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Rencontre avec Raphaëlle Stopin
Prix HSBC pour la Photographie 2018, le Bilan

Temps de lecture estimé : 7mins

La dernière étape de l’itinérance de l’exposition des lauréats du Prix HSBC pour la Photographie 2018 se déroule actuellement à l’Arsenal de Metz. Sont réunies les séries primées d’Antoine Bruy, Petros Efstathiadis et Olivia Gay (Prix spécial Joy Henderiks) avec des œuvres nouvelles récemment produites pour les deux premiers lauréats. A cette occasion, nous avons rencontré Raphaëlle Stopin, conseillère artistique de cette édition 2018, pour nous présenter cette ultime étape et dresser le bilan de cette expérience.

« Pour moi, incontestablement, le point fort du Prix HSBC pour la photographie c’est la monographie ! Une fois que l’année est écoulée, l’effervescence passée, le livre reste, c’est un accompagnement bien plus long… » Raphaëlle Stopin, conseillère artistique 2018

9 Lives : L’Arsenal de Metz accueille la dernière étape de l’itinérance du Prix HSBC pour la Photographie 2018, l’occasion d’y présenter quelques images inédites. Pouvez-vous nous parler de ces nouvelles productions ?

Raphaëlle Stopin : Depuis quelques années en effet, le Prix HSBC pour la photographie présente quelques images inédites lors de la dernière exposition de l’année. Pour Petros Efstathiadis, nous présentons deux nouvelles images. Compte tenu du délai de maturation de ses œuvres, il était difficile pour lui d’en réaliser davantage. Ces deux nouvelles photographies ont été pensées dans la continuité de ses autres séries. Ses sujets sont un peu comme des cercles concentriques autour des réalités de son pays, la Grèce – que ce soit une référence au passé ou à son histoire contemporaine. Toutes ces images sont d’abord pensées, pour être dessinées sur story board et créées avec des objets récupérés, recyclés, prêtés… qui seront détournés de leur fonction première.

Avec cette nouvelle production, qu’il imagine être une nouvelle série, il prend comme point de départ la mer Méditerranée en tant qu’espace symbolique, une sorte d’échiquier, un territoire où se joueent les enjeux politiques économiques et migratoires… Nous avons « Submarine emerge » un sous-marin échoué en arctique qui fait référence à la crise climatique. Et « Press Room » : une interprétation de salle de conférence de presse qu’on imagine aisément pour une prise de parole politique en cas de crise.

En ce qui concerne Antoine Bruy, ce sont des images issues d’un travail en cours de finalisation sur l’Australie intitulé « Outback Mythologies ». Ce travail est très différent formellement de celui qui a été primé et c’est d’autant plus flagrant que les deux séries sont présentées en vis-à-vis à Metz. On est dans un autre format, en noir et blanc avec des contrastes très appuyés. Il garde cependant le même attachement pour montrer des communautés qu’on ne regarde pas. Il en observe toutes ces mécaniques. Ici, il explore les dynamiques entre les communautés aborigènes et les populations qu’on enferme dans des archétypes. Il essaie de voir comment les deux communautés qui ne se croisent pas, peuvent cohabiter. Cette série parle également de la représentation : comment représenter la réalité ?

9 Lives : De Paris à Metz en passant par Lyon et Mougins, vous avez assuré le commissariat de toutes les expositions, comment faire cohabiter les séries les unes avec les autres ?

R. S. : Toute l’exposition a été produite pour l’itinérance, je m’étais basée sur le lieu le plus grand pour établir le choix des œuvres et leurs formats. Cela a ensuite été un exercice d’adaptation pour chaque galerie qui accueillait l’exposition. C’est un travail intéressant, car il y a deux processus très différents entre le travail de Petros et celui d’Antoine, dans le fond comme dans la forme. Le premier a des tirages monumentaux, tandis que le second opte pour des formats beaucoup plus petits. Nous avons toujours réussi à trouver des solutions pour présenter les deux séries, même dans les lieux les plus exigus. Nous avons réussi à révéler une bonne dynamique entre les deux. La cohabitation a été très intéressante, car cela facilitait la lecture pour un public peu averti au language photographique contemporain (comme celui de Petros). Ils pouvaient comprendre que même si les démarches étaient différentes, ils se rejoignaient sur l’approche de la photographie en tant que révélateur de le réalité. C’était palpable, le public a immédiatement perçu ce lien, notamment grâce à quelques images de cabanes qui se retrouvaient chez les deux travaux des lauréats.

9 Lives : Comment avez-vous intégré les nouvelles images à la scénographie pour l’exposition de l’Arsenal de Metz ?

R. S. : L’Arsenal est le lieu qui est le plus vaste, il est très intéressant d’un point de vue scénographique car il permet un vrai cheminement dans l’espace avec des murs centraux. Le premier espace est consacré au travail de Petros Efstathiadis. Les deux nouvelles productions s’incorporent parfaitement au reste de l’exposition. Le deuxième espace est quant à lui dédié à Antoine Bruy, pour cette dernière exposition, nous avons produit un grand nombre de nouvelles images, on y expose donc ses deux séries qui se font face. Et enfin, on présente également 3 photographies d’Olivia Gay, qui a reçu le Prix spécial Joy Henderiks, dans un petit espace dédié.

9 Lives : Vous avez accompagné les lauréats tout au long de l’année, pouvez-vous nous parler de cette expérience qu’est celle de conseillère artistique du Prix ? Quels ont été les moments forts ?

R. S. : La phase la plus passionnante dans un prix c’est le moment où on examine les candidatures. Je suis commissaire par ailleurs pour le Prix du Festival de Hyères, et pour ce prix j’ai découvert des profils très différents de ceux que je vois habituellement… C’est particulièrement passionnant de voir de nouveaux artistes et de découvrir tous ces sujets. Ensuite il y a eu la phase préparatoire pour le comité exécutif en vue du jury final, c’est un travail conséquent autour des 12 photographes sélectionnés, afin de mettre au mieux en valeur les dossiers auprès du jury.
Une autre étape très intense est celle de la publication, car le temps est assez court. Dans les préfaces, j’avais vraiment envie d’éclairer au mieux leur travail. Cela a été une formidable opportunité de travailler avec Xavier Barral, les conditions étaient vraiment idéales.
Globalement, c’est une expérience très riche de suivre sur le long cours des artistes qui arrivent à un moment de leur carrière où ils ont besoin de notre appui. L’année se terminant, je vais rester attentive aux projets des trois photographes. J’essaye de faire en sorte que toutes mes missions se nourrissent les unes, les autres. En tant que conseiller artistique, on apporte des choses, mais ça nous apporte également beaucoup.
Il est par exemple très probable que si je travaille sur l’éllaboration d’une exposition collective qui touche un thème exploré par ces 3 artistes, je vais évidemment les inclure !

9 Lives : En tant que conseillère artistique, vous avez découvert le Prix de l’intérieur, quels sont les vrais points forts du prix pour un jeune photographe ? 

R. S. : Pour moi, incontestablement en plus de la durée de l’accompagnement sur un an, c’est la monographie, qui est l’une des spécificités de ce prix. Cette première publication est réalisée dans un cadre très bienveillant avec un véritable savoir-faire. Une fois que l’année est écoulée, l’effervescence passée, le livre reste, c’est un accompagnement bien plus long…

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INFORMATIONS PRATIQUES

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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