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Entretien exclusif avec le collectif La part des Femmes

Temps de lecture estimé : 36mins

Nous clôturons aujourd’hui notre cycle de rencontres avec les structures qui œuvrent pour palier aux problèmes d’invisibilité des femmes dans le secteur de la photographie. Après avoir interviewé les co-fondatrices de l’Association Femmes PHOTOgraphes et Florence Moll, co-présidente des Filles de la Photo, voici notre entretien exclusif avec une partie du collectif La Part des Femmes.

Lorsqu’en 2001, l’AFJ (Association des femmes journalistes) crée le Prix des femmes photojournalistes, elles lancent sans le savoir une véritable lutte contre le patriarcat du monde de la photographie. D’autres prix se sont ajoutés à celui-ci, visant à promouvoir les femmes photographes, et une petite poignée de festivals, comme celui de Béatrice Tupin avec « Les Femmes s’exposent » à Houlgate, cherchent à dissiper une invisibilité qui sévit dans ce secteur depuis de longues décennies…

Aujourd’hui, nous avons choisi de nous concentrer sur des collectifs et des associations qui rassemblent et œuvrent au quotidien pour inverser la tendance. Des regroupements féministes complémentaires ayant des espoirs communs, mais avec parfois des visions et des méthodologies bien différentes. Pour ce troisième et dernier entretien, nous avons rencontré six membres du collectif La part des Femmes, dont Marie Docher. Afin de préserver leur anonymat, l’interview a été retranscrite et relue par des comédiennes, puis enregistrée par Skype, compte tenu du confinement.


9 Lives Magazine : Quand et dans quel contexte a été créé La Part des Femmes ? Qu’est ce qui vous a poussé à vous rassembler ?

Marie : On s’est concrètement rassemblées pour rédiger une lettre ouverte à Sam Stourdzé, directeur des Rencontre d’Arles en août 2018. C’était après un entretien que j’avais eu avec lui, sur le problème de visibilité des femmes au sein du festival. Lors de cet échange, j’ai compris que les choses ne bougeraient pas assez vite et qu’il fallait agir. J’en ai donc parlé à ce petit groupe de photographes avec qui je discutais en ligne, et ce sont elles qui ont proposé qu’on se rassemble en collectif pour pouvoir toucher plus de monde. Le collectif est vraiment né de l’écriture et de la publication de cette lettre qui est parue le 3 septembre 2018 dans Libération.

9 Lives : Quelle portée a eu cette lettre quand elle a été publiée ?

Marie : Ça a un peu fait l’effet d’une bombe. Nous avons récolté beaucoup de signatures. Il y en a eu plus de 500 d’origines très variées : on a eu des photographes bien sûr mais pas uniquement, il y avait les institutions, les galeristes, les chercheu·ses et des personnalités importantes. Beaucoup sont venues de l’international, notamment des pays anglo-saxons, qui ont été très mobilisés. Malgré cela, la direction d’Arles n’a pas répondu.
Cette année là, nous avons également distribuer un flyer. En fait, pour revenir un peu sur l’historique, depuis 2014, je faisais la passerelle entre la recherche et les photographes et institutions, pour montrer ce qui invisibilisait les femmes photographes. Et en 2018, j’étais en plein dans la production d’un projet qui s’appelle Visuelles.art. Ce sont des entretiens filmés et publiés en ligne, et j’avais fait une carte postale au moment des Rencontres d’Arles pour faire la promotion de ce site qui est accessible gratuitement avec en accroche : “Cette année encore, il y a 80% d’hommes photographes exposés, et nous à Visuelles.art, on va vous expliquer pourquoi”. On a donc demandé à plusieurs personnes, dont certaines qui font partie du collectif, de les distribuer.

Membre #1 : C’est à partir de là, qu’on a commencé à sentir des réactions d’adhésions à ce qui était exprimé, et il y a eu un effet boule de neige car la carte postale a eu un effet très viral…

Marie : Cela a commencé à avoir du poids quand les galeries britanniques s’en sont emparées. C’était une galerie qui participait aux Prix Découvertes et c’est à ce moment là que Sam Stourdzé a compris que ça dépassait les revendications d’un petit groupe de photographes. Que la problématique était plus importante, et qu’il pouvait y avoir des conséquences. C’est en fait à la suite de cela qu’il m’a appelée.

Membre #1 : Pour en revenir à la lettre, on a remarqué qu’il y a eu plusieurs vagues de signataires. La première un peu pionnière et après il y a ceux qui ont senti qu’ils devaient prendre le train en marche, ce n’était pas toujours pour des raisons totalement sincères, mais cela témoignait d’une mouvance. Il fallait en être !

Marie : Les signataires nous ont aussi écrit, on a senti que quelque chose se déclenchait.

Membre #2 : D’ailleurs on s’était posé la question, à savoir si on faisait cela sur une plateforme de pétitions. Nous avions pris le partie de ne pas le faire parce qu’on avait le sentiment qu’une pétition était une forme d’agression contre Sam Stourdzé et la direction des Rencontres, ce n’était pas notre intention. Nous voulions mettre à plat la situation sur les femmes photographes dont les Rencontres d’Arles étaient l’un des symptômes, mais il n’était évidemment pas le seul concerné. Car les Rencontres c’est un festival et un lieu d’exposition parmi beaucoup d’autres.

Marie : Bien que les Rencontres, soit un peu LE festival. Il y a beaucoup d’argent public, moi je suis toujours très attentive à la dépense publique en terme de genre. C’était important que ce soit fait à Arles, c’est le plus gros festival, avec une énorme visibilité à l’international. Et puis, je les interpellais depuis presque 5 ans !

Membre #1 : Moi, à l’époque, je n’étais pas encore dans le collectif, et je me souviens quand j’ai signé la lettre, c’était très clair que Sam Stourdzé était un symbole d’un système et que ce n’était en aucun cas une attaque contre lui.

9 Lives : La Part des femmes est un collectif d’anonymes. Pour quelle.s raison.s souhaitez-vous garder l’anonymat ?

Membre #2 : Quand on voit la violence des réactions que nos actions suscitent, on conçoit assez rapidement que – comme tous les membres du collectif travaillent dans le milieu de la photo -quelque soit leur activité, il y a un gros risque professionnel, que ce soit pour les photographes en terme d’exposition ou de collaboration de commande, ou pour les professionnels de la photographie. Je veux dire en terme de carrière et d’échanges avec leur interlocuteurs. C’est une position qui n’est pas toujours simple à tenir, c’est une façon de pouvoir s’exprimer avec beaucoup de liberté d’une certaine façon. Ce n’est pas une question de lâcheté, c’est une question de sécurité. On exerce toutes des professions précaires, pour les photographes c’est bien entendu encore plus difficile, et pour les professionnelles nos postes sont très durs à obtenir et à conserver. Encore plus parce qu’on est des femmes, donc si en plus on se met dans une position où on est attaquable on sait qu’on risque d’être encore plus affaiblies. Et quand on voit la violence des réactions de certains, qui ont été parfois très ouvertement agressives envers Marie – parce que c’est elle qui est une sorte de porte parole pour le collectif, c’est elle qui l’incarne – avec des menaces et des insultes sur les réseaux sociaux mais aussi en public, on mesure la portée des résistances face à nos revendications.

Membre #3 : Moi j’ai l’impression aussi que ça fait plusieurs années qu’on était plutôt sur un féminisme défensif et à partir du moment où on se repositionne sur un féminisme offensif, il y a des réactions extrêmement violentes. La manière de vivre le féminisme, et la manière dont on lutte au nom du féminisme a changé. Là on rejoint une manière de lutter qui est plus proche des années 60/70, que celle qui y avait dans les années 80/90.

Membre #4 : L’anonymat, c’est juste la condition nécessaire pour être en capacité de parler et d’être entendue.

Marie : Comme nous sommes dans la mécanique de confrontation, il y a un risque à parler, à s’exposer. J’avais déjà expérimenté un anonymat quelque part sur le Blog Atlantes et Cariatides, j’avais utilisé un nom masculin. Alors ce n’est pas tout à fait la même chose, mais c’est quand même très intéressant, parce que dans ce blog, ou j’avais produit les premiers chiffres qui montraient l’invisibilité des femmes, pour être lu, j’avais pris l’identité d’un homme fictif, avec pour volonté de révéler plus tard, mon sexe. Et ça a très bien marché, car je n’ai jamais été contredite, j’ai appris ce qu’était le respect entre pairs. J’ai appris ce qu’était le respect, alors que je n’avais pas l’impression d’en manquer. J’ai été pendant près d’un an un homme et c’est d’un confort absolu. C’est étonnant comme position. Cette expérience là, m’a donné plus confiance en moi. On comprend en fait pourquoi les hommes ont confiance, parce qu’ils se respectent plus. Par défaut, on les croit. Moi on ne me croyait pas.
Après j’ai eu l’occasion de révéler mon sexe lors d’une conférence, et là, les choses ont changé, mais comme j’avais déjà pris de l’ascendant, les gens ne pouvaient pas revenir dessus. Cette expérience d’anonymat a été très très riche, parce que ça permet de dire les choses en étant un peu protégé. Je fais partie du collectif La barbe, et quand on met notre barbe, on est protégées. Parce que les femmes sont toujours surexposées à la violence, et pas que par les hommes d’ailleurs. Parler, démonter un système, c’est une prise de risque énorme.

9 Lives : Cet anonymat vous sert à vous protéger, mais ne se révèle t-il pas être un atout ?

Membre #2 : Tout d’abord, on s’exprime toujours au nom du collectif, on ne s’exprime jamais de manière individuelle, c’est important que ce soit une parole commune, que ce soit des choses sur lesquelles on s’accorde systématiquement de manière chorale. Le fait que ce soit anonyme aide aussi à cela. Je pense que c’est un atout parce que nos interlocuteurs préfèrent avoir à faire à un groupe à pas à un individu donné. Donc je pense que dans ce sens là, c’est une parole qui porte plus.

Membre #5 : Je pense également qu’il est intéressant qu’il n’y ait pas de visage derrière nos textes, on a toutes des personnalités différentes et on ne s’autorisera jamais à écrire des choses qui ne conviendraient pas au groupe tout en étant soi-même, et c’est une vraie force.

Membre #3 : Oui, et dans ce que tu dis, l’anonymat, fait que La Part des Femmes n’est pas une histoire d’égo. C’est une signature commune, personne ne va se mettre en avant ou se valoriser …

Membre #2 : Oui, je pense qu’à aucun moment on ne défend nos propres intérêts à titre individuel. Car à titre personnel, on a rien à en tirer, on fait cela pour le collectif.

Membre #5 : J’ajouterai également que nous ne sommes pas à la base, un groupe d’amies.

9 Lives : Y a t-il des hommes au sein de La Part des Femmes ?

Marie : Il faut être très clair à ce sujet, il n’y a pas d’homme au sein du collectif parce qu’aucun n’a manifesté d’intérêt pour en faire partie. Il est cependant important d’ajouter qu’on échange beaucoup avec des hommes, tous les jours. Et les premiers à nous avoir soutenues clairement ce sont ceux qui ont fait aussi l’expérience d’une minorisation par leur statut.

Membre #4 : Cela veut peut être dire que pour l’instant, aucun homme n’est prêt à porter vraiment ces questions là, ils ne souhaitent pas s’emparer de cela. Le collectif n’a pas été pensé au départ pour n’être qu’un collectif de femmes, mais c’est un état de fait.

Membre #5 : C’est vrai qu’on remarque que les hommes préfèrent rester en dehors mais souhaite nous accompagner. Cela nous a été clairement dit.

9 Lives :  Pour revenir sur une question précédente sur le rassemblement, pensez-vous que la sororité est importante pour défendre la visibilité des femmes en photographie ?

Membre #3 : C’est fondamental !

Membre #4 : Ca dépend jusqu’où ! Parce que la sororité, elle ne va pas de soi. Nous on peut ressentir cette sororité à l’intérieur du groupe, mais clairement on voit bien qu’on est sur des positionnements différents avec par exemple des femmes qui occupent certains postes et dont l’objectif est d’abord de tenir leur place, leurs privilèges, c’est à dire, “lutter” pour être au sommet de la pyramide. Elles ne sont dans aucune solidarité ni sororité. Parce qu’il y a beaucoup de choses à faire intervenir pour inventer et maintenir ces sororités, ces solidarités, pas uniquement la question du genre : la classe sociale, la question raciale etc… ! Pour moi, la sororité, et je parle personnellement car ce n’est pas forcément une position commune, ce n’est pas l’objectif final et unique à tenir.

Marie : Moi, avec La Part des Femmes, c’est la première fois que j’expérimente de la sororité.

Membre #2 : Et justement, je pense que dans le collectif, la sororité, on peut la mettre en pratique et la ressentir, car on n’est pas sur des questions d’égo. C’est assez simple qu’elle se mette en place. Quand elle est à un niveau professionnel, elle est beaucoup plus compliquée à mettre en place. Alors soit par leur position sociale, soit par leurs efforts, on réussi à dépasser ce plafond de verre. Elles n’ont pas envie de se faire griller la place non plus, elles sont très peu à réussir à évoluer dans un milieu d’hommes, pour x ou y raisons, et je pense que comme elles sont dans une dynamique qui est de l’ordre de la compétition, ce n’est pas évident pour elles de se pencher pour te faire la courte échelle !

Marie : Ce n’est pas un sentiment que j’avais ressenti avant. C’est très très fort ce qu’il y a dans ce collectif. Parfois c’est même de l’amour que je ressens, c’est fou.

Membre #5 : Je suis arrivée bien après le début de la création du collectif, un peu par hasard, parce qu’en fait j’avais émis une critique sur la faible présence des femmes dans la programmation d’un festival, et j’ai reçu un mail très agressif du directeur du festival qui m’insultait, en disant que je disais n’importe quoi, et j’ai écrit une réponse. Et avant de l’envoyer j’ai consulté Marie, pour lui demander conseil. Et c’est ainsi que j’ai rejoint La Part des Femmes, et j’ai tout de suite senti très fort quelque chose qui nous unissait.

Membre #2 : On a toutes été confrontées d’une manière ou d’une autre à une solitude face au sexisme dans notre vie professionnelle, et le fait de sentir que nous ne sommes pas seules à le vivre, et qu’on peut l’exprimer et y réfléchir avec d’autres a de fait, créer une communauté ! Alors que pour la plupart d’entre nous, on ne se connaissait pas avant de se rencontrer dans le collectif.

9 Lives : Aujourd’hui, quel est le rôle de La Part des Femmes?

Marie : L’objectif était de desserrer l’étau qui enferme la photographie, qui la restreint. La photographie est privée de nombre de regards et de représentations que sont les femmes, mais aussi les descendants de colonisés. Il faut élargir les représentations et donc il faut interpeller les décideurs et responsables de ceux qui produisent des contenus, pour qu’ils comprennent qu’il ne faut pas grand chose pour changer les regards, et pour que tout le monde puisse travailler.

Membre #4 : A l’échelle du milieu professionnel de la photographie, on veut ainsi mettre à jour un certain entre-soi, tous ces mécanismes qui mettent de côté les femmes photographes, qui nous invisibilisent, que ce soit dans l’entre soi de la programmation de certains festivals, des jurys d’acquisitions d’oeuvres, des concours etc… Il faut regarder précisément, qui participent à ces jurys, quels sont les critères d’attributions etc.

Marie : C’est important, et ce qu’on fait de plus en plus c’est défaire des mythes. Il y a des mythes fondateurs de la photographie, c’est comme au cinéma, il y a des héros, des héroïnes… des modèles… et en les démontant les uns après les autres, c’est là aussi qu’on se rend compte que beaucoup d’hommes commencent à nous remercier en disant “merci, car on se sent coincé”. Ça les libère.

Membre #1 : Il y a une forme d’émancipation pour les femmes mais aussi pour les hommes photographes. Car avec nos actions, cela suscitent beaucoup de témoignages, on reçoit beaucoup de retours d’expérience et peut-être des prises de conscience pour certains.

Membre #3 : Notre autre rôle est de proposer une autre grille de lecture, c’est à dire qu’on est aussi dans un décryptage des choses, qui peuvent paraître parfois banales, allant de soi, ou en tout cas qu’on ne pourra jamais changer, et à travers le collectif, on propose une nouvelle lecture. J’ai déjà entendu des photographes dire : “J’avais jamais pensé à cela”, qu’ils n’avaient pas fait de rapprochement entre les questions de genres et ce qu’il pouvait leur arriver.

Marie : J’ai remarqué une vraie émancipation des femmes depuis le début, même du blog. Elles se rendent compte que leur galères proviennent de quelque chose de structurel, de systémique. Aujourd’hui, on a plus d’audience, aussi chez les hommes, auprès des institutions… Moi ça me touche beaucoup de recevoir des témoignages d’hommes qui me remercient, parce que je suis convaincue que le sexisme est quelque chose qui pourrit la vie des femmes et des hommes.

Membre #3 : Bien entendu, eux aussi sont enfermés dans des rôles assignés.

Marie : La violence pour les hommes est également très forte.

Membre #2 : On énonce des choses auxquelles tout le monde participe, pour lesquelles tout le monde fait semblant, et dit que c’est normal et que tout va bien. Et nous, on montre du doigt ce qui parfois tombe sous le sens, mais qu’on ne voit même plus en fait. Justement les disparités, on est tellement habitués à voir des programmations d’exposition majoritairement masculines; on est très habitués que des femmes photographes disparaissent passé 40 ans; on est très habitués à considérer que tel responsable d’institution ou tel éditeur, ou tel photographe est un dragueur un peu lourd, mais on dépassera pas le stade du “un peu lourd”, et nous quand on exprime les choses, on les dit de façon très claire. On dépasse aussi une forme d’aveuglement général et je pense que beaucoup ont de vraies prises de conscience. Et surtout comme tu disais Marie, des femmes qui avaient l’impression qu’elles étaient des espèces de phénomènes isolés, et que c’étaient elles qui avaient un problème, et qui ont réalisé que le problème n’était pas elles, que c’était le système dans lequel elles étaient.

Membre #1 : Et aussi dans la représentation. On est quand même très habitués à voir des femmes nues et non pas des corps d’homme nus.

9 Lives : Comment agissez-vous concrètement ?

Marie : En fait nous avons plusieurs axes. On continue toujours notre comptabilité. On compte pour que les femmes comptent. C’est aussi simple que ça ! On produit des textes dont on a parlé précédemment. On a eu un blog sur Médiapart, mais on l’a rapatrié sur notre blog. On intervient sur les réseaux sociaux – en mon nom – c’est à dire qu’on peut avoir des conversations assez longues sur des thèmes qui nous intéressent. On fait de la veille. On échange avec beaucoup de monde, des photographes, des commissaires. Et il y a les conférences où je suis porte parole pour La Part des Femmes. On a fait un manifeste qui a été lu à Paris Photo en 2018.

Membre #4 : On produit également des outils, des textes plus réflexifs. Il y a plusieurs types de prises de parole : une veille dans les réseaux sociaux, une forme de militantisme, et aussi, la production de textes qui s’appuient sur des études.

Marie : On a des rapports étroits avec pratiquement toutes les personnes qui font de la recherche dans ce domaine. On a même pu travailler avec Irène Jonas, qui est sociologue, qui finit actuellement un rapport pour nous. On veut donner des outils de compréhension pour décoder et comprendre, pour finalement pouvoir agir. Ainsi, les gens peuvent s’en emparer et être de plus en plus conscients de leur rôle. Car en fait, il ne faut pas grand chose pour que les choses changent.

Membre #3 : Dans un premier temps, il y a eu cette recherche de chiffres. Ce qui permet de produire un état des lieux en mesurant et en quantifiant ce qui se passe. Et La Part des Femmes ne s’arrête pas à cette première recherche qui est quantifiable, on commence maintenant à vouloir comprendre pourquoi et comment ça se passe. Les chiffres ne sont qu’une étape.

Membre #1 : Je viens justement d’entendre sur France Culture, que le philosophe Steiner, qui dit il y a très peu de femmes dans l’histoire de l’art et la littérature. Et selon lui, la raison c’est que comme les femmes peuvent enfanter, elles ont autre chose à faire que de créer des œuvres d’art ou littéraire, parce qu’elles sont satisfaites par le fait de créer des enfants. Donc il est important aussi de comprendre qu’à partir de chiffres, on peut dire n’importe quoi. On pourrait dire, il y a peu de femmes, parce que les femmes ne savent pas faire de photo par exemple.

Marie : C’est qu’il n’a pas les bons chiffres d’une part, et qu’il n’a pas écouté Marie Buscatto, sociologue de l’art et du travail.

Membre #3 : En fait ce que tu décris c’est la grande séparation entre création et procréation. C’est ce qui revient de manière récurrente dans tous les débats depuis toujours…

Membre #1 : C’est ce qui est effrayant, c’est que même à un niveau intellectuel très élevé, on peut se fourvoyer totalement.

Membre #2 : C’est peut-être aussi de la mauvaise foi. Je ne suis pas sûre qu’un homme aussi cultivé ne prenne pas la mesure de la mauvaise foi de ses propos.

Membre #4 : Il y a encore une l’Histoire de la Photographie à revisiter. Il faut la mettre à jour.

Marie : Pour en revenir à nos actions, nous avons aussi un compte Instagram, qui rencontre beaucoup de succès, car nous présentons les travaux de femmes photographes. Nous avons de bons retours. C’est un bon outil de diffusion.
Mais La Part des Femmes, c’est beaucoup d’échanges. On fonctionne en réseau et on essaye de pousser la réflexion, de réfléchir différemment, ça se fait presque à la pince à épiler ! Un homme qu’on a pu convaincre, c’est un véritable allié. Et un allié ce n’est pas rien.

Membre #2 : Je pense aussi que c’est important de dire ce qu’on ne fait pas. On ne fait la promotion de personne. Nous ne sommes pas là pour faire de l’accompagnement ni du coaching de femmes photographes, nous sommes là pour mener une action militante, et une réflexion sur la place des femmes dans la photographie.

Membre #5 : Il y a l’action qui est menée collectivement, mais tous les outils dont on parle et qu’on mène ensemble, ça nous amène aussi à voir de façon individuelle, car nous sommes toutes liées au milieu de la photo, à agir dans nos métiers respectifs. Tout ce qui alimente notre argumentation nourrit notre pensée, nous permet aussi d’arriver à faire bouger les lignes chez d’autres professionnels.

9 Lives : Est-ce qu’il y a des victoires ?

Marie : Bah oui ! Il y a Arles, déjà.

Membre #2 : C’est quand même la plus belle victoire et surtout ça crée un précédent.

Marie : On est passé d’un chiffre récurrent de moins de 20% de femmes, à l’égalité dans les expositions individuelles. Donc il y a bien plus de visibilité, c’est tout de même énorme. Sam Stourdzé démontre à ce moment-là, qu’un festival paritaire est possible sans faire baisser la qualité ni la fréquentation – car il y a eu un record de visiteurs. Bon il manque tout de même la dimension de diversité…
Je crois qu’il n’y avait que Mohammed Bourouissa en 2019, c’est un peu court pour les 50 ans du festival !

Membre #4 : De ce que j’ai compris, Sam Stourdzé fait mine de ne pas s’intéresser au facteur du genre. De son côté, il y a un déni. Donc il faudra voir, si c’est tenu dans la durée. Car dans une édition, le festival d’Arles avait exposé de nombreux artistes africains, ils l’ont fait une fois et puis après plus rien. Le risque c’est de dire “on l’a fait”, et ensuite on revient aux mauvaises pratiques.

Marie : Oui, sauf que là on est plus dans la même ère, on a de plus en plus d’audience, et de plus en plus de force au niveau international. Je veux dire, il y a une vraie prise de conscience, il n’y a pas que nous, il y a aussi des institutions, le ministère. Il y a un rapport de force. S’il se pointe l’année prochaine avec 18% de femmes euh…*

Membre #2 : Je pense qu’à partir de là, ça fait un peu comme une jurisprudence. Maintenant qu’on a la preuve qu’on peut avoir une excellente programmation, et que les Rencontres d’Arles ont eu leur sommet de fréquentation, tu ne peux plus revenir en arrière.

Membre #5 : Et surtout on n’est pas toutes seules, on voit bien ce qui se passe dans le cinéma par exemple ,qui montre ce désir d’avancer sur ces questions. Quand on voit ce qu’il s’est passé avec “Le portrait de la jeune fille en feu”, les hommes qui manifestent pour dire que ce n’est pas normal qu’il y ait si peu de réalisatrices. On sait très bien qu’il y a des problèmes de représentation, et aujourd’hui ça touche tout le monde. Il faut rester vigilant bien entendu, mais je pense qu’on ne peut pas vivre en dehors de cette problématique.

Membre #3 : Et la plus grande preuve de notre succès, c’est que les gens font comme ci on n’avait rien fait, que les Femmes Photographes oublient de citer ce qu’on a fait. C’est vraiment la preuve du succès quand commence le déni vis-à-vis de nous.

Membre #5 : Après les Cesar, quand on voit le nombre de partages de l’article de Virginie Despentes et aussi le nombre de likes, de partage, de commentaires du post que tu as fait Marie sur Facebook, je pense qu’il y a quelque chose dans l’esprit des gens. Le monde est séparé en deux, mais en même temps, nous sommes aujourd’hui plus nombreux du côté des dominés. Les gens s’expriment et ils ne veulent plus cet autre monde qu’on leur forçait à vivre. Là, il y a un vrai ras le bol. Il y a quelques années, je ne suis pas sûre, Marie que ton post aurait eu un tel succès.
Quelque chose se passe, et même chez ceux qui ne se sentaient pas concernés, mais qui n’en peuvent plus. Je me dis Sam Stourdzé, comme les autres, il faut continuer de les surveiller, mais il ne peuvent plus faire machine arrière, ils sont obligés de prendre cet élément politique en compte ! Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

9 Lives : La LPDF est ouvertement féministe. A quels mouvements ou des figures majeures du féminisme êtes vous rattachées ? Quels sont vos sources d’inspiration ? 

Membre #3 : Depuis de très très nombreuses années il y a des chercheuses, sociologues, qui travaillent sur les inégalités hommes/femmes notamment dans l’entreprise, parce que ça a d’abord été là qu’il y a eu un combat féministe, et qu’il y a eu des résultats. Finalement ce sont les combats qui ont été menés contre les inégalités de salaire, sur les quotas, etc. qui ont donné des résultats, il y a eu des choses qui se sont créées dans les entreprises, alors que l’art pendant très longtemps est resté en dehors du débat puisqu’il est “entre guillemet” anti-conformiste. La question du genre n’avait même pas à se poser dans l’art puisqu’on y parlait de liberté et de création…
C’était un autre monde que l’entreprise, voire l’inverse de l’entreprise. Et puis depuis quelques années, il y a effectivement toutes ces sociologues dont la plus importante est Marie Buscatto, qui se sont penchés sur la question du genre dans l’art.

Marie : Ce sont des sociologues du travail et de l’art.

Membre #3 : Mais les sociologues du travail féministes il y en depuis très longtemps.

Marie : Moi, le premier choc ça a été King Kong Theorie de Despentes. Ça a été une claque énorme. Ensuite c’est en rencontrant la chercheuse Odile Fillod avec qui j’ai fait le clitoris 3D, c’est elle qui m’a amenée à découvrir des théoriciennes comme Christine Delphy, Nicole Claude Matthieu, Wittig etc. C’est un féminisme matérialiste. Ca m’a beaucoup influencée. Et puis dans les autres c’est au quotidien, ce sont des gens que j’ai pu interviewer, je pense à Pascale Obolo, je pense aussi à Marie Buscatto, à Fabienne Dumont, des historiennes de la photo, des historiennes de l’art… Voilà, il y a beaucoup de gens qui travaillent, je pense à Mathilde Provansal. Ce sont des gens qui sont très inspirants pour moi parce qu’en fait on est comme un maillage. Nous, on est un peu la partie activiste, c’est à dire qu’on agit, mais tout ça est nourri par un mouvement de gens qui réfléchissent, alors on réfléchit aussi. Ce féminisme matérialiste et toutes ces lectures que je peux avoir sur l’art, les études post-coloniales, voilà, je suis nourrie de ça. Et puis aussi par ce qu’on partage dans le collectif.

Membre #4 : Nous ne sommes pas une bande de copines, on est quand même toutes à des endroits différents dans la société, on a des engagements en dehors du féminisme qui nourrissent notre analyse du milieu professionnel où on se situe. Bien sûr, il y a un bagage théorique mais… on ne se rattache pas à une école du féminisme, et certaines ont des engagements féministes hors de La Part Des Femmes sur d’autres questions. Mais ce qui nous rassemble, je crois que c’est parler de nos expériences dans ce milieu professionnel. On réfléchit à partir de ce qu’on vit, de ce qu’on éprouve et de ce qu’on a expérimenté.

Membre #5 : Je comprends ce que tu veux dire parce que je ne peux pas dire que j’ai des figures féministes majeures, mais par contre je me suis rendue compte, et notamment quand il y avait eu le numéro de Fisheye sur la faible représentation des femmes dans l’art, que ma bibliothèque est composée à plus des deux tiers de livres de femmes, et je n’en n’avais pas conscience. Autant dans la littérature que dans la photographie, je me suis rendue compte que j’achetais beaucoup de livres parce qu’en réalité les expos de femmes y en a moins, en tous cas à l’époque il y en avait peu, et que le monde auquel je m’intéressais je me suis rendue compte qu’il était beaucoup moins accessible et que ce qui m’intéressait c’était d’appréhender le monde au travers de regards qui étaient finalement moins représentés.

9 Lives : Vos actions sont souvent qualifiées d’agressives, comment réagissez-vous face à ces réactions ?

Membre #4 : On est agressées avant d’être agressives. Le monde dans lequel on évolue nous agresse. Le monde professionnel, nous agresse, même poliment, même avec un beau sourire. Nous on répond juste à un état de fait qui nous invisibilise. C’est ce système là qui est violent.

9 Lives : Pourquoi ça paraît justement être des actions agressives ?

Marie : C’est ce qu’on raconte qui est agressif. Ce n’est pas nous qui sommes agressives. C’est la situation que nous décrivons qui est violente. En fait ce qui est violent c’est de rendre visible la domination et sa violence. Le jour où on se rend compte qu’on contribue inconsciemment à un système de domination, le jour où on le prend dans la gueule c’est hyper violent.
Je l’ai vécu, je pense qu’on l’a toutes vécu et on le vivra encore, ça c’est sûr. Mais ça ne veut pas dire que c’est la personne qui nous le dit qui est violente. Il ne faut pas confondre la lettre et le messager. Et nous, nous sommes juste des messagères. On dévoile quelque chose, et c’est cette réalité là qui est violente. Ce n’est en aucun cas nous. Moi, parfois ça me blesse, comme je suis en première ligne. J’ai pourtant une amie proche par exemple qui a été une des premières à être au courant, je l’avais mise dans le coup et il n’y a pas très longtemps elle m’a dit « Ah c’était bien là, tu n’étais pas agressive ». Je lui ai répondu « mais raconte moi quand est-ce que j’ai été agressive ? » et elle n’a pas su me dire.

Membre #1 : Pour certain, toute remise en cause est perçue comme agressive, enfin dès qu’on se permet d’avoir une position critique envers leurs discours c’est perçu comme agressif même si c’est dit avec des termes tout à fait corrects.

Membre #2 : C’est aussi parce qu’on est des femmes que c’est perçu comme agressif parce qu’on a peut-être pas l’habitude que les femmes expriment leurs opinions de façon aussi tranchée et directe. On est plutôt élevées pour dire les chose avec douceur et de diplomatie et quand on se soustrait à cette habitude comportementale on est perçues comme agressives, on va très vite lire des qualificatifs de l’ordre de « hystérique », etc… Une femme en colère n’est pas en colère, elle est hystérique. Elle n’a pas de force de caractère, elle est agressive… Donc je pense que c’est aussi perçu comme ça et il faut voir aussi les autres réactions avec des termes de féminisme, de lynchage, de maccarthysme, d’islamisme aussi !

Membre #3 : Délation !

Membre #1 : Ah oui, délation c’est le grand mot.

Membre #2 : On a quand même entendu Marie se faire surnommer « Marie Daech« … Cette inversion rhétorique d’utiliser des termes d’oppresseur pour qualifier des gens qui dénoncent des oppressions c’est une mécanique qui est assez récurrente également à l’égard des minorités visibles. Je trouve que c’est là que la violence s’exerce quand on parle de nazisme ou quand on compare des féministes à des groupuscules terroristes. C’est quand même d’une immense violence quand on pense au nombre de morts et à la terreur que ces gens là représentent. Et il me semble qu’à ce jour le féminisme n’a fait aucun mort.

Membre #3 : Non.

Membre #5 : Je n’ai pas non plus l’impression qu’on est agressives mais il y a tout ce qu’on a vécu. Combien de fois on a dû se plier devant des gens qui nous traitaient mal parce qu’on était des femmes; qui manquaient d’égard ? Et je pense qu’on répond à tout ça et forcément c’est des gens qui n’ont pas l’habitude qu’on leur réponde.

Marie : Et encore on dit pas tout ! On reçoit beaucoup de témoignages. Des viols notamment !  On ne sait pas quoi faire avec ça. On ne dit pas tout.

Membre #4 : Il y a de la colère ! Enfin tu vois dans ce qu’on dit, on s’efforce quand même de répondre avec des arguments, mûris, que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les textes, d’avoir une pensée posée alors que oui, nous sommes en colère mais on ne se permet pas de l’exprimer clairement, de répondre avec la colère qui nous habite, et qui est aussi un des moteurs.

Membre #5 : Et la preuve c’est que quand Virginie Despentes dit : « On se casse, on vous emmerde ! » enfin moi ça me fait du bien. Je dis ouais on se casse. On se lève, on se casse !

Marie : Oui c’est vrai ça fait du bien.

Membre #1 : Il y a aussi une autre forme insidieuse : c’est quand, dans les échanges – par exemple sur les réseaux sociaux, on va renvoyer nos interlocuteurs vers des ressources, vers de l’information et qu’ils passent outre. Ils ne prennent pas la peine de jeter un coup d’oeil à ce qu’on leur propose, et ils vont continuer sur leurs arguments de niveau… avec absolument aucun apport théorique derrière, alors que nous, on aura tenté d’élever le débat. Nous avons une position rationnelle, avec des outils théoriques mais les interlocuteurs vont les balayer et rester sur leurs opinions toutes faites…

Marie : Oui parce que ce qu’il faut savoir souvent que ce qu’on reçoit comme argument qui n’en sont pas, c’est souvent des choses qu’on retrouve dans Le Point et Valeurs Actuelles. Alors c’est quand même des gens qui se pensent progressistes, mais qui nous tiennent des discours très conservateurs. Ils nous trouvent agressives alors qu’on construit un discours et généreusement on le partage. Donc l’agressivité faut voir où elle se place. Elle n’est pas de notre côté. Je comprends que ça peut être perçu ainsi mais en tous cas, à bien y regarder, nous ne sommes pas ainsi. Ce sont les situations qui le sont.

9 Lives : Quel positionnement entretenez-vous à l’intersectionnalité ?

Membre #4 : Tout d’abord nous ne sommes pas uniquement des femmes blanches. C’est juste que les processus d’invisibilisation des femmes rejoint ceux de tou·tes les autres dominé·es et on ne peut pas les isoler les uns des autres. Une des finalités c’est la représentation, celle d’un monde qui ressemble au monde réel dans lequel on vit. Ce n’est pas un monde blanc, d’hommes cinquantenaires ! En tous cas, dans nos préoccupations, nous sommes très attentives et actives sur ces questions là. On ne veut pas être un groupe défendant, juste une position de genre.

Marie : Non, c’est plus vaste. Le racisme, le sexisme, l’homophobie, tout est lié. On essaie quand même d’en parler systématiquement, ensemble. La société ne s’en sortira pas sans tous ses membres.

Membre #4 : Il manque autant de femmes, de photographie de femmes, que d’images faites par des gens qui viennent de tous les milieux. Tout s’entrecroise.

Marie : C’est important. Est-ce qu’on se définit comme un groupe intersectionnel ? Je ne sais pas mais en tous cas nous allons au-delà de « juste les femmes ». Ça ne peut pas être autrement.

Membre #2 : En substance ce qu’on défend c’est la pluralité des regards en photographie, qui jusqu’à présent sont très uniformes dans ce qui est montré. Cette exigence de pluralité demande effectivement la présence des femmes, mais elle demande aussi la présence de tous ceux qui ne sont pas représentés aujourd’hui.

9 Lives : Comment vit La Part des Femmes ? Quelles sont vos sources de financements ?

Marie : Nous n’avons pas de sources de financement. On s’auto-finance. Nous n’avons pas d’argent et nous ne voulons pas ! Il faut être très clair là-dessus. Ça nous garantit notre liberté de penser. On a cherché de l’argent pour financer une partie de l’étude commandée à Irène Jonas, c’est normal, c’est un vrai travail. De la même manière, je me suis fait aider par la DGCA pour les chiffres, c’est normal que ce travail soit rémunéré.

Membre #4 : On se fait payer lorsqu’il s’agit d’une mission commandée par l’extérieur, ou quand nous demandons à quelqu’un. C’est un travail pour lequel on doit trouver des rémunérations.

9 Lives : Quels liens entretenez-vous avec les différentes institutions ? 

Marie : On est dans une situation très singulière en France, parce qu’il y a un haut commissariat à l’égalité qui est très actif et qui interagit avec les militant·es et les associations. Avec eux on a des rapports cordiaux et de travail. Je fais partie du CNAV, Conseil National pour les Arts Visuels, il y a des institutions culturelles avec qui on a des rapports extrêmement cordiaux et de soutien. En globalité, nous sommes soutenues (moralement) par pas mal d’institutions… Et puis, par contre il y en a d’autres qui nous sont très hostiles, mais c’est une minorité. Quelques festivals, quelques rares institutions, mais les autres nous sont plutôt favorables et il y a même des vrais rapports d’amitiés.

Membre #4 : Au niveau des festivals, il n’y a pas non plus des relations établies avec tout le monde. Certains sont devenus vite nos amis et il y en a qui ne se déclarent pas…

9 Lives : Enfin, quelle est votre ambition à long terme ?

Membre #3 : Disparaître

Membre #5 : Mettre fin au patriarcat !

Membre #2 : Pouvoir se consacrer pleinement à notre travail

Marie : Oui c’est ça, on ne va pas perdurer, on ne va pas faire ça toute notre vie

Membre #5 : Aller boire des coups plutôt que faire des réunions skype !

*L’interview a été réalisée avant la diffusion du programme 2020 des Rencontres d’Arles. Une programmation qui s’avère irréprochable en terme de parité.

Cette rencontre s’inscrit dans le cycle d’entretiens consacrés aux structures pour défendre des droits des femmes dans la photographie :
Rencontre avec les fondatrices de Femmes PHOTOgraphes
Rencontre avec Florence Moll, co-présidente des Filles de la Photo

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Participez à la conférence « Les Femmes Artistes sont-elles (vraiment) dangereuses ? » au salon fotofever
Manifeste pour la photographie Par le collectif La Part des Femmes

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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