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Leica, une vision pionnière
Focus sur l’exposition « Augen Auf ! »

Temps de lecture estimé : 7mins

L’exposition qui célèbre le centenaire de Leica est monumentale. Entièrement conçue par l’historien Hans-Michael Koetzle, elle retrace l’histoire de la marque, mais également celle de la photographie à travers un choix de tirages vintage ou contemporains, œuvres iconiques et documents d’archives uniques. C’est ainsi que nous nous rendons à Wetzlar, dans le Land de Hesse, siège historique de Leica pour l’inauguration de « Augen Auf ! ».

Nouveau Musée Leica, Wetzlar © Ericka Weidmann

« Augen Auf ! » est une exposition itinérante qui a débutée en 2014 à la Maison de la Photographie à Hambourg, après avoir été montrée à Francfort, Berlin, Vienne ou encore Munich (on regrettera qu’elle ne soit pas passée par Paris…), elle est aujourd’hui présentée dans le cadre de l’ouverture du Leitz Park 3, et notamment pour l’inauguration du Musée Leica. Il s’agit très probablement de sa dernière présentation en Europe. Vous aurez donc jusqu’au 31 octobre prochain pour la (re)découvrir.

A chaque exposition, Hans-Michael Koetzle adapte la scénographie au lieu. Ici, nul plan prédessiné, le curateur habille les murs en fonction de la disposition des cimaises. « Augen Auf ! » a été traduit en français par « Les Yeux Grands Ouverts » mais elle ne traduit pas exactement l’expression allemande souhaitée par le commissaire, qui évoque la notion de mise en garde,  celle « d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire attention à ce qu’il se passe autour de nous … avec le 3ème œil de la caméra« .

A gauche, la photographie d’Henri Cartier-Bresson | A droite : Hans-Michael Koetzle

L’exposition est introduite par l’impression en grand format d’une image de René Jacques, achetée par Hans-Michael lui-même à Paris, au marché aux puces. Elle représente le fragment d’un visage, celui d’une jeune femme; le cadrage est très serré sur un oeil légèrement maquillé portant son regard hors du cadre. Cependant, après avoir questionner le commissaire, s’il y avait une photographie qui devait résumer parfaitement l’esprit de Leica, ce serait la photographie de la gare Saint-Lazare d’Henri Cartier Bresson.

La première salle introduit l’historique de la célèbre marque allemande, avec une frise chronologique allant de 1849 à 2014, de la création de l’institut optique par Carl Kellner, jusqu’à l’ouverture de la manufacture de Wetzlar. Le centenaire débute par la conception en 1914, du premier appareil au format 135 avec le « Ur Leica » mis au point par Oskar Barnack.
Se déploient ici, des images d’Oskar Barnack, réalisées dès 1914. Il s’agissait pour lui d’explorer toutes les possibilités et capacités liées au petit format : portraits serrés, portraits de groupe, photographies d’architecture, prise de vue à l’horizontal, à la verticale… Venait de naître une nouvelle ère pour la photographie. On découvre des documents d’archives avec les croquis du premier Leica, en un siècle, son design imaginé par Barnack ne changera pas. On retrouve le même esprit du modèle « Ur », aux modèles digitaux les plus récents.

Hans-Michael Koetzle a décidé de débuter l’exposition avec trois images de René Burri, qui ont été prises à New York en 1959. On voit Henri Cartier-Bresson avec son Leica à la main, il est à la fenêtre d’un immeuble et capture les rues de Manhattan. C’est ici un hommage, car René Burri a réalisé les tirages pour Hans-Michael Koetzle juste avant sa mort.

Exposition Augen Auf ! Musée Leica, Wetzlar © Ericka Weidmann

L’exposition commence réellement avec un premier mur d’images qui évoquent la révolution d’utilisation de l’acte photographique  provoqué par l’arrivée du petit format. Les premières images démontrent la souplesse de l’utilisation des boitiers au petit format, on change littéralement de manière de photographier. On a cette première image d’Alexander Rodchentko qui montre un photographe russe sur la place rouge à Moscou, mettant son boitier au bout de ses mains, bras tendu. Suivent des images d’accidents qui prouvent que le petit format permet de l’avoir toujours sur soi et de saisir des instants rapidement. Le mode de réaction n’est plus le même, le rapport au temps est alors modifié.

Exposition Augen Auf ! Musée Leica, Wetzlar © Ericka Weidmann

Exposition Augen Auf ! Musée Leica, Wetzlar © Ericka Weidmann

On poursuit avec un nouveau chapitre : le photojournalisme, dans la période de l’entre deux guerres, 1925-1935, avec l’image iconique Mort d’un soldat républicain de Robert Capa réalisée en 1936. Bien que soumise à de nombreuses polémiques et débats, elle fait partie des photographies les plus célèbres du siècle dernier ! En résonance, on retrouve la publication de cette image par le magazine VU, le « meilleur magazine de photographie de tous les temps » d’après le commissaire.
C’est une partie de l’exposition qui – sciemment – n’a pas été développée, car ce pan de l’histoire de la photographie aurait nécessité à lui seul, une exposition à part entière.

On enchaine ensuite les chapitres de la photographie subjective avec les premières photographies couleur, et de la photographie humaniste. On y découvre un film passionnant réalisé par Gjon Mili, on y voit Henri Cartier-Bresson photographiant le Nouvel An Chinois à New York en 1959. Retour également sur l’âge d’or du photojournalisme avec le développement de la presse et l’arrivée d’une des premières agences coopératives : Magnum Photos.
On poursuit avec la photographie de mode et des images de Paolo Roversi en couleur, et Jeanloup Sieff en noir et blanc.

Bien que cette exposition soit une version plus réduite que l’originelle présentée à Hambourg en 2014, le commissaire d’exposition a tenu à garder une grande partie du chapitre sur la photographie espagnole des années 50. Une période sous la dictature de Franco qui a manqué de visibilité. On y retrouve des images de Ricard TerréLeopoldo Pomés ou encore celles de Ramon Masats… On a également une petite partie sur la photographie japonaise, avec des tirages d’Herbie Yamaguchi et de très beaux et grands tirages noir et blanc de Noboyushi Araki.
Vers la fin de l’exposition, on explore la photographie d’auteur, avec notamment une courte série d’images de Claude Dityvon sur mai 68, et des travaux plus contemporains avec Paulo Nozolino, tirages vintage réalisés dans les années 80, et 3 grands tirages d’Alain Willaume placés à côtés des images de François Fontaine.
Enfin, un dernier chapître, avec la photographie couleur des célèbres William Eggleston, Fred Herzog et autres Saul Leiter

Exposition Augen Auf ! Portrait Oskar Barnack Musée Leica, Wetzlar © Ericka Weidmann

Avant de clôturer l’exposition, on retrouve un espace en hommage à Oskar Barnack avec quelques portraits photographiques et le microscope de 1903 présenté dans une vitrine. Le dernier portrait réalisé en 1935 par le Dr Walthari Dietz, montre Oskar Barnack, le regard baissé vers un Leica placé entre ses mains. Barnack venait tout juste d’apprendre qu’il souffrait d’une maladie respiratoire grave. Il est décédé un an après cette photo.

INFORMATION PRATIQUES
« Augen Auf ! »
Du 15 juin au 31 octobre 2018
Musée Leica
Leitz Park 3
Wetzlar, Allemagne
http://leica-camera.com


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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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