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Ways of Seeing à la Fondation Boghossian (Bruxelles)

Temps de lecture estimé : 4mins

Ouverte au public en 2010 après la restauration de la somptueuse Villa Empain de pur style Art déco, sur la volonté de Robert Boghossian et ses fils d’en faire un centre de dialogue interculturel entre l’Orient et l’Occident, la Fondation Boghossian accueille la seconde exposition conçue par les commissaires Sam Bardaouil et Till Fellrah (www.artreoriented.com) sous le titre Ways of Seeing.

Au départ imaginée pour Arter -space of art à Istambul la sélection a été enrichie pour le contexte belge avec notamment la question de la colonisation à partir d’œuvres du musée de Tervuren (Tintin au Congo..), de David Claerbout (né en 1969 à Courtrai) et de Thierry Bosquet « La révolution de 1830 devant la Monnaie » étape fondamentale dans la fondation de l’identité belge.
Des œuvres spécialement pensées pour la Villa Empain de James Turell, Fred Sandback et Gustav Metzger complètent le panorama réunissant 27 artistes et collectifs et 70 œuvres tous mediums confondus.
Qu’est-ce que voir une œuvre d’art ? en quoi est-ce un acte politique ? notre regard n’est -il pas prédéterminé ? jusqu’où l’artiste manipule les images par stratégie formelle ? sont parmi les enjeux passionnants que traverse l’exposition.
Son point de départ est l’ouvrage critique clé de John Berger « Ways of seeing » de 1972 lui-même inspiré de Walter Benjamin quant à l’impact de la diffusion massive d’images d’ œuvres d’art (suite à leur reproductibilité technique) sur notre regard. Berger appelait aussi à une révision du canon eurocentré de l’histoire de l’art, de la tradition du nu féminin et des contextes politisés des modes d’exposition des œuvres.
A partir de ces constats l’exposition revendique l’acte de regarder une œuvre
comme une tentative de déchiffrement libérant le spectateur de codes et de symboles qui orientent sa perception de l’œuvre.
D’entrée de jeu avec « The Algier’s sections of a happy moment » métaphore du d’un présent suspendu, David Claerbout instille un dérèglement spatio-temporel, tandis que Gustav Metzger dans le grand hall revisite l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie et les souffrances endurées par le peuple juif et
l’épisode du massacre d’Al-Aqsa à Jérusalem en 1990, deux vastes images recouvertes d’un drap empêchant le regard d’embrasser la scène dans sa totalité. Le spectateur est comme empêché de percevoir et de comprendre l’intensité de ce qui se joue.
Markus Shinwald se saisit d’autres ruses dans ses portraits de style Biedermeier aux prothèses ambigües qui défient les classifications habituelles en histoire de l’art, de même chez Cindy Sherman avec son pastiche trompeur dans ce qui ressemble à une aristocrate du XVIIème siècle affublée d’un nez protubérant.
Voir le revers d’une oeuvre avec vik Muniz, série « Verso » c’est toucher à l’absence et au vécu de l’image et assister au making of d’instants historiques à partir de leur mise en scène reconstituée par Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger (Derrière la gare St Lazare) c’est remettre en question la véracité documentaire de la photographie. Aura mise à mal également par James Casebere, tandis qu’Alicja Kwade nous invite à aller au delà des apparences. Sublime jeux optiques et de manipulation avec Jeppe Hein « Rotating Mirror Object », Fred Sandback et son installation pour la salle à manger qui transforme l’espace en un « dessin habitable » ou James Turell autour de l’illusion de la lumière.
Laissons le mot de la fin à Dali « qui avec la sculpture les Yeux surréalistes » nous invite à changer de focale sur les œuvres d’art et adopter un autre regard sur le monde environnant.

Exposition aussi rigoureuse formellement que scientifiquement qui allie la poésie plastique à la force du message dans ce décor unique. A ne manquer sans aucun prétexte lors d’une visite à Bruxelles !

Artistes : Ghada Amer, Chris Bond, Frédéric Borgella, Thierry Bosquet, James Casebere, David Claerbout, Jojakim Cortis & Adrian Sonderegger, Salvador Dali, Hans-Peter Feldmann, Mona Hatoum, Jeppe Hein, Paul et Marlene Kos, Alicja Kwade, Gustav Metzger, Herman Moll, Shana Moulton, Vik Muniz, Grayson Perry, Walid Raad, Fred Sandback, Hassan Sharif, Cindy Sherman, Markus Schinwald, Kim Tschang-Yeul, James Turrell, Kara Walker, James Webb.

Egalement découvrez Instantanés d’Orient, une sélection de photographies issue de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain, montrée à Paris à l’Institut du monde arabe ainsi qu’à la Maison Européenne de la Photographie en 2017.

INFOS PRATIQUES :
WAYS OF SEEING
Jusqu’au 18 février 2018
Catalogue trilingue, éditions Fondation Boghossian, 170 pages, en vente à l’élégant espace librairie sur place.
Villa Empain
Avenue Franklin Roosevelt, 67
Bruxelles
Activités proposées : concerts, performances, ateliers et stages pour enfants..
Tarif :
10€ plein, de 8 à 4 € réduit
http://www.villaempain.com

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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