Veronica Mecchia est photographe, elle a noué avec Arno Rafael Minkkinen une étroite collaboration artistique depuis 1998 – année de leur premier autoportrait nu. Née à Paris de parents italiens, Veronica Mecchia est revenue dans la capitale pour étudier l’Histoire de l’art à la Sorbonne. C’est dans le cadre d’un workshop, qu’elle commence à travailler aux côtés d’Arno Rafael Minkkinen, en tant qu’élève et modèle. Au Planches Contact Festival de Deauville, elle a accompagné Minkkinen en résidence pour la série Intimate Equations exposée aux Franciscaines. Le rythme a été très intense et productif.

Pour Minkkinen, chaque photo de ces dernières décennies réalisée avec Veronica Mecchia a d’abord pris vie dans son esprit pour assurer sa sécurité et son confort, tout en souhaitant qu’elle serait parmi ses préférées.

Fatma Alilate : Pouvez-vous présenter votre rencontre avec Arno Rafael Minkkinen ?

Manet’s chair, Normandy © Arno Rafael Minkkinen, 2025. Courtesy Galerie Camera Obscura, Paris

Veronica Mecchia : En fait je l’ai rencontré en 1997 donc avant mes stages à Milan, dans la Galerie II Diaframma qui a été l’une des premières galeries consacrées à la photo en Europe. C’est là que j’ai découvert son univers, ses photographies. Puis j’ai été son élève dans des workshops en 1997 et en 1998, en Toscane, dans un lieu magnifique à la campagne. J’étais étudiante à l’Université en Histoire de l’art. Et en même temps, auprès de la Galerie II Diaframma, j’ai suivi pendant toute une année les cours de photographie de Giuliana Traverso. Et pendant ma troisième année, je suis allée à Paris pour étudier à la Sorbonne. Ce qui m’a toujours marquée, c’est l’aspect éphémère et transitoire de toute chose et de la vie. Ma première série Vanitas s’inspire de Natures mortes avec des compositions florales, pour souligner une dimension éphémère et mélancolique. Même si on fait partie de cette nature éphémère, je voulais insérer une présence humaine. Je travaille beaucoup sur les cycles naissance, mort et renaissance, plutôt dans la nature. La série Habiter poétiquement le monde est inspirée librement de Friedrich Hölderlin, un poète allemand, et évoque mon ressenti. Mon langage photographique s’inscrit dans la contemplation.

Étretat. Dreaming, Normandy © Arno Rafael Minkkinen, 2025. Courtesy Galerie Camera Obscura, Paris

FA : Pourquoi le choix de la photo ?

VM : J’ai commencé à prendre des photos au lycée. Je suis tombée amoureuse d’un appareil photo, un Rolleiflex qu’avait une copine. Et j’ai demandé à mon père son premier appareil photo des années 1970, un Canon AE-1, avec lequel j’ai commencé. J’avais besoin quand je vivais des émotions, de les représenter par la photographie.

FA : Quels sont vos procédés ?

VM : C’est toujours l’argentique. Je travaille avec un pied comme Arno, et je mets le retardateur. Je suis toujours seule, pour moi c’est fondamental. Je saisis la lumière, des éléments, une pierre, des arbres, des plantes. Je suis attentive aux contrastes, ça peut être la fragilité et la force, et ma présence relie cette double nature.

Paris, Novembre 2016 © Veronica Mecchia

FA : Comment s’est passée la résidence Planches Contact ?

VM : C’était un rêve de pouvoir travailler avec lui à Deauville. Au mois d’avril, Arno m’a proposée de venir en résidence de création en juin parce qu’il ne pouvait pas venir plusieurs fois. Il m’a écrit un e-mail, quand je l’ai lu, je n’y croyais pas. J’étais très contente. Il souhaitait une présence féminine devant l’objectif pour traiter de l’intimité entre un homme et une femme dans les paysages normands. J’ai tout de suite dit oui. Depuis la première photo de 1998 qui introduit la partie Minkkinen aux Franciscaines pour l’expo Intimités, il restera toujours mon mentor et on est devenus amis. Il donne des conseils très bienveillants, et précis.

FA : Il y a cette photo assez étonnante, vous êtes réunis en équilibre sur la roche.

VM : C’est Arno qui voit la photo. Cette photo a été faite à la plage de Trouville. On avance sur la plage. Puis il s’arrête, il revient et il dit : « Attends, on va voir ces rochers. Il y a une photographie ici. ». Il a pensé aux positions, il a pris les mesures des rochers pour anticiper les espaces occupés par nos corps. Il m’a dit où je pouvais me positionner. Il décide de la mise en scène, de la composition exacte. Je pense que du fait de ma pratique photographique, ça l’a aidé, car les positions pour la photo de Trouville sont très difficiles parce que mon dos était appuyé sur une infime partie de la roche. Je devais être suspendue avec les jambes et attraper son bras. Au moment où il a tenu mes pieds, je me suis sentie toute légère, dans une forme de lévitation.

FA : Donc c’est vraiment une relation de confiance. Il a beaucoup parlé de confiance pour votre duo photographique.

VM : Exactement, depuis la première photo, il y a cette relation de confiance. Quand je l’ai connu, c’est comme si on se connaissait depuis toujours.

Château de l’Aubépine, Octobre 2017 © Veronica Mecchia

The lake, Kuopio, Finland, May 2025 © Veronica Mecchia

FA : Qu’est-ce que vous retenez de cette expérience ?

VM : Au début, je pensais que chaque photographe avait sa période de résidence. On est arrivés un soir avec Jonas Tebib, tout le monde était à table à la Villa Namouna. Ils se connaissaient tous depuis mars. J’étais surprise et tellement contente. C’était une magnifique expérience. Ça m’a beaucoup enrichie. Et j’ai rencontré des amis. Mais au-delà de ça, du point de vue professionnel, tous les soirs les photographes partageaient leurs catalogues, les photos réalisées. J’aimais beaucoup le moment des petits-déjeuners, avant la journée très intense. Quand je travaille avec Arno, j’apprends toujours. En le voyant travailler, j’ai appris qu’il ne faut jamais renoncer. Il a une telle énergie à son âge. Il avait plus d’énergie que moi. A Etretat, on est restés dix heures en extérieur. Il y avait du monde, mais au bout d’un moment, on ne voit plus personne car on est concentrés. A la fin de la journée, il voulait prendre une autre photo, celle où on est de dos sur la plage et on regarde la mer. J’ai vu sa détermination, sa passion restée intacte. A l’inauguration, j’étais très touchée. Je n’avais pas vu les photos, de les découvrir en vrai, j’avais presque les larmes aux yeux. Dans la lignée de l’introduction avec les autoportraits de Cahun et Sherman et tous les photographes, finalement c’est au-delà de l’intimité. Ils ont fait un très bon travail avec ce parcours, l’accrochage et la scénographie, même l’effet Minkkinen face à 223 est très réussi.

– Propos recueillis par Fatma Alilate

INFORMATIONS PRATIQUES

sam18oct(oct 18)10 h 00 min2026dim04jan(jan 4)19 h 00 minPLANCHES CONTACT 2025Le Festival de Photographie de DeauvilleFestival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville


https://planchescontact.fr/

À LIRE
Planches Contact Festival, une seizième édition entre intimité et renouveau
Interview Lionel Charrier, co-directeur de Planches Contact Festival

Fatma Alilate
Fatma Alilate est chroniqueuse de 9 Lives magazine.

    You may also like

    En voir plus dans L'Interview