l’image dans son sens le plus large et sans thématique.

Série Fantômes, 1996. Photogramme © Nancy-Wilson Pajic / Courtesy Galerie Miranda

9 Lives : Comment s’organise la sélection des expositions pour Photo Days ? Privilégiez-vous une certaine forme de photographie ou souhaitez-vous une plus grande diversité ?

Emmanuelle de l’Ecotais : Tout le monde a sa place dans Photo Days. Tout est mélangé des photographes établis aux émergents. Par exemple, nous produisons l’exposition d’une très grande dame de la photographie, Nancy Wilson-Pajic, qui a plus de 80 ans aujourd’hui, mais il y a aussi, bien évidemment de très jeunes talents. L’éventail est extrêmement large en terme de profils mais de styles également… Photo Days a la volonté de regrouper tout ce qui peut se passer en matière de photo. Et d’ailleurs, cette année nous sommes partenaires pour la première partie de Paris + Art Basel et pour la seconde partie de Paris Photo, on intègre également dans notre circuit le Festival du Regard à Cergy… Finalement, Photo Days réunit énormément de choses différentes et c’est ce qui fait la richesse de la programmation.

Nous sommes une toute petite équipe, je travaille avec Camille Gajate depuis deux ans et cette année, Diane de la Thibauderie nous a rejoint. Il n’y a pas de critères de sélection spécifique, c’est nous qui consultons les programmations des uns et des autres et qui proposons ensuite aux institutions, musées et galeries de nous rejoindre. Certaines personnes nous contactent pour proposer d’intégrer le parcours. Mais les critères sont très souples, il faut que l’on garde cette ouverture. L’idée n’a jamais été de faire des choix. Nous le faisons évidemment pour le parcours « Photo pas Photo » parce qu’il y a une thématique à respecter, mais nous ne voulons pas de classification, en disant « ça je prends, ça je ne prends pas ». Vous savez, la mentalité de Photo Days s’est construite au moment du confinement et de la crise sanitaire et donc c’était la solidarité qui prévalait avant tout, et au fond on est toujours dans cet esprit finalement. Donc nous n’avons pas de critères de sélection qui excluraient certains.

Nous souhaitons réellement créer une dynamique tous ensemble pour que la photo soit vivante pendant ces deux mois d’automne, on tente de donner toute sa place à la photographie. Et c’est également pour cela que nous avons tenu à être associé à Paris + Art Basel, car je pense que c’est très bon pour la photo de se tirer de plus en plus vers l’art contemporain. On a trop eu tendance, en France notamment, à isoler la photo. On voit bien, par exemple, que dans les musées, la photographie fait toujours exception, avec des salles attitrées, des modalités de conservation d’exposition différentes… Alors qu’en réalité, on devrait la mélanger un peu plus parce que c’est pas très bon de la ghettoïser ainsi. Moi j’essaie de faire le plus de croisements possibles. J’ai très envie, l’année prochaine par exemple, de développer un partenariat avec le festival d’Automne et faire des choses avec la danse par exemple ! Ce sont tous ces liens que j’ai envie de créer.

9 Lives : Les expositions à ne pas manquer ?

Le Code des gens honnêtes, 2022 1 copie. Rotonde Balzac © Jean-Michel Fauquet

Emmanuelle de l’Ecotais : difficile, car il y a beaucoup d’expositions, mais parmi celles que nous avons produites, je dirais sans doute, Jean-Michel Fauquet à la Rotonde Balzac qui ouvre le 7 novembre et qui va être une exposition très impressionnante. Sans aucun doute celle de Nancy Wilson-Pajic, aussi parce que cela fait très longtemps qu’elle n’a pas été exposée, et que nous avons fait un très bel accrochage. L’exposition est inaugurée aujourd’hui. Ensuite, dans le reste des parcours, il va y avoir beaucoup de belles choses à voir. Il y a un petit bijou, une exposition magnifique chez Jean-Kenta Gauthier, avec le jeune artiste japonais Daisuke Yokota à voir jusqu’à fin octobre.

Place Saint-Germain-des-Prés, œuvre de Mohamed Bourouissa © Dominique Dugay

absolument également, une sculpture de Mohamed Bourouissa installée sur la place Saint-Germain-des-Prés. On a également réalisé une commande spécifique pour le café Louise avec FLORE, qui a fait un travail remarquable tout à fait poétique dans le jardin du musée Delacroix.

9 Lives : La Rotonde Balzac, n’est pas un lieu d’exposition, c’est vous qui l’avez intégré dès la première édition.

Salle de Divination Climatique, 2022 © Yann TOMA

Emmanuelle de l’Ecotais : C’est un lieu très emblématique pour moi, car c’est le premier lieu qu’on ait eu et il incarne mon idée de départ, et de ce que je voudrais faire un peu partout. Ce lieu est fermé au public, et il a ouvert ses portes pour la première fois notamment grâce à la Photo Days en 2020, il venait d’être intégralement restauré et personne ne connaissait cet espace. Moi-même, je ne le connaissais pas un an avant. Ce lieu avait été abandonné il y a 60 ans. Et à chaque fois, on demande à des artistes de s’inspirer de Balzac pour créer une œuvre dans ces murs. Il y a un vrai dialogue entre l’histoire du lieu et le travail de l’artiste. Et on raconte à chaque fois une histoire différente autour de Balzac. C’est sans fin car La Comédie humaine a un peu inspiré tout le monde et grâce aux artistes on apprend à s’intéresser différemment à Balzac. C’est tout petit donc les expositions sont toujours de petits bijoux et ça fonctionne très bien car les artistes mènent de véritables réflexions, se documentent énormément avant de commencer à travailler. Cette année, il y aura deux expositions différentes à la Rotonde Balzac, la première session avec Yann Toma, qui a inauguré ce week-end et ensuite Jean-Michel Fauquet, le 7 novembre.

Inversion, TypeC, 2019 © YOKOTA Daisuke / courtesy Jean-Kenta Gauthier

9 Lives : Le secteur a particulièrement souffert de la crise sanitaire, qu’en est-il aujourd’hui ? Est-ce qu’il y a eu des modifications dans notre manière de « consommer la culture » et d’organiser les événements ?

Emmanuelle de l’Ecotais : Je ne suis pas sûre qu’on ait complètement changé notre mode de fonctionnement parce que j’ai l’impression que tout le monde reprend ses anciennes habitudes. On a tous à nouveau envie de reprendre la vie d’avant. Typiquement, nous sommes tous très heureux de pouvoir à nouveau faire un cocktail pour un vernissage, ça nous a manqué !
Par contre, je pense que toutes les questions qui sont relatives au développement durable ou les réflexions concernant le changement climatique sont davantage au centre des attentions. Nous, de notre côté, nous avons toujours fait attention à ces questions, parce que personnellement ce sont des sujets importants pour moi. J’essaie de faire le moins de transport possible, je ne calcule pas mes émissions de CO2 mais je fais, de manière instinctive, attention à ce que je fais et pour des raisons écologiques et non pas pour des raisons budgétaires.
Je ne suis pas sûre que ces questions soient complètement liées avec la crise sanitaire, mais ça fait partie de l’évolution. On voit de plus en plus de foires opter pour des matériaux éco-responsables, et c’est ça l’avenir. En fait, on va tous petit à petit se transformer et on doit faire attention à tout ça. Mais pour ce qui est de la distanciation sociale, on est bien content de s’en débarrasser.

9 Lives : Suite à cette crise, est-ce qu’on n’a pas quelque part dans un coin de la tête, toujours cette possibilité, lorsqu’on organise un événement tel que Photo Days, que tout puisse être annulé pour des raisons sanitaires ?

Emmanuelle de l’Ecotais : On a des petites sueurs froides de temps en temps mais je pense qu’aujourd’hui on a appris à vivre avec, je ne crois pas qu’on soit à nouveau amené à revivre ce qu’on a vécu, en tout cas je l’espère car ça a été quelque chose de terrible. Je n’arrive pas à croire que l’on puisse revivre un confinement comme en 2020. On sait qu’il va y avoir de nouvelles vagues, mais on a pris des habitudes sanitaires plutôt efficaces. Donc je pense que ce sera moins grave. On est habitué. Finalement, on s’habitue à tout.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam15oct(oct 15)10 h 00 mindim11déc(déc 11)19 h 00 minPhoto Days 2022 OrganisateurPhoto Days


https://photodays.paris/

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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