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Sélection de Livres Photo par les libraires : Le choix de Clément Kauter (Plac’art photo)

Temps de lecture estimé : 5mins

Ce mois-ci, nous vous proposons chaque semaine, le choix du libraire. Ouvrages coup de coeur, les immanquables à avoir absolument dans sa bibliothèque, idées cadeaux pour Noël ? … Aujourd’hui, c’est Clément Kauter de la petite librairie parisienne « Plac’art photo », qui partage avec nous les livres qui l’ont touché.

Klavdij Sluban
Divagation – sur les pas de Basho
(The (M) Editions)

Dans Divagation – sur les pas de Basho, le photographe Klavdij Sluban a suivi les traces du poète Matsuo Bashô et son voyage initiatique entreprit dans le Japon du XVIIème siècle. Trois carnets réunis dans un étui composent les étapes visuelles créées par le photographe dans un poétique noir et blanc : des paysages enneigés et diaphanes, qui possèdent une forme d’abstraction, une architecture aux contours géométriques, ou encore des visages d’hommes et de femmes. Ce livre de photographie, publié dans un petit tirage, au design aérien, est empreint d’images épurées et délicates, à l’instar des haïkus qui ont fait la réputation de Matsuo Bashô.

Emi Anrakuji
Misho
(Shinto Co)

Emi Anrakuji analyse dans Misho son corps à l’image, sous toutes les coutures, dans d’inventifs plans, des poses tour à tour ludiques ou érotiques, où le nu apparait comme un moyen pour la photographe japonaise d’ausculter le corps humain, agit comme une introspection, faite à travers une main, une silhouette, un sexe de femme caché ou ouvertement dévoilé. Réalisé avec une encre photo luminescente qui devient fluorescente plongée dans le noir après une longue exposition à la lumière, ce livre de photographie dévoile un labyrinthe sensuel de corps en exploration de lui-même, dans des contrastes tranchés de noir et blanc.

Clement Krass
Dublin
(RRB Publishing)

Après son ouvrage de référence Drum (1996), dans lequel Clément Krass saisissait la vie d’un pub au cours d’une soirée, le photographe danois offre une nouvelle balade irlandaise, dans la capitale cette fois, Dublin, avec des images réalisées à la même époque, il y a 25 ans. On retrouve une part de l’atmosphère de solitude et d’errance présente dans Drum, tandis que Krass prend le pouls de la ville, photographiant ses rues, ses habitants et ses devantures, dans un noir et blanc profond et mélancolique.

Constantin Schlachter
La Trajectoire du Gyrovague
(Auto-publié)

« Le Gyrovague, cercle vagabond, sera le guide silencieux d’un monde où les mots s’effacent. » écrit Constantin Schlachter. Cet intriguant mot, « gyrovague », faisant référence à des moines errants sans résidences ni dogmes qui observaient des retraites solitaires et entretenaient un lien très profond avec la nature à l’ère du Christianisme, a inspiré le photographe pour son premier livre, dont les images se parcourent comme un paysage mental. La matière est au coeur de ce monde visuel sibyllin, composé d’éléments organiques, de minéraux, de grottes et de cavernes d’un temps très ancien qui absorbent l’oeil.

Stephen Gill
Night Procession
(Nobody books)

Ce « cortège de nuit » qui est le sujet du dernier travail de Stephen Gill, et lui donne son titre, suit la vie nocturne de la faune d’une forêt de Suède, pays où le photographe anglais s’est récemment établi : empreintes d’animaux, traces de végétaux, champignons, cervidés,.. Fasciné par ces créatures qui organisent leur vie dans l’obscurité, Stephen Gill a placé dans la forêt des appareils photographiques qui détectent le mouvement. Le résultat est une invite à la découverte d’une nature secrète et un parcours d’images sensibles et mystérieuses.

Sandrine Lopez
Moshé
(L’Editeur du dimanche)

Dans son premier livre Moshé, Sandrine Lopez fait le portrait d’un vieux rabbin, Moshé, suivant un rituel hebdomadaire en forme de don contre don : la photographe lui donnait un bain contre quelques clichés faits de lui. Cette série, dans laquelle s’insère des écrits du rabbin, suit l’intimité du corps d’un homme éprouvé par la vie, marqué par le temps, par la traversée d’un siècle et de son Histoire… Un corps qui s’étend, en gros plan, qui recouvre l’ensemble des pages, sa peau et ses os saillants que fait ressortir le grain de l’image pour capter des moments de fin de vie d’une émouvante pudeur.

Alexia Monduit
Into my song
(Auto-publié)

Ce premier livre d’Alexia Monduit, Into my song, nous plonge dans un monde profond et sinueux, possédant la beauté et l’obscurité des plus fascinants rébus, à l’instar d’un film de David Lynch. On est invité à pénétrer dans la « chanson » de la photographe autant que dans sa psyché. Dès le début, sur la couverture, son nom cousu en deux seules lettres, dans un jeu de pendu, annonce un univers sombre à décoder, la création d’images irrésolues. Des autoportraits grimés en noir et blanc côtoient la vignette d’un corps emmailloté extrait d’un film de l’ethnologue Jean Rouch, des pages blanches sont à compléter, des symboles psychanalytiques (un couteau sur une partition à musique) se répandent, des mots, en français ou en anglais, s’échappent sur du papier quadrillé. « Au petit matin, le sang sort de mon ventre, il mange mon t-shirt et se donne comme un rubis au jour qui se lève (…). » écrit Alexia Monduit. La brutalité présente dans son oeuvre est atténuée par la délicatesse du papier japonais utilisé pour la fabrication du livre. Réalisé à la main, limité à trente exemplaires, Into my song nous saisit par sa puissance artistique, aussi cérébrale que viscérale.

INFORMATIONS PRATIQUES
Le Plac’Art Photo
12 Rue de l’éperon
75006 Paris
http://www.placartphoto.fr/

Clément Kauter

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