L'Invité·ePhoto

Carte blanche à Michel Poivert : Christophe Bourguedieu, back to Mulhouse

Temps de lecture estimé : 4mins

Tout au long de la semaine, notre invité l’historien, critique et commissaire d’exposition, Michel Poivert est revenu sur des actualités qui se sont vues bouleversées par la crise sanitaire. Dans sa quatrième et dernière carte blanche, il nous parle de la Biennale Photo de Mulhouse qui accueille Christophe Bourguedieu en résidence. Manifestation qui aura finalement lieu à l’automne prochain et dont l’exposition se déroulera à la galerie de la Filature.

Repoussée en partie au mois de septembre-octobre, la Biennale Photo de Mulhouse aura bien lieu, l’artiste en résidence cette année est Christophe Bourguedieu avec qui j’entretiens de longue date une relation d’échange. C’est d’ailleurs à Mulhouse que j’ai rencontré Christophe pour la première fois, il exposait à La Filature déjà en 2002.

Extrait de notre entretien dont une partie sera publiée dans la revue NOVO, numéro spécial consacré à la Biennale Photo de Mulhouse, revue dirigée par Philippe Schweyer.

M.P – Revenons sur les références répétées au cinéma, aux cinéastes. C’est bien de « plans » dont tu parles et l’image étendue qu’ils contiennent, je me demande, pure curiosité, comment tu regardes les films (extraits répétés, visionnage complet, souvenir entretenus, photos de plateau, etc. ), et s’il n’y a pas dans ta photo  cette quête de l’image suspendue, extraire d’un continuum, quelque chose de tenu en raison même du fait que l’image est un « still » (film still, video still, still life…) ?

C. B – Ces « intuitions » ne valent que dans un cadre qui a été pensé avant, sinon elles ne relèvent que d’une complaisance à la limite de la pensée magique. Je dis en général que je rêve mes sujets, ce qui signifie que je laisse les premières idées flotter et qu’elles appellent d’elles-mêmes des réminiscences ou des références. C’est un mouvement d’abandon et de maîtrise classique au moment d’embrayer sur un projet. Nous parlions du cinéma, mais il y aurait aussi la musique ou la littérature, qui m’aident peut-être plus à définir les images à venir. Au hasard, prenons deux livres, Moins que zéro (Ellis) et Bruit de fond (DeLillo). Longtemps après les avoir lus, je garde en tête leur expressivité particulière, tenant à une certaine précision de l’énonciation, à une manière détachée de poser des faits qui produit une puissance de très basse intensité, un flottement hyperréaliste. Cette texture de l’écriture m’aide à envisager celle des images. C’est une relation d’équivalences qui définit du même coup empiriquement de possibles structures, sans les fixer.
Curieusement, le cinéma vient plutôt au moment de voir les photos existantes. Les références éclairent ce qui a été produit et permettent de penser la suite. Elles ne sont pas nécessairement nobles, ni même très intimes. Il y a les films que j’aime (que je regarde toujours dans leur durée, aussi rarement que possible pour ne pas en épuiser le pouvoir), et d’autres qui relèvent plus de la curiosité et dont me frappent un détail ou une qualité spécifique, hors de toute question de goût ou même de jugement moral. Et puis il y a les images elles-mêmes. Ces dernières années, je retrouve un plaisir à observer le travail des chefs opérateurs des années 70, des types aux compétences techniques très sophistiquées qui savaient aussi creuser les zones les plus sombres de l’image (« le pied de courbe » !) dans les extrêmes limites du support. Il se joue dans cet usage de la lumière naturelle une vibration quasi sacrée que je regarde avec la même mélancolie que celle qui nous saisit face à ce qu’on appelle aujourd’hui « l’argentique ». J’y vois une langue presque morte, dont j’ai le sentiment de prolonger l’usage. Il se trouve aussi que je pense souvent aux promesses de la matière numérique, sans pour autant savoir que conclure de tout ceci.

INFORMATIONS PRATIQUES

mar01sep0 h 00 minsam31oct(oct 31)0 h 00 min4ème édition de BPM - Biennale Photo de MulhouseThis is the End

sam22aou(aou 22)11 h 00 mindim13sep(sep 13)18 h 30 minChristophe BourguedieuGalerie de La Filature, 20 allée Nathan Katz 68100 Mulhouse

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e