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Didier Ben Loulou & Bernard Guillot : Deux visions de l’Orient à la Galerie Malebranche (2nd épisode)

Temps de lecture estimé : 6mins

La galerie Malebranche  expose jusqu’au 27 Janvier Bernard Guillot et Didier Ben Loulou, sur deux visions de l’Orient, deux villes, Le Caire et Jérusalem,  en noir et blanc pour Bernard Guillot , en couleur pour Didier Ben Loulou. Deux façons de vivre et de photographier le réel et le sur-réel en prise avec ces territoires urbains, pétris d’ histoire et de feux, du feu des soleils d’or mais aussi du feu des buchers.

LE CAIRE par Bernard GUILLOT

Homme ! libre penseur ! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?

Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.
– Gérard de Nerval Les Chimères

Bernard Guillot, par ces noirs et blancs, signe une approche plus intimement pacifiée, poétique aussi, une lente remontée des images se fait alors en lui par l’harmonie secrète, éveillée des mystères de l’Orient, (Nerval en quelques points est un parent, un « frère » me confiera t il), de cette lumière intérieure liée à la grande Tradition Romantique et Orphique.
Le peintre-photographe expose ici à travers les murs et les traces archéologiques, les éléments d’architecture où s’aperçoit le triangle des frontons des temples grecs et ou surgit ce “connais toi toi même, comme pierre angulaire d’une démarche philosophique qui traversa les siècles depuis les pyramides (le triangle équilatéral), aux messages toujours actifs, pour qui  sait écouter et voir.  Car tout est là, que voyons nous “vraiment” , quel est notre lien au réel, à quoi servent nos sens, s’ils ne sont pas ouverts à la lumière et à la Connaissance? Notre sensibilité brute est elle à même et librement de s’éprendre du réel, voyage t-elle au coeur du mystère du monde,  s’épanouit -elle de de la pulsation enchantée de la nuit, sait-elle s’enchanter elle même de l’ouverture au regard, de l’éveil de l être. Il faudrait ici citer Nerval pour mieux comprendre et percevoir Bernard Guillot :

Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t’épie :
A la matière même un verbe est attaché…
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et, comme un oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres !

En quelques points, ces photographies parlent d’Architecture, du Sacré et de l’Immémorial, de cette Connaissance, si chère aux romantiques, à Goethe, Nerval, en particulier, quand les équilibres se construisent et que tout ce travail intérieur d’essence poétique et lumineuse s’est fait,  le regard du photographe s’accorde à l’esprit majeur du temps, enfin VOIT l’équilibre en toute chose, en une fraction de seconde. C’est dire qu’il a su traverser ses enfers et y retrouver son Eurydice, et que de son amour perdu il revient au jour, dans une renaissance ou tout s’est accompli. Il lui reste AUSSI à accomplir le monde dans sa vision…
ourlée, irradiante, irradiée et nimbée de l’Autre lumière, immanente. Ce processus est assez différent de celui qui taraude en permanence Didier Benloulou, toujours en équilibre au dessus des enfers, Bernard Guillot, en est revenu, l’oeil plus profond que jamais, la paix flottant sur son âme en colombe douce et heureuse.

Orphée en tout point peut s’entendre comme un symbole du Génie, ce Dieu caché dont parle Nerval, dont l’esprit s’accroit sous l’écorce des pierres, c’est lui. et son destin, sa croissance est liée à sa part féminine, son Eurydice, dont le nom ouvre un champ sémantique particulier. Il s’agit de la Vaste Justice de l »Eurè- Dikè grecque. La Justice est représentée par la balance -Libra en latin- dont les plateaux sont en équilibres, “equi-libra”, ce qui donne ensuite la liberté par l’harmonie, ou l’harmonie dans la liberté. Cette dialectique est ici vivante, éprise de sa vastitude qu’elle en change la nature physique de la lumière, lumière méta-physique dorée à l’aune de cette proportion dont sont faites les pyramides e,tre autres…. et le monde s’ouvre à la présence  par le regard. C’est pourquoi un enchantement se fait, dans la grande tradition romantique, rendue parfois surréalisante (les surréalistes sont des romantiques) dédiée à la présence et au monde que conjugue si bien la photographie de Bernard Guillot.

Nous sommes avec lui dans l’Or du premier matin, dans l’Argent de la lune, du côté de cet imaginaire qui conçoit et résout…..
….. et les contes philosophiques s’éprennent alors de ce Génie, humoriste au sourire gai, du Gai Savoir, faisant entrer l’Autre dans un compagnonnage du regard, à la pointe d’une Terre Promise et enfin trouvée.

Bernard Guillot a su renouer au Caire avec l’esprit qui est au delà du temps… il en revient avec ces traces lumineuses faites de temps singuliers et d’apparences, de subtils présences, de mystères toujours actifs, de secrets qui reposent. Bernard Guillot nous offre l’Or du temps, projet surréaliste et magique dont nous sommes, regardeurs, les heureux destinataires, les bons bénéficiaires. En ces temps de l’Avant, il est curieux d’assister à la naissance de ces Orients, voyagés, esprits rimbaldiens, mythologies actives. Ici tout est en noir et blanc, dans la nuance que les ombres laissent de leurs passages sur la terre des hommes oublieux d’eux mêmes. Et ces miroirs ne sont que rimes en noir sur blanc.

Entre l’approche éclatante de la couleur et des tirages Fresson de Didier Ben Loulou et celle, élégante et magique de Bernard Guillot, portée par l’ héritage de Gustave Moreau, des surréalistes et de leur sens poétique, on pense à Éluard entre autres, un dialogue savant et secret s’ épanouissait entre les deux oeuvres. Deux modernités, l’une plus contractuelle et débordante, conquérante, ouverte à l’infini de la question juive, en couleur, l’autre  magnétique et métaphysique, plus secrète, douée de l’esprit issu en quelques points des romantiques, quand l’onde du mystère appelle une soif particulière et qu’elle en promulgue l’Harmonie secrète.

INFORMATIONS PRATIQUES
Le Caire-Jérusalem de Dider Benloulou et
Bernard Guillot
Jusqu’au 27 janvier 2018
Galerie Malebranche
11, rue Malebranche
75005 Paris
http://galerie-malebranche.com/
http://www.filigranes.com/artiste/guillot-bernard/
http://www.didierbenloulou.com/

A LIRE : 
Didier Ben Loulou & Bernard Guillot : Deux visions de l’Orient à la Galerie Malebranche (1er épisode)

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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