Renato D’Agostin est considéré comme un maître de l’argentique. Il a installé son Studio près de Venise, dans un ancien entrepôt. Pour développer ses images en noir et blanc, il s’appuie sur un processus physique et sculptural en privilégiant le travail sur la texture. Sa série L’Architecture des émotions évoque une rupture amoureuse dont Deauville devient le décor de cinéma. Exposées aux Franciscaines dans le parcours de l’exposition Intimités, les photographies entrent en résonance avec un leporello – livre en frise réunissant des tirages, également proposé en grand format à la plage.

Accompagné du pianiste Alberto Bof, Renato D’Agostin a donné un concert-image le 24 octobre 2025. Dans le Cloître des Franciscaines baigné d’une lumière inactinique, le photographe italien a réalisé en direct et en musique un tirage en superposant plusieurs négatifs.

© Renato D’Agostin

Fatma Alilate : Vous avez commencé la photographie à dix-sept ans, pourquoi avez-vous commencé si jeune ?

Renato D’Agostin : J’en avais besoin et j’ai trouvé des réponses à mes questions dans la photographie. J’ai construit une chambre noire. Par le processus de création de l’image, je me suis senti plus en phase avec le réel.

FA : Vous avez un grand laboratoire près de Venise, vous êtes considéré comme un maître du tirage.

Rd’A : J’ai vécu à New York treize, quatorze ans et j’avais mon labo. J’ai pensé à un projet pour lequel j’avais besoin de travailler sur un format plus grand. Et j’ai décidé de déménager juste à côté de Venise. Cette vaste chambre noire me permet de travailler sur des tirages jusqu’à deux mètres de hauteur. Désormais je travaille sur des tirages encore plus grands. J’avais vraiment besoin d’aller hors de la photographie traditionnelle et d’essayer quelque chose d’autre par l’expérimentation. J’ai toujours adoré le grand format.

© Renato D’Agostin

© Renato D’Agostin

FA : Comment vous procédez ? C’est le noir et blanc que vous privilégiez ?

Rd’A : C’est le noir et blanc bien sûr, l’argentique. J’ai des grands bacs dans lesquels je fais tout le processus normal, on peut dire, mais XXL.

FA : Vous proposez des publications. Dans l’exposition des Franciscaines, il y a ce petit livret.

Rd’A : Oui, le leporello que l’on retrouve en grand format à la plage. J’ai publié quinze, seize livres. Il y a quatre titres à la boutique des Franciscaines, ce sont des tirages argentiques que j’ai moi-même assemblés. Ils sont tous faits à la main avec les textes de Claudio Composti, le commissaire d’exposition qui suit mon travail. Quand je fais un tirage, il y a vraiment moi-même. Le livre est un moyen pour permettre de faire toucher le tirage réel au public. Il devient un témoignage du travail réalisé dans la chambre noire. Je ne travaille pas avec le numérique car je travaille la photographie avec mon corps. Pour moi c’est important comme concept parce que sinon c’est un travail comme un autre, que je respecte bien sûr, mais il me faut du sens.

FA : Donc pour vous, la photographie est un geste physique.

Rd’A : Oui, c’est de la sculpture. Surtout quand je travaille sur des grands formats de deux mètres, j’utilise tout mon corps pendant la projection pour bloquer la lumière, avoir du contraste. Quand je travaille sur un petit format, j’utilise seulement mes mains. J’adore faire partie de la production, de la création des pièces.

© Renato D’Agostin

FA : Pour revenir justement à un moment de création, vous avez offert avec le pianiste Alberto Bof un moment unique aux Franciscaines. Ce mini-concert pendant lequel vous avez fait le tirage d’une photographie à partir de plusieurs négatifs.

Rd’A : L’idée, c’était d’accompagner en musique la création photographique comme je la pratique dans mon studio. J’écoute toujours de la musique, dans une forme d’échange. Et mes assistants me détestent parce que j’écoute toujours la même musique. Je dois contrôler de quelque manière que ce soit mes sentiments pendant le travail du tirage, et cette musique est un support. Avec Alberto c’était différent, c’était une improvisation et c’était l’esprit de la soirée.

FA : C’était un moment de communion, tout le monde était attentif. C’était assez magique.

Rd’A : Oui c’est ça la force de la photographie et de la chambre noire. La photographie est vivante, parce qu’il y a la possibilité de l’erreur et c’est difficile même dans la chambre noire. La température, les valeurs sur l’objectif, le moment du tirage, les émotions, les évènements de la vie personnelle agissent. Mais parfois j’accepte les erreurs, ce sont des nuances, ça peut même être mieux.

FA : Votre série L’Architecture des émotions a été rapprochée du film Un homme et une femme. Vous viviez pendant votre résidence une rupture amoureuse.

Rd’A : Oui, et c’était difficile de choisir les photos. C’est encore fort, parce que c’est vrai. Le sujet de cette édition est l’intimité. J’ai essayé mais j’ai pour habitude de mettre de la distance avec l’intime.

FA : Il y a aussi un côté architectural.

Rd’A : Toujours dans mon travail, parce que comme j’aime travailler sur un projet de livre, c’est toujours de l’architecture. Ma série est une architecture des sentiments avec cette personne et Deauville qui est le décor de cet amour.

– Propos recueillis par Fatma Alilate

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Fatma Alilate
Fatma Alilate est chroniqueuse de 9 Lives magazine.

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