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Aux débuts d’internet on appelait cela des Hoax, tout le monde s’est fait avoir au moins une fois dans sa vie ! Aujourd’hui, le nombre de fausses informations, tous domaines confondus, circulent de manière si fulgurante que certains en ont faire leur métier, il existe donc des sites qui enquêtent sur ces “Fake News” pour les contrer ou pour parfois, ça arrive, les affirmer ! Aujourd’hui plusieurs outils comme les Décodeurs du Monde, Fake Off de 20 minutes, ou encore Checknews de Libération permettent de démêler le vrai du faux. On peut alors dormir tranquille me direz-vous, mais que se passe t-il quand les rédactions en charge de vérifier ces fakes news… manquent de déontologie !???

Vous l’avez peut-être vu passer sur les réseaux sociaux, lorsque le 14 décembre dernier, le collectif La Part des Femmes – qui finalise actuellement une nouvelle étude sur le Portrait de presse au prisme du genre et des origines – publie les résultats d’un carottage effectué dans le numéro du jour du Monde, du Figaro et de Libération. On le sait, le collectif féministe réalise depuis plusieurs années ses comptages “pour que les femmes comptent”. Le résultat est édifiant : sur les 60 photographies publiées, 97% des images ont été réalisées par des hommes. Pas 60, ni 70, même pas 80%, non non 97% ! Autant dire la quasi totalité en somme.

Comme on l’apprend sur le site du collectif, deux jours plus tard, Marie Docher est contactée par une journaliste de Checknews, Marie Thimonnier, lui annonçant que cette information allait être… vérifiée ! C’est comme établir qu’un et un font deux, inutile de mobiliser une journaliste, il suffit de savoir compter. Cela dit, ce fait est intéressant puisque ces chiffres sont tellement ahurissants qu’ils paraissent invraisemblables et que Checknews décide parmi les très nombreuses infos douteuses qui circulent sur internet, que ce post nécessite des éclaircissements. Peut-être que Checknews, qui fait partie de Libération souhaite tout simplement se “justifier” ?

L’article est publié le 23 décembre en fin d’après-midi et est intitulé « Est-il vrai que la majorité des photos publiées dans «le Monde», «Libération» et «le Figaro» ont été prises par des hommes?« , le collectif pointe du doigt que cette date et cet horaire ne sont pas propices à toucher un large public. Le collectif souhaite réagir face au contenu de l’article, mais préfère laisser passer les fêtes de fin d’année…
Un grand nombre de personnes informe La Part des Femmes que l’article est partagé sur la page Facebook de Libération mais que tout commentaire allant dans le sens contraire de l’article est systématiquement supprimé. Seuls restent les commentaires misogynes et insultants (sport favoris des internautes!).Ingrid Milhaud, iconographe indépendante, réagit, son commentaire est là aussi rapidement supprimé. Et ce, à plusieurs reprises ! Ainsi, elle demande des explications au Community Manager de la page mais malgré un retour le 27 décembre annonçant qu’une réponse allait être apportée, à cette heure-ci, l’enquête semble ne pas être élucidée.

Pour en revenir à la rédaction de cet article, la journaliste interroge Marie Docher sur les méthodes de comptage. Les photographies comptabilisées ne concernent pas les photographies publicitaires, les images en droits réservés (DR), ni même celles d’agences filaires (AFP, Reuters) puisqu’aucun crédit n’est signifié. La journaliste arrive donc aux mêmes résultats : 97% des photographies ont été réalisées par des hommes photographes, mais elle pointe des faits qui finalement rendraient cette comptabilité difficile.

C’est d’ailleurs sur ce point des agences filaires que le doute persiste, on lit dans l’article « la marge d’erreur est énorme », estime Isabelle Grattard, du service photo de Libération (le chef du service photo, Lionel Charrier, était en vacances, donc il n’a pas pu s’exprimer sur ce sujet). Peut-être est-il utile de rappeler qu’en France, une seule femme est photographe à l’AFP ?
Il semblerait également que ce carottage, sur cette seule journée, ne soit pas suffisamment significatif, cela donne pourtant un aperçu non négligeable lorsque l’on sait (étude sociologique quantitative et qualitative à l’appui) que les femmes dans la presse sont beaucoup moins présentes.
Enfin, un grand nombre d’informations factuelles ont été transmises par Marie Docher à la journaliste, faits qui malheureusement n’ont pas été rapportés dans l’article. Le rendu laisse donc plus place à un plaidoyer qu’à une véritable enquête, puisque l’article n’apporte finalement pas de réponse claire à la question de responsabilité des rédactions qui est l’objet de cette vérification.

La prochaine étude sur la presse du collectif La Part des Femmes, réalisée sur une année, devrait mettre tout le monde d’accord…

Nous vous invitons à consulter l’article publié par La Part des Femmes pour en savoir plus sur les données communiquées et la façon dont elles ont été traîtées.
https://blogs.mediapart.fr/la-part-des-femmes/blog/100122/check-news-la-rhetorique-contre-les-chiffres

A LIRE
Le Portrait de presse au prisme du genre et des origines : une nouvelle étude menée par La Part des Femmes

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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