Séverine de Volkovitch et Delphine Guillaud, directrices Backslash galerie (de gauche à droite)
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Interview Séverine de Volkovitch et Delphine Guillaud : Backslash galerie

Temps de lecture estimé : 7mins

Une galerie 100% au féminin fondée par Séverine de Volkovitch, Delphine Guillaud il y a 11 ans. Les deux ex « Templonettes » ont depuis creusé leur sillon dans le Haut Marais et la désormais branchée rue Notre-Dame de Nazareth, imposant une version soft power du métier avec recul et discernement autour d’une quinzaine artistes coup de coeur. Les raisons de cette sagesse et longévité ? Les liens particuliers noués avec les artistes et les amis de la galerie, une éthique et écologie du quotidien, sans oublier l’humour et une bonne dose de fantaisie ! C’est à l’occasion de l’invitation au jardin de Florian Mermin que je choisis de les interviewer-enfin !

Petit rappel : quel est l’ADN de Backslash ? quelle ligne défendez-vous ?

Delphine : Il n’y a pas de ligne directrice à Backslash. Nous fonctionnons au coup de coeur. Etant deux, il est d’ailleurs parfois difficile de se mettre d’accord sur le travail d’un artiste.
Mais, avant de commencer une collaboration, il est primordial que chacune d’entre nous soit convaincue à 100% du travail en question.
Nous avons deux univers différents mais arrivons tout de même à tomber d’accord de manière totale. La notion de nationalité, mouvement ou genre nous est totalement secondaire.
Séverine : L’oeuvre a toujours primé en effet, et nos échanges incessants à ce sujet sont riches et passionnants. Au delà de l’art, je dirais que nous défendons une vision humaine et éthique plus globale, dans une forme dépoussiérée et volontairement décontractée.

Y a t-il une famille Backslash ?

Delphine : Nous sommes très proches des artistes avec lesquels nous travaillons et les respectons parfaitement.
Il me semble que c’est réciproque et notre réputation dans le milieu artistique le confirme.
Séverine : Cette notion de famille est importante pour nous. Au delà du noyau dur, elle inclue de nombreux collectionneurs et critiques d’art qui nous soutiennent depuis très longtemps.

L’exposition de Florian Mermin Le Jardin des Lys, se présente comme une ode sensorielle au vivant et l’artiste a reçu le Prix Art of Change 21, en quoi est-ce important ?

Florian Mermin, vue de l’exposition Le Jardin des Lys, Backslash galerie 2021 photo : Jérôme Michel

Florian Mermin, vue de l’exposition Le Jardin des Lys, Backslash galerie 2021 photo : Jérôme Michel


Delphine : Nous sommes évidemment très engagées au niveau écologique et envers les grands enjeux environnementaux. Le stand que nous proposerons à la foire Art paris en 2022 en témoignera.
Nous avons d’ailleurs fait de nombreux efforts à la galerie pour adapter notre travail aux questions écologiques.
Le Prix Art of Change, décerné notamment à Florian Mermin, ou le Prix COAL décerné à Elsa Guillaume en 2015, sont autant de preuves que l’écologie est au centre des recherches de nombreux artistes de Backslash. Le français Rero également accorde une part importante à l’écologie dans ses oeuvres.
Séverine : Les artistes nous poussent sans cesse à réfléchir à ces questions, que ce soit l’écologie ou le féminisme. Particulièrement les jeunes artistes d’ailleurs. C’est passionnant.
La galerie est passée au « zéro papier » il y a 2 ans maintenant. Et la galerie a toujours eu une économie de moyens pensée au plus juste. Cela concerne aussi les foires, voyages à l’autre bout du monde, etc. Mais c’est une question complexe.
Côté féministe, c’est un sujet de discussion très récurrent entre nous trois, c’est une galerie 100% féminine.
Quoi qu’il en soit, j’ai toujours pensé que les actes sont plus révélateurs que les discours.

France Bizot Natsukashii vue de l’exposition 2021 photo Jérôme Michel

Bilan de cette période de crise : quelles priorités ont-elles émergées ?

Delphine : Nous devons nous adapter, le système des galeries d’art ‘classique’ doit évoluer, bien évidemment. Ceci étant, nous cherchons encore les bonnes solutions car les ventes en ligne ont clairement démontré leurs limites. Et l’essence même de notre travail est de proposer des expositions physiques au public. C’est la partie la plus importante de notre métier et il me semble inenvisageable de m’en passer.
Séverine : Il a été passionnant d’améliorer notre présence digitale pendant cette période. Je pense que la voix de la galerie a été l’une des plus singulières, avec Les petites histoires de Backslash notamment. On a même créé une Backslash TV 🙂 La priorité a été de garder le lien avec notre famille et notre public. Car c’est cela qui compte avant tout. Et ça a très bien marché.
Bien sûr, nous avons aussi entièrement revu nos stratégies de ventes.

Simon Nicaise exposition du travail, vue de l’exposition 2021 photo Grégory Copitet

Le retour au monde d’avant synonyme de foires, déplacements multiples…est-il inévitable ?

Delphine : Il est inéluctable et a déjà fait son retour. L’offre de foires et salons depuis le début de l’automne est impressionnant. Mais à nous de choisir plus posément les évènements auxquels nous voulons participer. Notre bilan carbone doit s’améliorer. J’ai trop souvent vu des collectionneurs parisiens acquérir des oeuvres dans une foire sur un autre continent auprès de galeries parisiennes. Ceci n’a plus de sens.
Séverine : L’avenir est en effet à un choix plus mesuré et plus stratégique. Galeristes, collectionneurs, critiques, amateurs d’art : nous devons tous réfléchir aux conséquences de nos actes. Je pense que cela passe aussi par la fréquentation des galeries. Les foires sont importantes mais pourquoi mettre l’accent uniquement sur elles dans les conversations et la presse ? Les mentalités doivent changer.

Comment vous répartissez-vous les rôles au quotidien ?

Delphine : Tout s’est fait naturellement depuis 11 ans. Rien n’était écrit au départ mais nous avons chacune pris nos habitudes et ça fonctionne très bien comme ceci.
L’arrivée d’Adèle Arnold nous a aussi fait un bien fou dans nos tâches et libéré beaucoup de moments essentiels pour nous concentrer sur le développement de la galerie.
Séverine : Cela perturbe parfois : nous sommes un vrai binôme, dans tous les aspects de la galerie.

Beings, vue de l’exposition Backslash 2021 en partenariat avec Barter, photo Jérôme Michel

Si vous deviez vous projeter à moyen terme…

Delphine : Nous avons deux belles collaborations surprises qui arrivent cette année et l’année prochaine. Nous avons hâte de pouvoir les annoncer.
Nous souhaitons nous développer un peu plus sur le réseau européen, même si nos avons déjà bien initié cet aspect de notre travail depuis 11 ans.
L’ADN de la galerie reste inchangé, à savoir soutenir les travaux de jeunes artistes émergents et continuer à développer les carrières de nos artistes plus établis, tels que Boris Tellegen, Fahamu Pecou ou encore Rero.
Séverine : Ce ne sont pas les idées qui manquent à Backslash. 🙂 Les surprises à venir seront nombreuses ! Et nous continuerons à développer ce que nous avons entrepris sur le long terme: c’est un aspect de notre travail qui nous intéresse beaucoup. Il est fondamental.

A quand remonte pour chacune votre déclic pour l’art ?

Delphine : Très jeune, je parcourais les musées avec ma mère. Elle me laissait le choix donc nous avons beaucoup visité les antiquités égyptiennes mais également le musée d’Orsay, l’Orangerie, etc.
Mon déclic pour l’art contemporain s’est réalisé grâce à mon professeur Pierre Sterckx, aujourd’hui malheureusement disparu mais fabuleux enseignant et critique d’art belge. Je lui dois énormément.

Séverine : Une arrivée un peu par hasard à l’Université Paris 8, dont l’enseignement était essentiellement centré sur l’art contemporain. La découverte du Centre Pompidou à 18 ans à mon arrivée à Paris a été un choc. Je ne me suis plus jamais arrêtée de voir des expositions. Et les galeries ont été un incroyable vivier de découvertes pour moi. Je les remercie énormément pour cela.

INFOS PRATIQUES :
Florian Mermin
jusqu’au 18 décembre 2021
Backslash galerie
29 rue Notre-Dame de Nazareth
75003 Paris
www.backslashgallery.com

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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