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Festival June Events : 1080 – Art de la fugue, Mié Coquempot

Temps de lecture estimé : 4mins

Marjory Duprès, notre trender en danse contemporaine, va suivre de très près la onzième édition du Festival June Events qui se déroule à Paris jusqu’au 17 juin prochain. Elle a sélectionné avec soin 4 spectacles pour les partager avec nous. Aujourd’hui focus sur « 1080 – Art de la Fugue » de la chorégraphe franco-japonaise Mié Coquempot.

Dans sa nouvelle chorégraphie, intitulée 1080 – Art de la Fugue, la chorégraphe Mié Coquempot interroge ce qui structure, déborde et ce que l’on partage. Voyage musical alentour et métaphore sociale, la pièce travaille la partition des fugues inachevées de Bach et glisse vers l’étude des contextes – ceux de la création, aujourd’hui, hier, et l’interaction avec le fait social, culturel, politique. Jouer des résonances avec le corps dansant et dire le contemporain ?

Immense tapis blanc, tissu crème tendu en fond de scène. Coulisses visibles, à cour et jardin. Champ et contre champ. Dix interprètes forment les bords du cadre. Dans le silence du premier geste, il y a son commencement. Le corps investit la musicalité invisible d’un phrasé. Cette matière initiale forme le langage sur lequel toutes les variations viendront s’amarrer à l’oeil du spectateur.

La première note résonne. Ré-sonne. Un trio entre dans la phrase comme dans une glaise. Le ton est donné : celui d’un corps motivé par l’espace intérieur autant qu’il sculpte l’espace kinesphérique, habite le temps musical via l’écriture ciselée des transferts de poids. Le lointain est laissé comme une terre imaginaire, investie par le regard, jouant de la distance qui tantôt sépare ou rapproche deux êtres.

Son Journal de corps avait déjà été un moment de danse transportant. Mié Coquempot continue sa quête de corps en mettant en scène le pré-mouvement. Revenir, ensemble, à la source du désir moteur pour un éternel recommencement. Ses dix interprètes donnent ainsi à voir les relations d’échange entre intérieur et extérieur, ressenti et composition spatiale.

Les bras s’ouvrent, les coudes se déplient et l’on goûte la durée d’un relâchement articulaire. Ce tissage entre ce qui tient et ce qui lâche s’ouvre à toutes les parties du corps : coude, côtes, aine, hanche, omoplate… Au delà des jeux de miroirs formant une esthétique géométrique et relationnelle, la pièce oscille entre deux pôles : le poétique et le soutenu, d’une part; le comique et le relâché de l’autre côté. Les tableaux s’enchainent, oscillant sans cesse entre ces deux couleurs : y croire et ne pas se prendre trop au sérieux.

Le corps est sexué, démocratique, insolent et sage à la fois. Cette attention portée aux choses minimes passe au spectre de la dérision pour dénoncer, aussi, les tentations de l’entre soi. Passant à foison du corps intime au corps politique, son projet chorégraphique incorpore la vigilance : interroger, certes, tout en restant humble. Please.

Et dans le noir, deux êtres s’aiment. Le ralenti résonne dans la pièce comme un appel à l’écoute. Les mobilités se transforment, se partagent, s’accidentent. Cherchent ailleurs à explorer les liens entre chair et enveloppe, structure et matière. Jusqu’à frôler le bizarre, le drôle ou le précieux.

De la métaphore pâtissière à la discussion de comptoir, des questions ré-sonnent : échappe-t-on aux rôles définis par une époque, à un contexte, aux autres ? Quel équilibre entre ordre et désordre ? Qu’est ce qui fonde un collectif au delà du consensus (mou) ?

Entre mimétisme et singularité, Mié investit les possibles multiples de la relation : caresser, agripper, effleurer, repousser, grimper, s’échapper… Et d’ouvrir l’horizon d’un invariant collectif : la relation individuelle à quelque chose qui nous transcende : le rythme, l’amour, un coin de jardin. Faire et défaire, faire et défaire. Faire. C’est sans fin.

A LIRE :
> L’art de la fugue, Mié Coquempot
> May he rise and smell the fragrance, Ali Chahrour
> Weaver–Quintet, Alexandre Roccoli
> Mix, Herman Diephuis
> Interview d’Anne Sauvage

INFORMATIONS PRATIQUES
Festival June Events
Du 1er au 17 Juin 2017
http://www.atelierdeparis.org/fr/june-events-est-une-fete

Marjory Duprés
Marjory Duprés est chorégraphe, rédactrice et directrice artistique de la Cie Jours dansants qu'elle fonde après un cursus transdisciplinaire en sciences humaines (sciences politiques, anthropologie, ethnoscénologie). Elle se forme en danse contemporaine à Lyon puis intègre l'Institut des RIDC de Françoise et Dominique Dupuy à Paris. Son parcours est jalonné par des rencontres avec de nombreux chorégraphes dont Susan Buirge, Christine Gérard, Nathalie Pernette, Ambra Senatore, Loic Touzé, Lia Rodriguez.... Elle séjourne à plusieurs reprises en Inde du Sud où elle effectue une recherche sur les arts et les formes de réinvention de la tradition, la danse classique tamoule, le Bharatanatyam et lʼart martial kéralais, le Kalarippayyat. En parallèle, elle collabore avec des revues d'art, avec le site Mowwgli.com et coordonne des projets en lien avec les nouvelles écritures transmédia (scène, mondes sonores, film de fiction ou documentaire, web, radio, installations et autres techniques mixtes).

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