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Cette année, la foire Photo London célèbre sa neuvième édition. Pour cette occasion, la manifestation dédiée aux passionnés de photographie et aux collectionneurs accueillera une centaine d’exposants, en plein cœur de la capitale, à la Somerset House du 16 au 19 mai prochain. Le directeur de la foire, Kamiar Maleki, a annoncé la liste des participants et les événements proposés lors de cette édition 2024. Une édition qui met en avant les femmes photographes et les découvertes grâce au secteur dédié curaté par Charlotte Jansen.

Une traversée dans l’histoire de la photographie

Les œuvres exposées s’étendent sur une période allant des années 1840 à aujourd’hui. Les photographies historiques les plus anciennes, réalisées par les pionniers britanniques du médium (1840-1860), sont présentées par Robert Hershkowitz, en complément au programme public qu’il organise, « The Magic Art of French Calotype ». Chez Roland Belgrave Vintage Photography, on peut voir un ensemble rare de tirages argentiques illustrant la mode du début du XIXe siècle, et transcendant toutes les époques et tous les styles.

Joseph Rodriguez, Night Scene, Spanish Harlem NY, 1988. Avec l’aimable autorisation de la Galerie Bene Taschen

En ce qui concerne le XXe siècle, on peut retenir les stands et expositions suivants :
– Zander Galerie (Cologne, Paris) : images inédites en couleur des années 1950 réalisées par la légende photographe new-yorkaise Helen Levitt.
– Lee Miller Archives : photographies d’après-guerre de Lee Miller prises chez elle dans le Sussex, à Farleys (qui commémore, cette année, son 75e anniversaire du jour où Miller s’y était installée.)
– Photon Gallery : scènes de la vie en Europe de l’Est sous le rideau de fer, notamment des photographies argentiques rares des célèbres maîtres de la photographie tchèque Jaromir Funke et Jaroslav Rössler.
– Persons Projects : tirages d’archives de Grey Crawford des années 1970, présentés en dialogue avec des œuvres de plusieurs générations d’artistes de l’école d’Helsinki influencés par le photographe.
– Galerie Bene Taschen : scènes de la vie new-yorkaise à la fin des années 1970 dans l’objectif d’Arlene Gottfried, Joseph Rodriguez et Miron Zownir.
– Ira Stehmann Fine Art : photographies de mode de Steven Meisel et Max Vadukul.

Omar Victor Diop et Lee Shulman, « Being There 01 », 2023, extrait de The Anonymous Project
© Omar Victor Diop et Lee Shulman, The Anonymous Project. Avec l’aimable autorisation des galeries BINOME &
MAGNIN-A

À mi-chemin entre l’historique et le contemporain, la série « Being There » (2023), présentée par la Galerie Binome / Magnin-A, est une rencontre entre Lee Shulman, créateur de The Anonymous Project et l’autoportraitiste sénégalais Omar Victor Diop, qui se glisse dans les photographies de sa collection de diapositives vernaculaires documentant la société des Trente Glorieuses.

Parmi les œuvres contemporaines repoussant les frontières du médium, on peut citer les travaux photoréalistes en 3D de Giuseppe Lo Schiavo, hybrides du monde réel et virtuel qui font l’objet d’une exposition personnelle chez Spazio Nuovo. Quant à l’Open Doors Gallery, elle présente la dernière série de Sander Coer, « POST » (2023), qui utilise des images générées par l’IA pour explorer l’intersection des souvenirs et des perceptions, avec une tendresse qui jette un éclairage nouveau sur la masculinité.

L’une des grands atouts de la Foire de cette année est le nombre de galeries présentant des expositions personnelles, et en particulier celles mettant à l’honneur les femmes photographes contemporaines. Mentionnons, notamment, les tirages argentiques de Jacquie Maria Wessels exposées par la Galerie Baudelaire ; les images de Lydia Goldblatt sur le stand de Robert Morat, exploitant avec lyrisme la lumière, le temps et la surface pour exprimer les émotions liées à l’impermanence des choses ; le travail de Florence Di Benedetto chez Podbielski Contemporary ; la première exposition de Johnny Mae Hauser au Royaume-Uni sur le stand de la Homecoming Gallery, et enfin Siân Davey, qui présente une installation basée sur son projet « The Garden » (2021-2023) sélectionné pour le Prix Pictet chez Trolley Books / Michael Hoppen Gallery.

Parmi les expositions personnelles de photographes masculins, citons celle des œuvres de David Bailey organisée par Camera Eye, ou encore les photographies mystérieuses de Michael Kenna sur le stand de la galerie Peter Fetterman, souvent réalisées à l’aube ou dans ces heures de la nuit où la lumière est la plus malléable, avec une exposition longue enregistrant des détails que l’œil humain ne peut percevoir.

Sergen Sehitoglu, ‘GSV2’, 2016. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de SANATORIUM

La photographie turque fait son entrée à la Foire grâce au concours de la Turkish Bank, qui a rendu possible la présence des galeries DIRIMART, Galeri Nev Istanbul, GALERIST, March Art Project, SANATORIUM, Versus Art Project et Vision Art Platform.

Au nombre des nouveaux exposants figurent notamment Camera Eye, Cierra Britton Gallery, Gyldenpris Kunsthall, Leila Heller Gallery et Persiehl & Heine. Ces galeries qui nous viennent d’Amsterdam, d’Anvers, de Bergen, de Berlin, de Budapest, de Copenhague, d’Édimbourg, de Hambourg, d’Istanbul, de Lisbonne, de Londres, de Los Angeles, de Munich, de New York, de Palma, de Paris, de Reykjavik, de Tel Aviv, de Tokyo et de Zürich représentent environ 30% des stands de la Foire 2024.

Flor Garduño, ‘Papalote’, Mexique. 1986.Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Galerie Sophie Scheidecker.

Parmi les autres galeries dont nous saluons le retour à la foire, il faut mentionner BILDHALLE, Camera Work Gallery, Crane Kalman Brighton, Fabrik Projects, Flowers Gallery, Écho 119, Nathalie Obadia (présentant des œuvres de Valérie Belin, lauréate du Master of Photography), Olivier Waltman, Peter Sillem, Sophie Scheidecker, GBS Fine Art, Iconic Images Gallery, Messums, inside-out, Peter Fetterman Gallery, Purdy Hicks Gallery, Roland Belgrave, The Empty Circle, The Music Photo Gallery et 29 ARTS IN PROGRESS.

Section Découverte

Cette année, la célèbre écrivaine et commissaire d’exposition Charlotte Jansen a été désignée comme commissaire de la section Découverte de Photo London, conçue pour faire connaître les meilleurs photographes et galeries émergents. Soulignant l’importance de cette section de la Foire, Jansen déclare : « Un facteur vital pour un tel événement est d’avoir un espace où se rencontrent différents types de projets en dehors du modèle conventionnel des galeries, ainsi que différentes visions de la photographie et de la manière dont elle pourrait être présentée. Dans l’ensemble, cette année, vous remarquerez une majorité d’artistes de tous âges qui ont longtemps été négligés par le monde de l’art et de la photographie et se consacrent, dans leur pratique, à remettre en question les perspectives dominantes et à s’interroger profondément sur les leurs. Nous privilégions les projets à long terme, contestant l’idée selon laquelle la photographie se résume à ‘viser-déclencher’. Nous voulons mettre en évidence le pouvoir constant de la photographie à saisir l’essence des communautés et à leur permettre de s’exprimer. »

Jacob Lillis, « Flowers & Cars », 2015. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Palm Studios, Londres

Andi Galdi Vinko, auteur du livre primé intitulé Sorry I Disappeared I Gave Birth But Now I’m Back expose un nouveau projet collaboratif sur l’urgence climatique et la parentalité, sur le stand de Deák Erika Galéria. La galerie Cierra Britton présente deux artistes hors pair, Kennedi Carter et Satchel Lee, qui explorent la photographie de portrait en tant qu’acte de revendication des corps noirs. Palm* Studios, qui décerne tous les deux ans le célèbre Palm Photo Prize, expose les œuvres de trois artistes : Caroline Tompkins, Lola & Pani (avec un projet sur les adolescents du monde entier) et le photographe d’art et de mode Jacob Lillis, connu pour sa collaboration avec Simone Rocha, mais qui a su également capturer les paysages britanniques.

Koop Projects présente un stand consacré aux femmes artistes africaines qui ont exploré des fractures personnelles et politiques à travers leurs histoires familiales, leurs récits folkloriques et leurs archives imaginaires, notamment Senzeni Marasela, l’une des artistes les plus célèbres travaillant sur le continent de nos jours. Elle a représenté l’Afrique du Sud à la Biennale de Venise en 2015, et son travail sera exposé à la Foire aux côtés de photographies de Tshepiso Maroposa, Maheder Haileselassie et Yassmin Forte.

Le jeune artiste photographe de mode basé à Accra, Kweku Yeboah, fera une exposition solo sur le stand de la Bright Gallery, explorant la masculinité et le genre queer du point de vue d’un ghanéen.

Les artistes norvégiennes Tonje Birkeland et Maria Pasenau sont exposées ensemble. Elles sont toutes deux soucieuses d’élaborer leurs propres mondes à travers la photographie performative d’autoportraits, mais avec des approches très différentes : Birkeland a construit et chorégraphié minutieusement son projet intitulé « Characters », parcourant la montagne, réalisant des costumes particulièrement recherchés et utilisant des appareils photo d’époque, afin de combler les lacunes de l’histoire norvégienne, dont le corps des femmes est exclu. Pasenau, quant à elle, est connue pour les autoportraits spontanés et humoristiques qu’elle improvise.

Parallèlement, sur le stand d’Alta Vista (Los Angeles), JK Lavin exposera un projet d’autoportrait épique et révolutionnaire s’étendant sur huit ans, « Crisis of Experience », réalisé durant une période difficile de sa vie personnelle entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Ces polaroïds n’avaient jamais encore été présentés au Royaume-Uni.

C’est également la première fois que l’on pourra voir le projet de longue haleine d’une artiste allemande inconnue, Birgit Glatzel, intitulé « Friends of Friends of Friends », qu’elle a commencé en 1998. Pour le réaliser, Glatzel a parcouru le monde, photographiant des amis d’amis d’amis (comme le titre l’indique), ce qui a généré des rencontres surprenantes et profondément émouvantes qu’elle a enregistrées dans ses images.

Gina Cross Projects présente un groupe de quatre photographes abstraites britanniques explorant la couleur et les procédés techniques de la photographie, Kate Banzai, Jo Bradford, Gina Cross et Christine Wilkinson. Agées de cinquante à soixante-dix ans, elles ont toutes les quatre étés négligées par la scène photographique masculine, mais leur engagement profond dans la photographie expérimentale repousse considérablement les limites du médium.

L’artiste taïwanaise Mia Liu, exposée sur le stand de UP Gallery, utilise également la photographie comme matériau, et sa démarche est fascinante : elle photographie des objets, ici et là, réalise des tirages dans la chambre noire, puis déchiquette la gélatine argentique afin de créer des sculptures photographiques. Quant à Vivian Galban, présentée par Rolf Art (Argentine), elle construira une camera obscura dans la section Découverte, où les visiteurs pourront se faire prendre en photo. Leurs portraits (qui leur seront transmis par fichiers numériques) participeront au travail de la photographe en enrichissant ses archives en cours.

INFOS PRATIQUES
Photo London
Du 16 au 19 mai 2024
Somerset House
Strand, London, WC2R 1LA
https://photolondon.org/

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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