Arno Rafael Minkkinen, photographe finno-américain, est le Grand Invité de la seizième édition du Planches Contact Festival dont la vocation est la réalisation de photographies inédites en Normandie. Accompagné de Veronica Mecchia – photographe et ancienne élève –, Minkkinen a conçu la série Intimate Equations, un dialogue poétique entre un homme et une femme.
A la plage de Deauville, une majestueuse rétrospective présente une sélection d’images emblématiques de Minkkinen qui a commencé sa carrière au début des années 1970.

Exposition In Situ © Naïade Plante

Il a été récemment récompensé du Prix de la Photographie de l’Académie des Beaux-Arts William Klein 2025. Dans ses autoportraits, le corps se fond avec subtilité dans la nature. La nudité devient une peau-écorce du paysage, par des effets de mimétisme.
Pour Minkkinen, chaque photo de ces dernières décennies réalisée avec Veronica Mecchia a d’abord pris vie dans son esprit pour assurer sa sécurité et son confort, tout en souhaitant qu’elle serait parmi ses préférées.

KilbergBoat © Arno Rafael Minkkinen

« Ce qui se passe dans votre esprit peut se produire dans un appareil photo. »

Né en 1945 à Helsinki en Finlande, sa famille émigre aux Etats-Unis à ses six ans, Minkkinen ne parle pas la langue, et porte sur son visage un bec-de-lièvre dont sa mère a beaucoup souffert. La photographie est un langage qui l’a apaisé. Dès la réalisation de sa première photographie importante, il a ressenti du bien-être. Il s’était alors déshabillé et l’image de son corps dans un miroir avait été prise à l’aide d’un trépied et d’un déclencheur automatique – il a conservé cette technique et photographie rarement son visage. Le parcours de Minkkinen a commencé par un rendez-vous manqué avec la photographe Diane Arbus (1923-1971). Il a été profondément marqué par L’enfant à la grenade. Il s’y est reconnu, persuadé qu’il y avait une place pour lui en photographie : « C’est le garçon que j’étais en arrivant à Brooklyn, à New York. » Il s’est inscrit à un workshop dirigé par Arbus, mais elle se donne la mort en juillet 1971. Il a toujours pensé qu’elle l’aurait pris en photo s’ils s’étaient rencontrés.

Son pays natal est une source d’inspiration. C’est au cours d’un voyage, que ses cousins se baignant nus l’invitent à faire de même – la nudité lui permet de fusionner avec les éléments – l’air, l’eau… En 1973, il réalise en Finlande la photo de son dos émergeant de l’eau tel un rocher – exposée à la plage de Deauville -, il a alors trouvé sa technique pour ses autoportraits : l’appareil est posé sur un trépied au niveau de la mer et il se déplace pour la prise de vue, devenant son propre modèle. 

En interaction avec la nature sans s’imposer de limites, Minkkinen dévoile des situations étonnantes. Artiste de performance, il privilégie les scènes épurées avec des forces graphiques, des jeux d’échelle et de formes. Maître du noir et blanc, il met en scène son corps en tout ou en partie, dans la nature, ajoutant une touche d’élégance et une dimension surréaliste. Il ne sait pas au moment de la prise de vue ce que sera l’image. Mais il a besoin de penser comme un objectif aux possibilités qui s’offrent à lui, à partir du désir de l’image. A la fin des années 1960, il était rédacteur publicitaire et il avait rédigé ce slogan prémonitoire : « Ce qui se passe dans votre esprit peut se produire dans un appareil photo. » 

Narragansett, 1973 © Arno Rafael Minkkinen

Un spectacle magnifique et unique

Pour la résidence au Planches Contact Festival, les photos ont été réalisées pendant une dizaine de jours. L’exploit est d’autant plus remarquable que l’on retrouve l’approche facétieuse et géométrique. Minkkinen et Veronica Mecchia ont été accueillis en juin 2025 à la Villa Namouna à Deauville – près de vingt photographes avaient déjà commencé leurs résidences depuis mars en trois périodes. Certaines photos ont été prises dans une des chambres de cette « Maison normande de la photographie » comme l’a définie Lionel Charrier, co-directeur du Festival. L’une des images montre deux corps de dos face à l’horizon infini d’une fenêtre mêlant mer et ciel. On découvre aussi des autoportraits nus dans des paysages normands, une photo représente Veronica Mecchia en apesanteur au-dessus de la mer, à Etretat. Les compositions aux jeux d’équilibre sont précises et délicates. La première image avec Veronica Mecchia date de 1998, elle introduit la section Intimate Equations de Minkkinen, aux Franciscaines. Veronica Mecchia a été très heureuse d’être invitée par Minkkinen à participer au Planches Contact Festival comme sa partenaire d’un duo photographique, elle considère Minkkinen comme son mentor. 

Circle in Stone ©Arno Rafael Minkkinen

Chaque jour de la résidence était dense. Toutes les photos ont été esquissées dans un carnet – Minkkinen n’a pas toujours dessiné. Ses photos sont sans artifice ni retouche, l’authenticité est au cœur de sa créativité. 

Immédiatement, il perçoit le potentiel photographique d’un endroit. A la plage de Trouville, en marchant avec Veronica Mecchia, un rocher avait attiré son attention : « Veronica a vu que j’avais vu quelque chose. C’est à l’instant, juste un regard. Un petit muret et ça chute, explique Minkkinen. Ce moment-là est un moment d’inspiration. Deux dimensions, une verticale, quelque chose d’irréel, un scénario. Est-ce que c’était possible ? On voulait cette image ! On est retournés sur nos pas pour faire la photo. » 

Si on lui demande pourquoi le noir et blanc de l’argentique, il reprend avec humour la citation que lui avait fait dire Life Magazine : « Je ne voulais pas faire de la couleur car je me sentais tout nu. » 

Par sa capacité d’émerveillement, il rend hommage à la beauté et crée des paysages magiques. Le toucher – mains, doigts – apparaît dans un rendu sensuel sur cette nouvelle série.

Minkkinen a été très heureux de cette résidence au Planches Contact Festival : « Ce qui est super avec cette résidence, c’est le choix des lieux. On avait accès à des arrière-plans variés pour des images différentes. »

Avec les autres photographes invités du Planches Contact Festival qui lui ont présenté portfolios et créations visuelles, il a été très bienveillant, disponible et à l’écoute : « Les images qui me touchent sont celles qui restent dans ma tête », a-t-il confié. Sa présence, sa personnalité très humble ont été enrichissantes y compris pour l’équipe du Planches Contact Festival. 

Pour sa rétrospective à la plage de Deauville, Minkkinen a été ébloui : « Je n’ai jamais vu mon travail dans un contexte aussi beau. Les images me parlent. C’est un spectacle magnifique et unique. » 

– Fatma Alilate

INFORMATIONS PRATIQUES

sam18oct(oct 18)10 h 00 min2026dim04jan(jan 4)19 h 00 minPLANCHES CONTACT 2025Le Festival de Photographie de DeauvilleFestival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville


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Fatma Alilate
Fatma Alilate est chroniqueuse de 9 Lives magazine.

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