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Rencontre avec Vincent Gouriou, lauréat de la Bourse du Talent Portrait 2016

Temps de lecture estimé : 6mins

L’exposition de la Bourse du Talent 2016 est présentée à la Bnf jusqu’au 26 mars prochain avec le soutien de Picto Foundation. Chaque semaine, nous vous donnons rendez-vous pour découvrir les travaux des photographes exposés. Aujourd’hui retrouvez l’interview de Vincent Gouriou, lauréat de la Bourse du Talent Portrait.

9 lives : Vous êtes le lauréat de la Bourse du Talent sur le thème du portrait avec la série « Des Familles », pouvez-vous nous présenter ce travail ?

Vincent Gouriou : Après un travail sur la différence individuelle intitulé « Singularités », les rencontres que j’ai faites m’ont amené à questionner cette différence dans un cadre plus large : celui de la famille. Qu’est-ce que la famille aujourd’hui ? Peut-on encore se cantonner à la voir comme « un groupe formé par le père, la mère et leurs enfants » ? La famille et ce qu’elle représente est en constante évolution et progresse chaque jour un peu plus en s’ouvrant à de nouveaux modèles. J’ai cherché à montrer les variantes possibles d’une famille sans vouloir dresser un état des lieux ou une cartographie objective, ces images présentées ici sont issues d’amitiés et de rencontres que j’ai faites jusqu’à présent, en Bretagne.

Je me suis notamment intéressé à un couple d’hommes vivant dans le centre-Bretagne, une jeune fille en réassignation sexuelle qui pose avec sa famille et son petit ami, un couple de femmes et leurs jumeaux, un couple de personnes transgenres, deux jumelles vivant ensemble, une mère divorcée et ses deux enfants, un couple de femmes sortant toute les deux d’un mariage hétérosexuel …

9 lives : Pourquoi avez-vous souhaité participer à la Bourse du Talent ? Quels types de besoin rencontrent les jeunes photographes aujourd’hui et particulièrement dans le domaine du portrait ?

V. G. : La Bourse du talent est connue et reconnue depuis presque 20 ans et a permis l’émergence de nombreux photographes. L’exposition à la BnF offre une belle visibilité aux photographes. Ma participation en 2013 avec ma série intitulée « Singularité(s) », m’avait déjà permis d’être exposé en tant que « coup de cœur ». Cette fois-ci en tant que Lauréat, la visibilité est encore plus grande. En tant que photographe émergent, c’est important de montrer, de faire connaître son travail et de le confronter aux regards d’un large public. L’exposition et le vernissage à la BnF peut être l’occasion de rencontrer différentes personnes : galeristes, collectionneurs, presse ou d’autres photographes ;  de se faire remarquer pour des publications de son travail d’auteur ou des commandes (pour la presse entre autres). Cela apporte également de la crédibilité pour rechercher des projets de résidences, de bourses ou encore d’éditions.  Habitant à Brest, ce prix m’a permis de me faire remarquer à un niveau plus local, notamment grâce à un article en quatrième de couverture du Télégramme diffusé dans toute la Bretagne.

M : Les lauréats sont exposés à la Bibliothèque nationale de France et un ouvrage vient d’être édité aux éditions Delpire, comment vivez-vous cette expérience depuis votre nomination ?

V. G. : C’est la première fois que je gagne un premier prix, je suis très honoré d’être lauréat de la « Bourse du talent » dans la catégorie « Portrait » ; cette récompense attribuée par un jury de professionnels que j’admire et qui ont choisi mon travail m’encourage à continuer. De plus, je n’ai jamais édité de livre, alors c’est aussi une réelle opportunité de pouvoir présenter mon travail  dans une édition collective chez Delpire. Enfin, c’est une belle reconnaissance de savoir que mes images vont rentrer dans la collection de la BnF et ainsi faire partie des archives nationales.

Je suis également très heureux que ces histoires individuelles et singulières de la série « famille(s) » aillent à la rencontre d’un public important. C’est un travail qui a été influencé par les évènements des dernières années en particulier lors des débats relatifs au « mariage pour tous » qui ont été d’une grande violence pour toute la communauté LGBTIQ (lesbien, gay, bisexuel, transgenre, intersexe ou queer). La visibilité, la connaissance et l’empathie est essentielle pour améliorer la tolérance. J’ai tissé, avec les personnes et familles que je photographie et qui me laissent entrer dans leur intimité, des liens d’amitiés et de confiance ; je pense, ou du moins j’espère, que cette visibilité représente pour elles une façon de se sentir acceptées et reconnues. La jeune femme transgenre Mélanie, que je photographie depuis plusieurs années, me disait récemment à quel point ce projet photographique lui avait procuré « un bien fou » : elle était heureuse de savoir que son histoire « touchait et sensibilisait les gens aux problèmes rencontrés aujourd‘hui par les personnes Trans » et autres membres de cette communauté.

Ce travail est pour moi, au-delà de l’expression artistique, un engagement personnel lié à ma propre identité qui me paraît de plus en plus essentiel dans l’évolution de ma démarche.

M : La Bourse du Talent a fêté ses 18 ans d’existence, elle a primé 68 lauréats depuis sa création. Parmi ce palmarès y a t-il des photographes ou des sujets qui vous ont particulièrement marqué ?

V. G. : Il y en a beaucoup ! Marion Poussier, Lucie et Simon, Nolwenn Brod, Elisabeth Schneider et plus récemment Sandra Mehl … Je pourrais en citer beaucoup d’autres …

M : Quels sont vos projets aujourd’hui ?

V. G. : Je continue de photographier les personnes de la série sur les familles comme Mélanie qui est en transition de genre (homme vers femme), j’aime l’idée de photographier sur du long terme les mêmes personnes, je suis fasciné par le travail de Nicholas Nixon : « Les sœurs Brown ». Par ailleurs, j’ai réalisé la plupart de mes travaux personnels en Bretagne où je vis ; j’aimerais sortir de ma zone de confort et partir dans un pays étranger poursuivre mon travail sur le genre et l’identité, à l’aide bourses ou de résidences …

J’ai plusieurs projets d’expositions, je suis très heureux de présenter mon travail aux prochaines Estivales Photographiques du Trégor à la galerie « L’Imagerie » de Lannion (Côtes-d’Armor) du 24 juin au 29 septembre 2017.

Enfin, je n’ai encore jamais eu l’occasion de publier mon travail, c’est également un de mes projets …

http://vincentgouriou.com

EXPOSITIONS
• Bourse du Talent – Edition 2016
Du 15 décembre 2016 au 26 mars 2017
BnF – Site François-Mitterrand
Allée Julien Cain
Quai François-Mauriac
75706 Paris Cedex 13
Du mardi au samedi de 9h à 20h
dimanche de 13h à 19h
lundi de 14h à 20h
Fermé les jours fériés
Entrée libre
http://www.bnf.fr
http://www.picto.fr/pictofoundation/

 

LIVRE
Identités à venir
Bourse du Talent 2016
Editions Delpire
ISBN : 979-10-95821-05-2
22€
http://www.delpire-editeur.fr

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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