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Partager Partager OtherSide Rencontre avec Bernard Blistène : Kanal, Centre Pompidou, Shangaï et les défis du musée de demain Marie-Elisabeth De La Fresnaye16 juillet 2018 Temps de lecture estimé : 8minsA l’origine de l’ambitieux projet KANAL-Centre Pompidou porté par la Région Bruxelles-Capitale, Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne Centre Pompidou Paris et commissaire général de l’année de préfiguration est revenu avec nous sur les origines de ce partenariat hors normes. Une aventure commune et généreuse, pensée à partir du contexte de ce lieu emblématique l’ancien garage Citroën, où les œuvres des Collections du Centre Pompidou entrent en résonnance avec ces strates d’histoire et de mémoire, personnelle et collective, intime et universelle. 1. Genèse et étapes préalables au projet C’est sur la suggestion de Michel Draguet, directeur des musées royaux des Beaux-Arts, que je suis allé avec lui rencontrer Yves Goldstein, à l’époque chef de cabinet du Ministre Président de la Région Bruxelles, autour d’un projet de musée d’art moderne et contemporain qu’ils avaient à l’esprit. Puis nous avons visité le lieu dont je connaissais la force architecturale, avec le Président Rudi Vervoort. Ce lieu en l’état brut m’a fasciné et je lui ai d’ailleurs trouvé des similitudes formelles avec le Centre Pompidou ! L’architecture industrielle, il est vrai, ses grands plateaux ouverts et fonctionnels, sont une des composantes du Centre. Très vite, une relation de sympathie s’est nouée entre nous. L’idée d’une co-construction, mêlant les différentes disciplines qui font l’art moderne et contemporain retenaient l’attention de mes interlocuteurs. Il est vrai qu’ils ne cherchaient pas tant à construire un simple musée mais un véritable dispositif pluridisciplinaire dont le Centre Pompidou est à l’évidence, un modèle fondateur. Je me suis immédiatement ouvert de ces échanges auprès du Président du Centre Pompidou qui a obtenu l’aval de nos tutelles. Nous avons alors signé un contrat sur 10 années avec la Fondation Kanal, dans la perspective de mettre en œuvre une réflexion commune à laquelle était d’emblée associé le CIVA mais aussi un ensemble d’interlocuteurs bruxellois de premier plan. Le projet Kanal-Centre Pompidou est né de ces échanges, avec d’emblée la ferme intention d’agir à plusieurs et d’impliquer des acteurs bruxellois essentiels, ce que nous avons d’ailleurs fait en bâtissant cette actuelle préfiguration. Voyez comment Bozar, la Cinémathèque de Bruxelles, le Kunstenfestival, le Kaaitheater dont la toute proximité en fait un partenaire nécessaire et naturel, ont contribué parmi d’autres, au programme établi. La préfiguration que nous avons décidé de mener à bien, malgré des délais tendus, avait à mon sens de multiples avantages. Elle permettait de faire découvrir ce bâtiment ô combien emblématique avant qu’il ne ferme plus de deux ans pour des travaux nécessaires. Elle permettait d’esquisser des collaborations avec des partenaires ouverts qui ont compris que travailler à plusieurs était sans doute aujourd’hui une opportunité voire une nécessité. Elle permettait aussi de comprendre le bâtiment et de travailler avec les architectes lauréats du concours, les équipes mixtes, à la fois anglaise (Sergison Bates architects), flamande (noAarchitecten, Bruxelles) et suisse (EM2N). Une belle alliance, au demeurant pour un programme très précis. à l’issue du concours pour définir le programme et ses besoins. Enfin, qui aurait pu attendre, après tant de débats souvent passionnés et d’attente que ce lieu magnifique n’esquisse pas un peu de ses ambitions et de son devenir ? Voyez d’ailleurs l’accueil formidable qui a été réservé ! C’est toujours le public qui finalement triomphe des antagonismes et des grincheux. Il faut savoir l’écouter. Et puis, il y a eu d’emblée la volonté d’en appeler à des artistes et d’initier des commandes qui constitueront très vite le patrimoine de cette institution. On a trop rabâché – je déteste qu’on rabâche – que Bruxelles, ville de culture et de collectionneurs avertis, n’avait pas su constituer une collection d’art moderne et contemporain. Le mouvement est désormais enclenché. Il se continuera afin qu’au moment de son ouverture, la fondation Kanal puisse présenter le résultat du travail que la commission constituée aura réalisé. J‘aimerais aussi ajouter que je me suis souvent demandé pourquoi Bruxelles, capitale administrative de l’Europe, n’avait pas tenté de mettre en œuvre le musée européen d’art moderne et contemporain qu’elle avait le droit et peut-être le devoir de concevoir. Je ne dis pas que l’activité artistique et intellectuelle de la ville a fait défaut, bien au contraire. Je dis que l’outil d’aujourd’hui auquel d’ailleurs nous réfléchissons ensemble et qui conduit d’ailleurs le Centre Pompidou à réfléchir sur lui-même et ses quarante ans écoulés, a sa pleine place à Bruxelles et qu’il est formidable de pouvoir contribuer à son édification. Et même s’il y a eu une forme de scepticisme de la part de certains, sans doute parce que les querelles politiques sont inévitables dans pareille circonstance, je sais que Kanal-Centre Pompidou est désormais inscrit dans le devenir culturel de Bruxelles et moi qui ai tant appris de la Belgique et de sa passion pour l’art de son temps, ne peux que m’en féliciter. 2. Le programme de préfiguration : Kanal Brut Je vous le disais, nous avons bâti une programmation pluridisciplinaire que nous avons d’ailleurs « calée » sur les grands rendez-vous du calendrier de Bruxelles. Cette co-construction est le fruit de débats passionnants avec une équipe formidable que je veux saluer ici. Tous ensemble, nous avons voulu célébrer le bâtiment et son histoire, nous y infiltrer, révéler son potentiel. Et puis, nous avons joué avec le lieu afin d’inviter les visiteurs à s’y perdre et à le découvrir. L’idée de « dessiner des lignes de fuite », comme aurait dit Gilles Deleuze, n’a cessé de nous animer. Voyez le résultat, je crois d’ailleurs qu’il a séduit les milliers de personnes qui sont d’ores et déjà venues. Et puis, l’histoire de ce garage s’est incarnée dans les œuvres choisies selon les espaces et leur vocation : les ateliers pouvant accueillir des œuvres monumentales, les bureaux ou les vestiaires, la salle à manger du personnel des œuvres autour de questions d’ordre social et identitaire. Nous avons cherché à tout de suite intégrer des artistes de la scène belge, très cosmopolite et à engager celles et ceux qui ont accepté de répondre à la commande que nous leur avons faite, à travailler avec le lieu. Le résultat est, il me semble, tout à fait fascinant. 3. Marque ou opérateur culturel ? Je n’aime pas ces mots ! Je me refuse à considérer une institution de l’autorité du Centre Pompidou comme une simple marque. Le Centre Pompidou en tant que tel est une institution objectivement unique. Certes, d’autres modèles ont apparu entre temps. Néanmoins 40 ans ont passé et l’occasion de se déplacer en Chine comme à Bruxelles nous incite à nous penser et à nous mettre à l’épreuve, dans un contexte différent. A la création du Centre Pompidou, le débat restait entre Europe et Amérique, alors que la globalisation, au-delà de son revers menaçant, nous oblige à réfléchir à la fois sur l’état de la création à l’échelle de notre monde d’aujourd’hui mais aussi à faire des choix et à comprendre la complexité du récit moderne. 4. Shangaï Ce que je trouvais opportun dans l’instant où nous nous installerions à Shanghai, c’était évidemment de construire un programme où la relation Occident-Orient serait prégnante et source de pensées. Certes, le Centre Pompidou prêtera des œuvres dans cette perspective et fournira des conseils en matière d’ingénierie culturelle, mais il aura aussi pour mission de développer une relation actuellement trop sporadique avec un continent dont on sait l’importance à tous égards dans notre monde de demain. Et le Musée ne pourra qu’y gagner en termes d’expériences et de connaissances, tant la Chine est aujourd’hui un territoire en pleine mutation et un acteur passionnant du débat artistique contemporain. 5. Le Centre Pompidou, laboratoire prospectif ? Je l’espère ! Et c’est d’ailleurs le vœu de son Président. Nous venons d’ailleurs d’inaugurer en complicité avec l’IRCAM, la deuxième édition d’un rendez-vous annuel, intitulé Mutations/Créations qui renoue avec l’esprit théorique et artistique du centre de création industrielle de l’époque initiale. Le Centre et son Musée retrouvent sans doute là une autre vie, à l’écoute de l’art et des sciences d’aujourd’hui et réinvestissent un champ d’expérimentations pluridisciplinaires qui autorise à interroger le sens profond de sa mission. De même pour l’exceptionnelle rétrospective de l’ensemble des créateurs de l’Union des Artistes modernes, que la plupart des gens ne connait pas encore bien et qui témoigne de la force de la recherche appliquée à la création et permet sans doute au Centre Pompidou d’interroger le passé pour imaginer son futur. Le propre de la création vivante est, par essence, d’être en mouvement permanent. Ces projets comme tant d’autres – voyez en ce moment celui conçu par Ryoji Ikeda – sont sans doute en pleine osmose avec le Centre Pompidou, son histoire et ses enjeux de demain. Je sais que l’aventure bruxelloise contribuera à cet enrichissement. INFOS PRATIQUES KANAL Centre Pompidou une année de préfiguration jusqu’au 10 juin 2019 Les expositions : L’usine de Films Amateurs par Michel Gondry, Tôles, Station to Station, Administration, Le lieu du film, Le Lion, sa cage et ses ailes, Walk th chai, En rouge et blanc, Identités/Altérités, House 3 by Alice, Projets étudiants, As Found Arts vivants : programme Horaires : tous les jours de 12h à 22h (fermé le mardi) nocturne les vendredi et samedi Tarifs : plein 14€ Quai des Péniches, Bruxelles http://kanal.brussels/fr Mutations/Créations 2 Coder le monde Ryoji Ikeda Forum Vertigo, cycle de rencontres avec l’IRCAM jusqu’au 27 août 2018 U.A.M une aventure moderne jusqu’au 27 août 2018 Centre Pompidou Paris https://www.centrepompidou.fr Favori0
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