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Festival Portrait(s) à Vichy (1ère Partie)

Temps de lecture estimé : 9mins

Le Festival PORTRAIT(S) à Vichy vient d’ouvrir ses portes au public pour tout l’été, jusqu’à au 9 Septembre, établissant dans sa Sixième édition, la grande qualité de ses choix éditoriaux et le voyage qu’il propose au sein de la thématique assez large du portrait, une dizaine d’écritures  authentiques et assumées se proposent à la lecture. 

Exposition Mark Selige, Portrait(s) Vichy 2018 © Pascal Therme

Sous la Direction Artistique de Fany Dupêchez aidée de Pascal Michaut, Karim Boulhaya, le festival compte une dizaine d’expositions importantes, où il est aisé de s’y rendre, du centré culturel Valéry-Larbaut,  en centre ville où sont exposés Justine Tjallinks, Nelli Polamäki, Thomas Sauvin, Denis Dailleux, Gilles Coulon, puis à quelques pas, à la Médiathèque, le prix du jury, Héloise Berns. Une charmante et brève promenade invite à se rendre sur les quais de l’Allier, ici d’une ampleur majestueuse, où sont exposés en extérieurs les portraits de Mark Seliger. Au passage, à la sortie du centre culturel, sur le chemin de l’Allier, Karma Milopp, couple créatif, s’est emparé des parvis de l’église Saint Louis  et de celui de la gare SNCF. C’est ici que les vichyssois pourront se mesurer au regard du couple d’artistes de Karma-Milopp ayant réalisé une série de portraits de familles vichyssoises.

Exposition Gilles Coulon, Portrait(s) Vichy 2018 © Pascal Therme

Pour élargir ce travail avec la ville, dont le maire Frédéric Aguilera soutient le festival depuis sa création sans faiblir et dont le propos est de forger un lien plus ouvertement culturel entre tous les habitants, la résidence de Gilles Coulon, la cinquième à Vichy, renforce le lien entre les différentes cultures à travers une série de portraits des stagiaires étrangers, désireux d’apprendre le français. Ces “étudiants” de tous âges et de toutes nationalités sont hébergés par des vichyssois, le temps de leurs études. Il se tisse des liens profonds et des échanges entre ces presque 4 000 personnes chaque année et la ville. Gilles Coulon, par cette résidence à produit, en lien avec le CAVILAM-Alliance française, l’organisme de tutelle, une série de portraits, où ceux ci se livrent très spontanément à l’exercice. L’exposition a pour nom Entrevues.

Exposition Gilles Coulon, Portrait(s) Vichy 2018 © Pascal Therme

Gilles Coulon parle ici d’humanité et d’humanisme, dans une très belle série où les regards sont intenses, justes, les visages et les corps peuvent apparaitre avec leur vérité dans l’oeil du photographe, qui se consacre à recueillir le témoignage d’une présence, d’une histoire, à peine effleurée; tout se tient dans l’instant de la découverte et la mise en présence. Le cadre est dépouillé, il se résume à une pièce de l’appartement vichyssois  où ces personnes habitent le temps de leur séjour et à ce qui s’échange de leur être là, au cours de la séance de prise de vues. Intense, sobre et touchant, sans dramatisation, en toute liberté, Gilles Coulon a réussi à photographier ce lien invisible qui s’est tissé entre la ville, ses habitants et ces étudiants.

Portrait de Justine Tjallinks, Portrait(s) Vichy 2018 © Pascal Therme

En entrant dans la galerie du centre culturel on est frappé par la scénographie qui distribue les six expositions, agréable, ouverte, fluide. Le premier regard est allé à Entrevues de Gilles Coulon sur fond noir, au centre de l’espace et à ses tirages de moyennes dimensions.  The Beauty is always strange de Justine Tjallinks attire oeil par ses portraits de lumière, d’une esthétique très « fashion », très mode, où  les influences picturales de la peinture flamande sont rehaussées de la modernité que l’image de mode porte quand elle est bien réalisée. Une légèreté vient s’imposer aux “Models” dont certaines ont la grâce due à leur présence, énigmatique, étant atteinte pour certaines de cécités ce qui les rend assez étranges pour être belle dans une poésie visuelle qui accompagne l’image, la fonde particulièrement; certaines des robes qu’elles portent sont l’oeuvre de designers. Ainsi cette robe en voile de gaze de la série Jeweled (Shun) 2016 est elle, à mes yeux, une interprétation de Belle de nuit, yeux clos à la lumière extérieure, mais ouvert sur soi, en soi. Qui habite sa nuit à ce point des cécités et qui a gagné une densité heureuse aussi fondée, aussi visible parce qu’arrêtée sur soi, cette intériorité est portée par ce qui semble un endormissement, une forme de somnanbulisme s’empare tout à coup de l’image… attention au dormeur qui sommeille! Une présence magnifiée dépasse l’inquiétante étrangeté, dans un basculement de sens, poétique. Cette silhouette statique, presque figée, ne l’est qu’en apparence, un voyage a lieu ailleurs, en elle, c’est sans doute ce qui provoque une sorte de transe, de suspens du temps devant la constance d’une paix intérieure. Les vêtements de Couture sont alors comme une chrysalide de papillon, laissant percer l’étrangère dans l’étrangeté, la beauté dans le discernement, et dans ce décalage, l’étrangeté qui y réside, cette autre en soi qui fait le sujet du portrait, cette autre au delà et en dedans du corps au souffle blanc. Extrêmement touchante, travaillant ses lumières vers une transparence afin que les visages, les corps, les vêtements se rejoignent dans une légèreté et un cadrage très assumé, Justine Tjallinks s’explique dans l’interview qui suit. Au delà de l’éphémère que la photographie de mode impose à son auteure, Justine Tjallinks joue d’une poétique où s’assume ce titre The Beauty is always strange, parce qu’elle ne formule que des présences comme si un jeu de poupées russes en résultait, jeux de la perception et de l’introspection.

Ce que je perçois des travaux exposés n’est pas le fruit d’une anecdote, ni d’un hasard, mais résulte d’une approche, d’un travail formel, d’une tension et de problématiques. Les portraits qui s’exposent ont cet état contingent d’un petit miracle, d’un événement qui est venu s’inscrire, s’écrire dans les sels d”argent insolés et se coucher sur le papier révélé magiquement, comme preuves de ces regards qui remontent les traditions du voir et s’inscrivent dans son histoire actuelle. Il est si facile d’être séduit sans chercher, de suivre le rêve du photographe en son image qui retient, évoque, parle, crée le voyage de Cythère, il n’y a qu’à suivre patiemment les traces de celui-ci et se laisser émouvoir.

Exposition Nelli Palomäki, Portrait(s) Vichy 2018 © Pascal Therme

Ici la douceur énigmatique des portraits en Noir et Blanc de Nelli Palomäki, la série s’intitule Shared, portraits dont la gravité s’inscrit dans l’évanescence des regards, des corps languides, entre enfance et adolescence sage, éloge de la simplicité des êtres qui muent et dont la beauté touchante est encore ce souvenir tactile qui est resté au bout des doigts, dans la résilience sensible des impressions inscrites en mémoire. C’est un voyage vers les terres enfuies de l’enfance puis de l’adolescence, quand s’évade l’état d’innocence » et qu’il faut bien grandir, question qui hante toujours en quelques points chacun, dans sa personnalité, une terre enfuie s’accompagne souvent d’un paradis perdu, ce temps d’avant la responsabilité. Ces portraits de famille, frères et soeurs donnent ici l’occasion de rendre compte de toute la présence de ces passages à travers la simple présentation de ses modèles. Nelli Polomäki est issue d’une culture où les lumières du Nord de l’Europe entrent toujours dans son image comme un élément important, d’où, sans doute une parenté avec celles de la côte Ouest des USA se dessine, comme à travers également un autre photographe, Peter Lindberg. Ces enfants et adolescents voyagent au gré des images dans la simplicité retrouvée d’un temps et d’un lieu où ils ont été photographiés, jardins le plus souvent, dans ces liens fraternels que les corps tissent à ces âges et qui deviennent partie intégrante de leurs devenirs. La vie est ici inscrite au pli de la photographie et cette simplicité est un don.

A SUIVRE
> Portrait(s) à Vichy (2nd Partie), le vendredi 22 juin 2018

INFORMATIONS PRATIQUES
Portrait(s)
Le Rendez-vous photographique de la ville de Vichy
Du 15 juin au 9 septembre 2018
https://www.ville-vichy.fr/agenda/portraits-2018

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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