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Festival La Gacilly 2019 : À l’Est du Nouveau 1/2

Temps de lecture estimé : 12mins

Au début de la semaine, nous étions en Normandie à Houlgate pour le festival consacré au femmes photographes, aujourd’hui et demain direction la Bretagne pour la 16ème édition du Festival Photo La Gacilly ! Jusqu’au 30 septembre, vous pourrez découvrir les 26 expositions qui viennent habiller le paysage de la petite commune du Morbihan. Cette année, le directeur artistique, Cyril Drouhet, met à l’honneur les Pays de l’Est. Petit tour d’horizon avec notre critique Pascal Therme…

Sergey Maximishin, L’Esprit Slave

Sergey Maximishin


Entretien entre Sergey Maximishin et Pascal Therme (en anglais)

Sergey est né à Kerch, en Crimée. Cette péninsule abritant la flotte militaire russe sur les bords de la mer Noire appartenait alors à la République d’Ukraine. Jusqu’en 2014, quand la région fut rattachée à la Russie.
Mais peu importe pour Sergey Maximishin d’où il vient. Il est slave avant tout. Voici bien longtemps d’ailleurs qu’il a quitté sa terre natale pour poursuivre à Léningrad (aujourd’hui Saint-Petersbourg) des études de physique. La photographie ? Elle est venue à lui par hasard au cours de son service militaire où on le propulsa reporter des armées. Depuis la chute du communisme, il n’a de cesse de photographier la schizophrénie d’un peuple, de son peuple. « La Russie est un pays sans plafond ni plancher, aime-t-il rappeler. Le génie et la bêtise, la pauvreté et la richesse, la bassesse et la noblesse, le bien et le mal ne sont pas limités dans leurs manifestations. » Il en tire ces images d’une société fière de son iconographie religieuse orthodoxe, mais pouvant tout aussi bien s’amuser de son passé stalino-marxiste : on croise dans ses photographies des hommes dénudés dans un banya traditionnel, un sosie de Lénine sur la Place Rouge, des moines sous la neige portant une icône du Christ. En Russie, on peut à la fois flirter avec la misère et les excès de la vie, mais aussi s’enfoncer dans la nostalgie ou l’anticonformisme.
Voyage à la rencontre de cet esprit slave, marqué par une douce folie que ne renierait en rien Dostoïevski.

Alexey Titarenko, Saint-Pétersbourg, la ville des ombres


Présentation de l’exposition par Alexey Titarenko

Les éclairs de mélancolie spectrale d’ Alexey Titarenko

« Alexey Titarenko ne s’intéresse pas à une action ou à un événement extérieur, mais à la mélodie d’un état intérieur. Il l’a entendue en lui-même, en se promenant dans le quartier de Kolomna, où vivaient et souffraient les héros de Dostoïevski. Les passants qui cheminent aujourd’hui sur les quais du canal Griboïedov et de la Fontanka, ou près du marché au Foin, ressemblent à ceux que pouvait rencontrer ce grand écrivain. L’obscurité diaphane, tendre et bleutée, devient omniprésente et atténue les différences entre les éléments. Elle les recouvre, les rapproche et permet ainsi une accalmie temporaire. La lumière faiblarde et l’ombre glissante se rencontrent avec harmonie et enveloppent les bâtiments, les arbres et les êtres, qui semblent unis par un mystère tragique. Nous venons de pénétrer par la musique de la mélancolie, dans le monde d’Alexey Titarenko. »
C’est ainsi que le critique d’art Georges Golenki décrit le travail de ce photographe russe installé aujourd’hui à New York. Cette exposition présente deux séries complémentaires : La nomenclature des signes, des photomontages et collages réalisés par l’artiste à ses débuts avant la chute du communisme entre 1985 et 1991 ; et Ville des Ombres, un portrait onirique de Saint-Pétersbourg avec des photographies réalisées entre 1991 et 2000.
Sombres et baignés d’irréalité, ces clichés montrent des vides ou des pleins, des foules ou des places dépeuplées. Les longs temps d’exposition rendent fragiles et fantomatiques ces sujets, présents en filigrane, par un effet qui rappelle les mouvements démultipliés de la chronophotographie et les clichés de spectres et d’esprits, très prisés dans les salons de la Belle Epoque. Ces images rendent avec force la puissance d’une foule urbaine en mouvement ainsi que sa fragilité, son effacement.
Une comparaison avec un fleuve tumultueux aux eaux lourdes et boueuses, dont seul le flot dangereux est manifesté par le flouté de son écoulement devant la chambre photographique, permet de mieux approcher la singularité du regard du photographe qui traite cette réalité urbaine comme si c’était un paysage urbain mental. Un retour de cet effet de Masse, composée de corps anonymes mais aussi de compatriotes, rappellent les enfers de Dante, la prééminence des puissances élémentaires – la foule comme fleuve – dans une sorte d’organiciste singulière, voire picturale, mieux littéraire et poétique. Le style très personnel d’Alexey Titarenko lui a été inspiré par les contraintes techniques de la photographie française du XIXe siècle. Saint-Petersbourg domine son oeuvre mais il a aussi travaillé à Venise et à La Havane, des villes dont l’atmosphère historique intensifie le caractère intemporel de ses images. IL s’en explique ici :
Les fantômes sont inscrits dans les rues de ces pays au passé glorieux, parfois communiste, souvent grandiose. Que reste-t-il de ces soulèvements de masse? Des ombres en errance, comme traitée à la lueur pale de cette lumière intérieure envahie par la mélancolie, celle d’une défaite au fond de tout humanisme quand il est pris à parti par un système devenu répressif étouffant toute pensée, tout acte généreux et vivant, personnel, jugé “dangereux” par le pouvoir. Cette instance mobilise le récit qui se construit de photographie en photographie et fait apparaître dans la pénombre de l’image cette disharmonie lancinante qui conduit au silence, à la mort. Alexey Titarenko veille au pays des morts vivants, scrute les mouvements des passants et des foules, s’approchent du silence et pleure la disparition de la grandeur du peuple russe, ravalé au ras d’esclave stupide, hébété, appauvri, ivre du mal de vivre et d’alcool.

D’où vient que son oeuvre touche au coeur, si ce n’est par le détour romanesque de ces ombres en lien avec la “grande littérature russe” et les reliefs d’un temps dépourvu d’espoirs….

Josef Koudelka, Invasion Prague 1968

Exposition de Josef Koudelka


Présentation de l’exposition de Josef Koudelka par Cyril Drouhet

1968, Josef Koudelka a trente ans. Il vient de consacrer six années à photographier les Gitans et l’univers du théâtre, mais n’a encore jamais couvert de faits d’actualité. Le Printemps de Prague lui en donne l’occasion. Dans la nuit du 21 août, les chars du pacte de Varsovie pénètrent dans la capitale tchécoslovaque. Rentré la veille de Roumanie, il photographie les événements et parvient à faire sortir ses images du pays. Elles trouvent refuge à New York et, un an plus tard, Magnum Photos diffuse son reportage en attribuant les images à un auteur anonyme pour protéger Koudelka, ce qui n’empêche pas ce dernier de recevoir le prix Robert Capa. Il ne reconnaîtra la paternité de ces images que 16 ans plus tard, une fois dissipée la menace qui pesait sur sa famille et après la mort de son père. 2019, cinquante ans ont passé depuis le Printemps de Prague et Josef Koudelka a depuis exhumé quelques 250 photographies poignantes de cet événement. Photographies parues dans l’ouvrage Invasion Prague 68 publié en 12 langues à l’occasion du 40e anniversaire du Printemps de Prague. Un témoignage sur la résilience des peuples, toujours d’actualité ; un hymne à la résistance et à ceux qui refusent l’oppression.
Une sélection exceptionnelle, inédite en France et élaborée par l’auteur sera présentée lors de cette édition du Festival Photo la Gacilly.…

Alexander Gronsky, Paysages Urbains

Exposition de Alexander Gronsky


Présentation de l’exposition d’Alexander Gronsky par Cyril Drouhet

Se définissant lui-même comme un photographe de « paysages », Alexander Gronsky, originaire d’Estonie, ne manque pourtant pas de raconter des histoires dans ses travaux. Celles de vies isolées et silencieuses.
En jouant avec les perspectives, son sens de la composition et sa maîtrise des lumières lui permettent de rapprocher ses images de la peinture traditionnelle russe. Comme dans sa série Reconstruction, où il revisite les codes de la peinture guerrière en photographiant des amateurs lors des scènes de reconstitutions militaires – et ainsi recompose de grandes batailles historiques. Son autre série, The Edge, se focalise sur l’enneigement à Moscou et offre une réflexion sur l’isolement de l’être humain au sein d’un environnement urbain.

Rendez-vous demain, vendredi 12 juillet 2019, pour la suite de notre article… >>>

Retrouvez toutes les expositions thématiques À l’Est à nouveau : https://www.festivalphoto-lagacilly.com/thematiques/lest-du-nouveau

INFORMATIONS PRATIQUES

sam01jui10 h 00 minlun30sep(sep 30)19 h 00 minFestival La Gacilly Photo OrganisateurAssociation Festival Photo La Gacilly

A LIRE :
La Gacilly, La Terre en Questions (Partie 1/3)
La Gacilly, La Terre en Questions (Partie 2/3)
La Gacilly, La Terre en Questions (Partie 3/3) Focus sur les expositions
La Terre au cœur de la prochaine édition du festival photo La Gacilly
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Le Festival Photo La Gacilly ouvre ses portes à la photographie émergente

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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