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Sandra Patron, directrice du MRAC Occitanie et la convergence des possibles de Nice à Toulouse

Temps de lecture estimé : 5mins

Nous poursuivons notre cycle de rencontres avec les responsables des divers centres d’art et institutions de l’hexagone. Pour cette semaine particulière, ce sont les femmes qui sont mises à l’honneur, aujourd’hui nous vous présentons Sandra Patron, directrice du MRAC Occitanie de Sérignan.

« Repolitiser la collection », l’un des grands enjeux des années à venir pour les directeurs d’institutions » – Sandra Patron

Lourdes Castro, Laura Lamiel et dans une génération plus récente, Ulla von Brandenburg, hasard ou nécessité de donner cette visibilité à ces générations d’artistes femmes en Occitanie ?

Je suis très heureuse de cette concordance des temps qui n’est surement pas anodine entre Marie Cozette (ndlr : voir notre interview publiée demain, vendredi 8 mars 2019) et moi, qui sommes de la même génération et qui portons depuis longtemps ces enjeux. Nous dirigions auparavant de plus petits centres d’art et, au fur et à mesure où nous-mêmes nous développons dans les institutions, on essaie de soutenir et d’impulser cette réflexion.

Je l’avais déjà entamé l’année dernière avec Lubaina Himid, artiste britannique née à Zanzibar mais cela s’inscrit dans un mouvement international élargi autour des questions de l’invisibilité des femmes de l’histoire de l’art. D’ailleurs, j’ai rencontré à Rotterdam un curateur de la Tate Britain qui vient d’être recruté avec comme fonction « Repoliticize the collection »; « repolitiser la collection », autour des questions des femmes mais aussi des minorités. C’est, je pense, l’un des grands enjeux des années à venir pour les directeurs d’institutions.

Une volonté de synergie se dessine sur le territoire avec le futur MoCo notamment qui ouvre le 28 juin, une conjoncture positive ?

Tout à fait. On observe d’une part des professionnels de grande qualité et par ailleurs une volonté de penser les enjeux dans une intelligence collective qui est peut être un signe de notre génération dans des échanges et circulations favorisés et on l’espère aussi in fine avec le public sur ce territoire qui va de Nice à Toulouse où nous commençons à engager un dialogue entre les professionnels de PACA et d’Occitanie.

Entre l’ouverture du MoCo, de la fondation LUMA, de Manifesta à Marseille, les programmations, l’ambition affirmée avec Africa 2020 (avec un enjeu particulier dans le sud de la France de par l’histoire liée à l’immigration de ce territoire), nous assistons à un alignement des planètes avec à la fois des enjeux, une volonté politique, et l’arrivée de professionnels avec de grandes ambitions. Ceci créé effectivement un contexte très favorable.

Votre programmation prochaine ?

Cet été j’ai invité deux jeunes commissaires d’expositions basées à Marseille, Emmanuelle Luciani et Charlotte Cosson, engagées depuis de nombreuses années autour de la question et relecture des arts dits mineurs. Elles vont développer un projet sur l’ensemble du musée qui sera la concrétisation plus ambitieuse de leurs recherches antérieures. Ce projet, « Les chemins du sud » est pensé sous la forme d’un dialogue entre des œuvres d’art moderne et des artistes contemporaines qui ont fait le choix de vivre et produire dans le sud pour s’extraire de la centralité et aller dans les marges, à la fois géographiques mais aussi disciplinaires. De Dufy à Matisse jusqu’à une très jeune génération d’artistes qui font de la tapisserie, de la céramique et revendiquent que ces pratiques soient totalement intégrées à notre analyse des fondements de l’art. Nous revendiquons une approche transhistorique avec quelques incursions Art &Craft pour faire le lien avec le sud-ouest des Etats Unis et faire émerger cette concordance des temps entre ici et l’autre côté de l’Atlantique. Cette exposition aura également une extension à l’abbaye de Fontfroide, ce qui fait sens à plus d’un titre ; ce lieu étant la propriété de la famille Fayet et Gustave Fayet le premier propriétaire du MRAC. De plus cet artiste et mécène de nombreux artistes comme Odilon Redon, Gauguin a beaucoup œuvré pour une réévaluation de ces pratiques dites mineures.

Nous avons invité à l’abbaye de Fontfroide un jeune artiste italien, Matteo Nasini à intervenir in situ avec une installation sculpturale et sonore sous forme d’instruments de musique activés.

Vie de la collection et nouveaux accrochages

Je souhaite que les nouvelles acquisitions soient la mémoire des expositions temporaires. C’est notre matrice. Je refais un nouveau display en juin avec tout ce qui s’est déroulé en 2018 : Lubaina Himid, Simon Starling, Isabelle Cornaro, des figures emblématiques, sous forme d’un fil narratif distendu offrant une déambulation ouverte.

L’année dernière avait a été marquée par le concept des bandes son à activer que je ne reprendrai pas volontairement refusant le principe de répétition. Mais je suis encore en phase de réflexion à ce stade.

Synergies et axes stratégiques futurs

J’attends beaucoup du futur MoCo et cette exposition « 100 artistes dans la ville », regroupe beaucoup d’artistes que nous avons dans la collection, comme Bruno Peinado. Je me concentre actuellement sur une volonté de développer un rapport à la résidence, ce qui rejoint mes premières recherches et réponds à mes convictions en particulier dans l’importance de la mise en place d’autres logiques de travail, écologiques et éthiques, autour de la production d’une exposition, par exemple trouver des partenariats de résidence où les expositions pourraient être produite et ainsi pouvoir inviter un artiste de l’autre bout du monde !

INFORMATIONS PRATIQUES
• L’hier de demain : Ulla Von Brandenburg
• Ombres & Compagnie : Lourdes Castro
• Bandes à part (Neil Beloufa, Christophe Berdaguer & Marie Péjus, Karina Bisch, Pierre Bismuth, Sylvie Blocher, Daniel Buren, Valentin Carron, Noël Dolla, documentation céline duval, Jean Dupuy, Éléonore False, Günther Förg, Lina Jabbour, Ann Veronica Janssens, Pierre Leguillon, Matt Mullican, Vik Muniz, Daniel Otero Torres, Bruno Peinado, Pascal Pinaud, Lucy Skaer, Niels Trannois, Tatiana Trouvé, Claude Viallat, Ian Wallace, Ian Wilson.)
Jusqu’au 2 juin 2019
Musée Régional d’Art Contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée
146 Avenue de la Plage
34410 Sérignan
http://mrac.laregion.fr/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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