L'Invité·e

Luc Debraine, directeur du Musée Suisse de l’appareil photographique, est notre invité

Temps de lecture estimé : 5mins

Cette semaine, nous accueillons Luc Debraine, directeur du Musée Suisse de l’appareil photographique de Vevey. Une passion qui s’est transmise par son père, photographe. Le Musée propose actuellement une exposition sur L’image infrarouge, signature visuelle de notre époque. Elle repère les cas de fièvre dans une pandémie ou constate si un bâtiment est bien isolé. Outil de surveillance autant que de diagnostic. Jusqu’à vendredi, Luc Debraine nous présentera ses cartes blanches, en attendant découvrez son portrait chinois…

Une biographie, c’est comme un album photo de famille. Ce qui n’est pas montré est aussi intéressant que ce qui l’est.
Mais allons-y. J’ai grandi, un peu, dans une chambre noire. Mon père photographe avait la sienne au sous-sol de la maison au Mont sur Lausanne. Je porte en mémoire l’odeur des bains chimiques, le tic-tac de la minuterie, le ronronnement de la sécheuse. Cette armoire Foba, j’en mettrais ma main à couper, mais je me trompe souvent, est désormais installée dans l’un des deux laboratoires du Musée suisse de l’appareil photographique à Vevey. Mon père, décédé il y a dix ans, a quelque fois donné du matériel à cette institution. Dont peut-être cette grande sécheuse. Je dirige aujourd’hui ce musée. Le destin est circulaire comme un rouleau de celluloïde.
J’ai tôt appris à charger des films, changer des objectifs, cadrer au mieux un sujet ou une action. Sans talent particulier. Mais avec un intérêt plus grand que pour les études. A force d’entêtement, j’ai obtenu une licence en histoire de l’art à l’Université de Lausanne. J’ai enchaîné avec trois bonnes décennies de journalisme tout terrain, surtout culturel, à L’Est Vaudois, au Nouveau Quotidien, au Temps, à l’Hebdo. J’ai connu les fusions de journaux, les plans sociaux, les fermetures du jour au lendemain (le magazine l’Hebdo en 2017). J’ai eu un intense plaisir à travailler dans ces rédactions.
J’ai tout de suite pu écrire sur la photographie, avec la conviction qu’il est impossible de bien écrire sur la photographie. Pour cette raison, l’exercice est intéressant. Le noyau dur de cette technique, de ce médium, de cet art, peu importe le terme, reste mystérieux. Attaquez-le avec les burins de l’histoire des sciences, de l’histoire de l’art, de la sémiologie, de la sociologie, de la métaphysique, de la phénoménologie, de la critique journalistique, de la technique, rien ne le brise. Impossible de voir ce qu’il contient. La photographie est un condensé de lumière, de temps et de mémoire dont la formule reste une énigme.
En marge de ces écritures journalistiques, j’ai participé à l’organisation d’expositions et à la publication de livres. Entre autres, j’ai co-réalisé « Tous photographes » au Musée de l’Elysée de Lausanne en 2007, une des premières expositions sur le phénomène des caméraphones et de l’image participative.
J’enseigne la culture visuelle à l’Académie du journalisme et des médias de l’Université de Neuchâtel. Je suis depuis 2018 le directeur du Musée suisse de l’appareil photographique, une responsabilité qui m’enchante. Avec toujours en tête l’odeur d’une solution chimique qui porte le nom évocateur de révélateur. A moins qu’il ne s’agisse du fixateur. Entre nous, chère lectrice, cher lecteur, cette incertitude me résume mieux que n’importe quelle biographie.

Le portrait chinois de Luc Debraine

Si j’étais une œuvre d’art : « Etant donné 1. La chute d’eau 2. Le gaz d’éclairage » (1946-1966), Marcel Duchamp. La chute d’eau qui aurait inspiré Duchamp est la cascade du Forestay à Rivaz, au bord du Léman. Elle se trouve à côté de chez moi.
Si j’étais un musée ou une galerie : La Fondation Beyeler à Bâle, conçue par Renzo Piano. A l’intérieur, le spectateur reçoit le don de double vue : il regarde les œuvres, mais aussi le paysage extérieur par les grandes baies vitrées.
Si j’étais une artiste: Peter Zumthor, architecte grison. Faire simple : le plus dur.
Si j’étais un livre : N’importe quel livre de Vladimir Nabokov.
Si j’étais un film : « La Nuit du Chasseur de Charles Laughton ». Love, hate, les terreurs de l’enfance, Robert Mitchum.
Si j’étais un morceau de musique : « Won’t get fooled again », The Who
Si j’étais un photo accrochée sur un mur : « US 285, New Mexico » (1956), par Robert Frank.
Si j’étais une citation :  « Voir : tout est là », Elie Faure.
Si j’étais un sentiment : La mélancolie. Mais seulement si elle est gravée par Albrecht Dürer
Si j’étais un objet : Le Contax de Robert Capa le 6 juin 1944 à Omaha Beach.
Si j’étais une exposition : « Noir & Blanc » au Grand Palais, Paris. De cette manière, je pourrais enfin découvrir cette exposition que personne n’a vue pour cause de Covid-19.
Si j’étais un lieu d’inspiration : Le lac Léman.
Si j’étais un breuvage : Coca Zero
Si j’étais une héros/héroïne : Les Birmans qui protestent contre la dictature militaire
Si j’étais un vêtement : Le jean « Tristes tropiques » de Levi Strauss

CARTES BLANCHES DE NOTRE INVITÉ

Carte blanche à Luc Debraine : Départ sans destination – Annemarie Schwarzenbach, photographe (mardi 6 avril 2021)
Carte blanche à Luc Debraine : Avoir tort sur la photographie, une rencontre avec Susan Sontag (mercredi 7 avril 2021)
Carte blanche à Luc Debraine : Le temps en boîte (jeudi 8 avril 2021)
Carte blanche à Luc Debraine : Esthétique thermique (vendredi 9 avril 2021)

INFORMATIONS PRATIQUES

mer10mar10 h 23 minmer10 h 23 minInfrarougeMusée suisse de l’appareil photographique, Grande Place 99 1800 Vevey

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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