Temps de lecture estimé : 5mins

Ce week-end, le FRAC Sud de Marseille a inauguré « Invisible », la première grande exposition monographique consacrée à Martha Wilson, figure pionnière du féminisme artistique. Si vous allez aux Rencontres d’Arles pour la 54ème édition du festival, ou si vous êtes du coin ou simplement dans les parages, pensez à faire un petit tour à la cité phocéenne pour découvrir cette immense artiste à travers une exposition pensée et construite par Muriel Enjalran mêlant photographies, vidéos de performances, livres d’artiste et documents d’archives !

 

Martha WILSON, Posturing: Age Transformation, 1973/2008, photographie couleur de Richards Jarden, texte, 40.64 x 27.94 cm © Courtesy of Martha Wilson and P·P·O·W, New York – Photo: Richards Jarden

Martha Wilson est née en 1947 à Philadelphie, dans l’État de Pennsylvanie. C’est au tout début des années 70, qu’elle développe un travail sur la représentation des femmes et sur la déconstruction des stéréotypes. Si elle utilise la photographie et la vidéo, c’est son corps et son image qui sont les matières premières de son œuvre. Elle devient l’une des premières femmes à faire usage de son corps pour questionner les représentations sociales du féminin. Avec un humour corrosif, elle n’hésite pas à moquer le soi-disant idéal féminin qui invisibilise une très très grande majorité des femmes, notamment les femmes âgées. Elle n’hésite pas à mettre à mal les stéréotypes identitaires d’une Amérique néolibérale.

Martha WILSON, Painted Lady, 1972/2012, photographies couleur et texte, 74.93 x 36.83 cm © Courtesy of Martha Wilson and P·P·O·W, New York

Martha WILSON, Beauty + Beastly, 1974/2009, photographies noir et blanc, texte, 43.2 x 59.7 cm © Courtesy of Martha Wilson and P·P·O·W, New York

Fin 2021, le Centre Pompidou lui a consacré une exposition qui couvre une toute petite période de son œuvre allant de son séjour à Halifax (au Canada), de 1972 jusqu’à son installation à New York en 1974. Mais c’est ici, au FRAC de Marseille que l’on découvre toute l’étendue de son œuvre. Son travail est précurseur et pointe vers des territoires conquis ultérieurement par d’autres artistes contemporaines, telles que Cindy Sherman ou encore Martha Rosler.

Martha WILSON, Child Inside, 2017, impression pigmentaire, 49.5 x 39.4 cm © Courtesy of Martha Wilson and P·P·O·W, New York

L’historienne, théoricienne et critique d’art, Amelia Jones, décrit son travail comme avant-gardiste et prémonitoire. « Avec ses autoportraits photographiques à dimension performative, l’artiste new-yorkaise Martha Wilson propose depuis le début des années 1970 un travail radicalement prémonitoire, qui n’a pas dit son dernier mot. […] Elle devança certaines figures féministes new-yorkaises des années 1980 comme Cindy Sherman, qui connurent un large succès commercial en articulant leur travail autour de l’autoportrait photographique. Très tôt, Wilson a su exploiter toute la force de ce genre artistique pour documenter le corps performatif. Plutôt que de confirmer une identité (ce qui semble être la promesse de toute photographie, renvoyant chaque fois au « réel »), de telles mises en scène permettent en effet de rompre le lien entre le ou les corps existant devant l’objectif et l’image fixée dans l’émulsion. Son travail a ébauché (ou présagé) l’incessante frénésie des selfies et l’affichage sous forme de grille des galeries Instagram, qui incite à la comparaison.

Martha WILSON, Beauty Pass, 2017, photographies couleur et texte, 48.3 x 30.5 cm © Courtesy of Martha Wilson and P·P·O·W, New York – Photo and compositing artist: Nancy Burson

L’oeuvre de Wilson se démarque par son audace et son agressivité à l’égard des canons de beauté qui affectent les femmes dans la société patriarcale. […] Wilson n’a eu de cesse d’exposer les limites du corps féminin « idéal » jeune et blanc — son incapacité à conserver son attrait dans une société américaine sexiste, âgiste et sous autorité blanche. Dès ses premiers travaux où elle met en scène son corps devant l’appareil (ce qui les destinait à de futurs spectateurs) et jusqu’à ses dernières oeuvres, dans lesquelles elle reprend certains de ses clichés des années 1970 pour les placer en vis-à-vis de portraits plus récents de son corps vieillissant, elle recourt à la performance pour déconstruire un personnage de femme modèle ou son antagoniste — une folle, une sorcière ou une prostituée.

Martha WILSON, Before and After, 1974/2008, photographies couleur et texte, 66.4 x 172.72 cm © Courtesy of Martha Wilson and P·P·O·W, New York

[…] Le corps de Wilson, l’identité de Wilson, l’image de Wilson (son autoportrait) — tout cela se déploie sous nos yeux, sans que soient dissimulées les marques de l’âge et tandis que de nouveaux masques se succèdent au fil des décennies. On pourrait aussi dire que son oeuvre — à l’instar du portrait photographique en général —, loin de chercher à déjouer la mort, souligne plutôt le caractère inéluctable de notre propre obsolescence et de notre finitude (cf. Roland Barthes, La Chambre claire, 1980), chaque visage étant un masque, chaque image une performance, chaque corps se mettant en scène étant voué à disparaître »

INFORMATIONS PRATIQUES

sam01jul11 h 00 min2024dim04fev(fev 4)18 h 00 minMartha WilsonInvisibleFrac Sud - Cité de l'art contemporain, 20 Bd de Dunkerque 13002 Marseille

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

You may also like

En voir plus dans Evénements