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Planche(s) Contact – Deauville 2019 : La Fabrique Warholienne des rêves 2/2

Temps de lecture estimé : 8mins

Retrouvez la suite de notre article publié hier sur le festival Planche contact de Deauville. Sous la magique présence de Sarah Moon, sa présidente, dixième édition, on se dit qu’au-delà de la programmation de sa directrice artistique Laura Serani et de la volonté de son Maire Philippe Augier (secondé par Philippe Normand) ce festival ambitieux vient de gagner tous ses paris, notamment en étendant son champ d’action et sa zone d’influence, gagnant plus de territoires. Question centrale de la périphérie et du centre en Deauville, une force centrifuge s’exerce. Dix ans de croissances et de rayonnements interrogent cette soif inextinguible de productions, de réussites.

Gregory Dargent, série L’échappée . la plage de Deauville © Pascal Therme

D’autres travaux rejoignent cette permanence de la question identitaire en faisant jouer le souvenir d’un évènement passé, Gregory Dargent, dans L’ Échappée, recherche  les ombres que son jeune couple avait laissé derrière lui, des années auparavant, dans un noir et blanc granuleux, nuances matinées de gris, chair du temps qui a fui et qui inscrit cette mémoire dans son grain, devenu organique.Il est aussi ici question de corps, de cieux lourds de pluie, de nuit laiteuse, de plage déserte et abandonnée, ouverte sur l’espace poétique d’une photographie éclairée de l’intérieur, habitée d’un chant obscur et noir, faisant joué cette intensité du songe de la nuit, quand tout s’est dit et que se tient encore tout du monde passé, dans ces aveux dont la puissance d’aimer n’est plus au final due au passage du temps. Gregory est exposé dans la section Tremplin Jeunes talents avec 4 autres photographes dont Jean-Charles Remicourt-Marie, Abdoulaye Barry, Julia Vogelweith.

Chau Cuong Lê, série lauréate Staring at the sea,standing on the beach © Pascal Therme

Le prix de cette section a été attribué à Chau Cuong Lê, pour une série sur l’adolescence, où se parlent ses propres souvenirs. Le sujet assez conventionnel  a été traité en noir et blanc et en couleur dans une double intention documentaire et formelle, esthétique, inspirée par le cinéma de Jarmush et de Gus Van Sant dont il se revendique, contaminé au demeurant par une esthétique assez”mode”. L’accrochage très soigné permet une lecture où l’association de différents “plans” fait émerger une continuité de point de vues assez ouvertes sur les corps et les visages dans un dialogue constant avec son propre statut de photographe cinéaste, réglant ceux-ci dans l’action, ou l’être là de ces adolescents dont il a fait ses personnages. Si la série connait une vraie belle mise en scénographie et en situation, tant elle semble glisser sur ce sable où la lumière digère les visages et les corps.

Jean Charles Remicourt-Marie, série Je voulais enfermer la brume

Dans Je voulais enfermer la brume, Jean-Charles Remicourt-Marie expose des valises qu’il a lui même fabriquées, de celles que l’on trimballe quand on bourlingue  de part le monde et qui s’ouvrent pour faire apparaître un beau Noir et blanc dont l’inspiration est clairement surréaliste, théâtral, intrinsèquement littéraire. On y croise surtout des présences qui interrogent parce qu’elles sont issues d’un imaginaire qui ne montre pas mais qui suggère des récits, petits romans, heures des passages et des initiations secrètes, jeux avec le feu d’une post adolescence en proie au somnanbulisme, à l’intrigue, au mystère. Ici un  jeu d’échecs,  là, un beau jeune homme allongé sur un canapé de prix, en smoking et chemise blanche, les yeux bandés semble rêver tout haut, ou souffrir silencieusement tel un jeune Werther.  Cette photographie dans son intention fait secret et texte, mais se rattache assez magiquement aux Maîtres du genre, De Breton à Man Ray.

En Deauville, un miroir complexe s’est constitué travers une mosaïque de portraits de la ville, signatures prestigieuses, échos visuels des résidences, joies singulières de ces moments choisis, pépiements de roi. Cette dixième édition livre ici une sélection qui ne démérite pas et qui concentre un regard d’un au delà du temps.
Le procès du temps est constamment questionné en Deauville par son festival, temps de la mémoire, du souvenir creusé par le cinéma, du lieu où se forgent de nouvelles mythologies, de nouveaux reflets; il y a là quelque chose d’un Holly Wood renaissant, une forme de fabrique wharolienne du rêve de Deauville comme une conquête des territoires futurs toujours en projection… c’est ce qui rend le festival , humainement assez poignant, brûlant presque…..et lui confère cette énergie pionnière victorieuse, comme une soif inextinguible; une passion dévore la ville et l’accorde, autant en cette folie de photographies qu’en cette passion du succès.

Riverboom, , Et au milieu coule une rivière, © Pascal Therme

Le collectif Riverboom s’éprend quand à lui dans sa série et au milieu coule une rivière de la compétition ouverte entre Deauville et Trouville, parodiant dans un humour assez corrosif, ces deux façons d’être au monde, logiques de lieux, pertinences des images montrées toujours par thème et par deux. Un mur toujours sépare les voisins, thématique largement éprouvée par tous et quasi universelle.

Deauville cherche à renaitre éternellement comme un phénix, produisant sans cesse intensément, se retournant dans une sorte de quête permanente, séductions, identité plurielle en retour, voulues par ces images miroirs, infini des soleils qui la placent au centre d’elle même, comme un obscur objet du désir aurait écrit Bunuel.
Un Art du Voir se prolonge dans l’Écoute et l’Agir, et sait traduire la vision  de ses reflets à travers les miroirs de la création, répondant inconsciemment à la question d’une identité “organique” et visuelle au prétexte d’ une image de la ville fichée en son vouloir être toujours nouvelle, renaissance des renaissances, miroir qui se regarde dans un miroir, et qui multiplie les oeuvres, les preuves de ses aperçus….une pluie d’images, de photographies en résulte, propre à former ce fond photographique riche déjà de plus de huit cent oeuvres….
C’est dire la fièvre contagieuse qui a gagné les faubourgs, envahi la nuit, dissout le temps dans l’interstice magique de cette 25 ème heure au moment  du changement d’heure,  un concours de photographies, superbement doté , comme une trainée de poudre où s’allument les regards, le rêve fondé du festival s’empare des deauvillais…prolongeant les bras du festival hors les murs, dans les écoles, les rues. Ainsi va le sel de cette vie toujours en expansion, toujours conquérante.

Rénovations dans le couvent des Franciscaines, nouvel écrin du futur musée de Deauville © Pascal Therme

Et pour que se vivent ces passions de l’image, toutes ces productions en sont référantes quoiqu’il en soit, un trésor s’accumule. il faut pouvoir nourrir le rêve et le faire croitre, le rendre social, le proposer en partage à tous. Le futur Musée de Deauville en est un must avec Les Franciscaines,  futur bateau amiral, ancien couvent rénové, où se concentreront toutes ces fonctions du Musée, de la médiathèque et d’une salle de concert polyvalente, dans une architecture claire et ouverte, conviviale. Dans un des plus anciens bâtiments de la ville, un haut lieux muséal moderne totalement fonctionnel sera dédié à  toutes ses missions patrimoniales, éducatives, un lieu tourné vers un public averti. Un programme de prêt avec le Louvre est à l’étude, c’est dire l’ampleur du rêve en train de se forger… sa puissance pour une ville  qui, finalement ne cesse de cumuler avec maestria semble t il, tous les financements …enlevant tous ses challenge.
Le festival a fêté les 30 ans des éditions Filigranes Patrick Le Bescont, presque 700 ouvrages parus, et quels livres…

Laura Serrani et Alisa Resnik sur le perron dela Chatonnière pour Low Season © Pascal Therme

La conclusion revient à Laura Serani:

<<< Retrouvez la première partie de cet article :
https://www.9lives-magazine.com/58178/2019/11/11/planches-contact-deauville-2019-la-fabrique-wharolienne-des-reves-1-2/

A LIRE :
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Carte blanche à Laura Serani : Le Festival Planche(s) Contact de Deauville 1/3
Carte blanche à Laura Serani : Le Festival Planche(s) Contact de Deauville 2/3
Carte blanche à Laura Serani : Le Festival Planche(s) Contact de Deauville 3/3

INFORMATIONS PRATIQUES

sam19oct(oct 19)10 h 00 min2020dim05jan(jan 5)19 h 00 minFestival PLANCHE(S) CONTACT 2019Festival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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