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Pour cette Seizième édition, Planches Contact Festival a deux nouveaux directeurs, Jonas Tebib venu du marché de l’art et Lionel Charrier, directeur photo de Libération et ancien membre du Jury de la Jeune Création du Festival. Le duo propose de nouveaux axes : une résidence hors les murs au Liban, la thématique de l’intimité, un jury Jeune Création étoffé et présidé par Rima Abdul Malak… 19 photographes sont les invités de 18 expositions aux Franciscaines, au Point de Vue, à la plage de Deauville et dans différents lieux de la ville.

Les photographes en résidence artistique réalisent des séries inédites sur la Normandie. Ils sont accueillis à la Villa Namouna de Deauville, renommée la « Maison normande de la photographie » par Lionel Charrier.

Portrait de Lionel Charrier © Cha Gonzalez

Fatma Alilate : Si vous deviez présenter une singularité forte pour Planches Contact Festival, quelle serait-t-elle ?

Lionel Charrier : C’est l’implication du Maire de Deauville, Philippe Augier, parce que tout d’abord c’est un Festival porté par la localité, et désormais c’est adossé aux Franciscaines, un des joyaux culturels de Deauville, mais surtout nous sommes soutenus. J’ai rarement vu un maire dans de nombreux Festivals, aussi engagé, et avec comme conviction que la culture est un vecteur important de transmission et de valorisation de sa ville.

FA : Et d’égalité des chances.

LC : On ne s’attend pas forcément à ce positionnement fort à Deauville. Il a une profonde conviction sur le pouvoir de la culture. C’est pour ça qu’il a créé Les Franciscaines. Il était très impliqué dans le Festival Livres et Musiques. Il vient de lancer un deuxième Festival photo, différent, puisque c’est la photo et le sport. Il n’y a pas beaucoup de villes qui organisent deux Festivals de photos. Donc on est emportés par cette dynamique. C’est pas financier, c’est surtout de l’énergie.

FA : Pouvez-vous rappeler les particularités de Planches Contact ?

LC : C’est un Festival basé sur la notion de résidence. Les photographes viennent, créent et produisent. Et cette dimension n’existe quasiment pas ailleurs. Tous les Festivals font une programmation à partir d’expositions déjà faites et ils construisent une programmation autour de séries déjà constituées. Il y a un lien très fort avec les photographes et on les accompagne d’un point de vue psychologique, financier, de l’idée, la production à l’exposition.

Session de travail pour la résidence à la Villa Namouna © Planches Contact Festival

FA : Comment avez-vous préparé cette édition au côté de Jonas Tebib ? Vous vous connaissiez ?

LC : On ne se connaissait pas. On est portés par les projets. C’est aussi pour cette raison que je ne suis pas resté dans les fonctions prévues au départ, sur la Jeune Création. On a des profils tellement différents qu’il valait mieux en faire un atout. Je connais le Festival depuis six ans, les rouages, les gens. C’est aussi une manière de faire qui correspond beaucoup à ce que je fais au Journal, à ce que j’ai fait chez MYOP : suivre les photographes, les aider à valoriser des projets. Il fallait aussi que ce soit faisable, je suis directeur photo de Libé.

Summer Taking Off, 2025 © Lin Zhipeng – Aka No.223

FA : Quels sont les nouveaux axes ?

LC : Il y a cette notion de créer sur le territoire. Les photographes quand ils viennent ont des idées, mais confrontés au territoire, ils peuvent changer d’idées, c’est l’esprit des résidences. L’axe principal par rapport aux années précédentes, c’est la thématique de l’intimité. C’est plus évident de piocher dans des séries existantes même si elles n’ont pas été montrées ou des travaux réalisés, sans un fil conducteur.

© Myriam Boulos

FA : Il y a une résidence hors les murs au Liban. Pourquoi le Liban ?

LC : Par le thème. Ce thème nous a amenés à proposer une résidence hors les murs. Comme on était sur l’intimité, je connais le travail de Myriam Boulos qui travaille parfois pour Libé. Sur l’intimité, Myriam Boulos c’est parfait. Ça apporte une dimension différente, c’était l’idée d’offrir au public quelque chose de plus large, tout en restant dans ce principe de résidence, c’est une nouveauté importante. Pour l’exposition principale consacrée à Arno Rafael Minkkinen, c’est toujours une grande rétrospective. Mais cette année on a demandé au photographe de faire une résidence. Et donc Arno Rafael Minkkinen du haut de ses 80 ans a accepté. C’est un photographe génial et humainement il est très intéressant.

Session de travail avec Arno Rafael Minkkinen pour la résidence à la Villa Namouna © Planches Contact Festival

Session de travail pour la résidence à la Villa Namouna © Planches Contact Festival

FA : Pour revenir à cette résidence artistique, vous avez dit que les photographes étaient accueillis à la Villa Namouna et que c’était la « Maison normande de la photographie ». C’est très chaleureux comme intitulé.

LC : Oui, j’ai dit la « Maison normande de la photographie », car c’est là où tout se crée. C’est le lieu de la relation entre les photographes et nous, directeurs artistiques.

FA : Vous y logez aussi ?

LC : Oui. Cette année, j’ai pu y être tout le temps. En tout cas, il y a un suivi important. C’est dans cette maison que la gestation créatrice se fait.

Fred Stucin. Villa Namouna © Planches Contact Festival

FA : Vous allez visiter des sites ensemble ? Vous donnez des pistes ?

LC : Surtout, on donne des pistes. On est là pour aider les photographes à accomplir leurs travaux, à donner des contacts, que ce soit nous ou l’équipe des Franciscaines. L’équipe du Festival est dédiée à aider les photographes à se déplacer, à la traduction s’il y a besoin. A la Villa Namouna, ça parle photographie toute la journée jusqu’à minuit. Ça existe peu ailleurs et surtout à cette échelle. Cette année il y a 19 photographes et 18 expositions. L’exposition Claude Cahun – Cindy Sherman est une introduction au thème de l’intimité. J’avais proposé à Jonas Tebib puisque sa spécificité c’est d’avoir accès à des tirages de collectionneurs, d’exposer aussi des objets de collections. Dans cette maison, tout le monde n’est pas là en même temps, on ne le pourrait pas d’ailleurs. Mais il y a aussi d’autres maisons, mais la principale est la Villa Namouna. Le maire vient aussi, il m’appelle pour passer et rencontrer les photographes.

FA : Selon vous quelles sont les qualités attendues d’une photo artistique ou d’une série ?

LC : Une photo doit susciter la curiosité, l’envie. Elle doit toucher au cœur. Il y a plusieurs manières pour qu’une série photographique touche. Ça peut être par l’histoire, le graphisme, la beauté des images, la construction du projet, la matière, les tirages.

Reflets d’Elle © Carline Bourdelas

FA : En cette période de l’écran, de l’IA, est-ce que vous avez des inquiétudes pour la photo ?

LC : De l’inquiétude, il faut toujours en avoir. Le métier de photographe est difficile, financièrement. C’est un métier qui a différents statuts entre les journalistes, les auteurs… Il n’y a pas d’intermittent – photographe. C’est assez compliqué. Je suis assez content de faire partie de Planches Contact parce qu’on aide les photographes à produire, on les finance, il y a quand même 20 % du budget global attribué aux photographes, et c’est assez rare. C’est ce que je fais aussi au Journal qui est un des derniers journaux qui a une culture photo. Cette relation avec les photographes à Deauville, c’est sur un temps plus long. Pour revenir à la réussite non pas d’une série mais d’un Festival, c’est quand on arrive à un foisonnement de manières de voir les choses. Car en fait l’art des photographes, c’est la manière dont ils regardent le monde et comment ils le regardent, leurs attitudes, leurs sensibilités à le transmettre aux spectateurs.

Propos recueillis par Fatma Alilate

INFORMATIONS PRATIQUES

sam18oct(oct 18)10 h 00 min2026dim04jan(jan 4)19 h 00 minPLANCHES CONTACT 2025Le Festival de Photographie de DeauvilleFestival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville

Fatma Alilate
Fatma Alilate est chroniqueuse de 9 Lives magazine.

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