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Inauguration de l’espace #Dysturb à Paris : Entretien avec Pierre Terdjman

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En collaboration avec le Consulat à Paris, #Dysturb intègre un nouveau lieu de vie culturelle éphémère en plein cœur de Paris. Face à la mairie du XIe arrondissement, et pour une durée de 18 mois, la création de cet espace sera l’occasion de se retrouver et de se rencontrer autour de projets novateurs. #Dysturb y présentera des expositions, y organisera des conférences autour de sujets et de thèmes qui leur sont chers, le but étant de partager leur métier de photojournaliste au plus grand nombre. À cette occasion, nous avons rencontré l’un des fondateurs de #Dysturb, Pierre Terdjman.

De retour de Centreafrique, en 2014, le photojournaliste Pierre Terdjman avait la sensation de ne pas avoir assez publié ses images. Face à l’envie de relater cette histoire au plus grand nombre, il a eu l’idée d’utiliser la rue pour rendre visibles ses images en les affichant en grand format sur les murs de l’espace public. Un nouveau projet qu’il a proposé à d’autres photographes. C’est ainsi qu’est née la première curation de #Dysturb, grâce à l’impulsion de Benjamin Girette, Benjamin Petit, Laurence Cornu et Pierre Terdjman. Le principe est simple, imprimer les photographies et les coller sur des murs souvent déjà exploités par les arts de rue et les graffitis. Pour que le public comprenne le contexte, les légendes sont directement imprimées sur les photographies. Au fil des années, #Dysturb commence à prendre de l’ampleur, les curations ne sont plus seulement des sujets de news, mais elles sont pensées et réfléchies sur des grandes thématiques. Certaines ont été réalisées en collaboration avec des ONG ou des institutions, comme les Nations Unies ou Magnum Foundation, autour de sujets communs sur les réfugiés ou encore sur l’environnement… Ces campagnes se font à l’échelle mondiale. Actuellement, celle avec le Comité International de la Croix Rouge a lieu à Mexico, Johannesburg, Paris et Dubai. L’action de #Dysturb se poursuit notamment avec l’éducation média auprès du jeune public. Régulièrement, les photographes organisent des intervenions dans les établissements scolaires. Ainsi, les images sont à la fois diffusées lors des campagnes d’affichage mais servent aussi de support pédagogique.

«  Plutôt que de publier nos photos dans les magazines, que les gens ne regardent plus, on préfère les mettre dans la rue. J’avais vu cela en Centrafrique, les journaux étaient collés sur les murs du vendeur de journaux pour que ceux qui ne pouvaient acheter le journal, puissent tout de même le consulter. La rue est devenue un moyen de communiquer, c’est le plus grand réseau social au monde. Ainsi, on offre une manière différente et plus digeste d’être informé. » – P. T.

Si cette nouvelle manière de montrer le photojournalisme semble porter ses fruits, au départ le projet a été mal perçu. Si certains y voyaient des actes de vandalisme, d’autres regrettaient de mettre à disposition gratuitement le travail des photojournalistes. Pierre Terdjman se défend que les murs choisis « soient déjà graffés » et que la colle utilisée est à base d’eau. Cette démarche de l’occupation de l’espace urbain à des fins de sensibilisation n’est pas là pour mettre encore plus en danger ce métier. Les photographes participants sont rémunérés 200€ voire 500€ en cas de collaboration avec un tiers. Les images qui sont également utilisées à des fins pédagogiques dans leur cadre de programme d’éducation sont rémunérées également.

Sur l’évolution du métier, Pierre Terdjman affirme que l’ancien monde est révolu, et que le photojournalisme n’a plus rien à voir avec celui qu’il à connu à ses débuts en 2001 ! Mais il insiste sur le fait que cette évolution est positive : « il y a de plus en plus de gens qui peuvent montrer ce qu’ils font, de plus en plus de monde capable de documenter leur vie, et ainsi on a de moins en moins besoin d’envoyer les photographes à l’étranger. Il y a une vraie nécessité à se renouveler face à cette réalité et à comprendre que si on est photojournaliste non employé par un journal ou par une agence, on doit avoir des revenus à côté, trouver d’autres façons de se rémunérer et de montrer ses images. Avec Instagram, si tu as une audience, avec par exemple 300.000 followers, tu atteints plus de gens qu’un tirage d’un journal ! C’est aussi toucher un autre public. C’est une aberration de croire que les choses vont continuer comme avant. Je ne dénigre pas le magazine, car je viens de là, et c’est encore un outil important, mais il faut se renouveler ».

INFORMATIONS PRATIQUES
#Dysturb Paris
Consulat, nouveau lieu éphémère et itinérant prônant un art de vivre festif et engagé
75011 Paris
https://dysturb.com/

 

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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