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L'ActuNewsPhoto Compte rendu de la conférence les femmes photojournalistes, entre stéréotypes et préjugés, quelle réalité, quelle égalité ? Un historique avec Marie Robert, Conservatrice au musée d’Orsay La Rédaction19 septembre 2018 Visuel de l'exposition "Qui a peur des femmes photographes", Musée d'Orsay Partager Partager Temps de lecture estimé : 8minsLa conférence s’est tenue le 6 septembre dernier, lors de la 30ème édition du Festival Visa pour l’image. Initiée par la SAIF Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe, cette 6ème édition consécutive s’inscrit dans un cycle de Rencontres professionnelles lors du festival de photojournalisme. La problématique de la sous-représentation des femmes photographes est criante depuis plusieurs années, certaines institutions ont décidé d’y remédier tandis que d’autres font la sourde oreille en clamant que les sujets sont choisi pour leur qualité. Argument grinçant puisqu’il insinuerait, à en voir la proposition des femmes photographes présentes, que les femmes seraient moins douées que les hommes… Nous avons décidé de partager avec vous le compte rendu de cette conférence modérée par Pierre Ciot, photographe et Président de la SAIF autour de plusieurs invités : Marie Robert, Conservateur au musée d’Orsay, Co-commissaire de l’exposition Qui a peur des femmes photographes ? 1839 à 1945, deux éditeurs photo Nicolas Jimenez, Directeur photo Le Monde ; MaryAnne Golon, Directrice photo du Washington Post ; trois photojournalistes Paula Bronstein, Laurence Geai et Kasia Stręk et enfin Marion Hislen, déléguée de la photographie au sein de la direction générale de la création artistique au ministère de la culture. Nous souhaiterions commencer ce compte rendu par l’intervention passionnante et déterminante de Marie Robert, qui nous esquisse la situation des femmes photographes à travers les décennies qui ont vu évoluer l’histoire de la photographie. Dans cette conférence elle s’appuie sur son expérience de co-commissaire d’exposition « Qui a peur des femmes photographes » présentée en 2015 au Musée d’Orsay et l’Orangerie. En plus de 150 ans, il y a eu un très grand nombre de femmes photographes – connues en leur temps, héroïsées même – qui ont complètement disparu de la scène. Il y a eu un processus lent et puissant d’invisibilisation de ces femmes, de la part des hommes. « Cette exposition avait pour ambition de reconsidérer l’apport des femmes photographes à l’histoire du médium. Depuis sa naissance en 1839 jusqu’au milieu du 20ème siècle, elle a été l’occasion d’observer et d’analyser l’incidence évidente du sexe social et du genre sur la pratique photographique. Elle nous a permis de consater des évolutions historiques évidentes, notamment tout au long du 19ème siècle. Les femmes ont été confinées à cause de traditions multi séculaires dans l’espace domestique, et par définition cantonnées à certains genres photographiques comme le portrait, la nature morte, les tableaux vivants… progressivement elles ont conquis les territoires du viril et du masculin, différemment selon les milieux culturels et géographiques que sont la rue, l’espace publique, l’espace du politique et le théâtre de la guerre. Dans l’exposition, c’est ce que nous avons voulu montrer, qu’il y a eu une conquête progressive réelle de ces territoires réservés aux hommes par les femmes. Nous avions donc présenter quelques 100 femmes, sélectionnées de façon drastique parmi des milliers de noms de femmes photographes actives pendant plus de 150 ans. Il y a un grand nombre de femmes photographes connues en leur temps, héroisées, qui ont complètement disparu de la scène. Il y a eu un processus lent et puissant d’invisibilisation de ces femmes, de la part de tous les acteurs, que ce soit leurs confrères, leur pères, leurs maris ou conjoints, avec qui elles travaillaient et qui se sont opposés à leur activité. Suivi de près par l’invisibilisation de la part des historiens, et encore aujourd’hui, si on regarde les manuels de référence, dans les ouvrages les plus récents de la nouvelle Histoire de la photographie, les femmes sont présentes à hauteur de moins de 10%, alors qu’elles étaient bien plus nombreuses. Et puis il y a les commissaires, les conservateurs et directeurs de festivals qui ont également participé à invisibilisation des femmes. En ce qui concerne le photojournalisme – si on considère que c’est le fait de produire des images photographiques en vue d’être publiées dans la presse ou dans les livres – il émerge à la fin du 19ème siècle, avec l’arrivée de nouveaux procédés techniques. Et à ce moment là les femmes étaient présentes ! Frances Benjamin Johnston, cette américaine pionnière du photojournalisme qui a inspiré de nombreuses générations de femmes après elle, Alice Austen, Christina Broom ou encore Jessie Tarbox Beal… toutes ces femmes à la fin du 19ème et début du 20ème siècle, ont exploré le domaine du viril : les mines, les conditions de vie des ouvriers… Elles vont photographier les plus grands, elles partent dans des lieux uniquement réservés aux hommes comme des bateaux, des navires, elles photographient aussi la lutte des suffragettes, et ces pionnières vont inspirer un grand nombre de femmes. Avec l’arrivée de la première guerre mondiale, certaines femmes qui sont au départ des infirmières et qui par leur statut sont au plus près du front et des conflits, vont pouvoir ramener des images inédites qui ne sont pas permises par la censure. À partir de ce moment et pendant tout l’entre deux guerres, et avec l’essor de la presse illustrée, c’est vraiment des centaines de femmes partout dans le monde qui sont présentes. Avec Gerda Taro, qui est certes la compagne de Robert Capa, mais qui a produit des clichés extraordinaires très engagés et très sensationnalistes sur la guerre d’Espagne, Germaine Krull, Gisèle Freund, Margaret Bourke-White, Thérèse Bonney, Lee Miller, Julia Pirotte, Dorotea Lange ou Marion Post Welcott et Tina Modotti… et j’en passe. À leur époque elles étaient héroïsées, glorifiées, il y des encarts dans différentes revues qui en attestent; elles étaient très appréciées de leur contemporains. Anthropologiquement on considère qu’une femme ne peut pas porter d’arme et ne peut être sur le théâtre de la guerre et du combat. Alors pour elles, partir là où c’est dangereux, ce n’est pas un problème, mais par contre ça l’est pour leurs conjoints, pour les rédactions qui ont peur de les envoyer sur des zones à risque. Pour schématiser un peu, ces femmes ont abordé tous les sujets du photojournalisme : les migrants, les conditions de travail des ouvriers, elles partent dans les pays les plus difficiles d’accès comme le Népal ou le Tibet, je pense notamment à Ella Maillart. Elles couvrent la guerre, et le second front, avec la question des réfugiés, des civils, de l’effort de guerre des femmes en particulier, mais aussi les assauts. Elles sont derrières les soldats, leur appareil est aussi une arme, c’est un engagement très fort. Elles couvrent les débarquements en Normandie et en Provence. D’autres vont couvrir la libération des camps de concentration, on a beaucoup oublié leur présence. Elles sont sur tous les terrains et elles photographient comme les hommes, la même chose, voire plus que les hommes car en fait l’intérêt de ces femmes, c’est quelles jouent sur tous les tableaux. Elles peuvent accéder à des univers spécifiquement féminins parce qu’elles sont femmes, et en même temps elle réussissent à accéder à des territoires masculins parce que l’appareil photo est un sésame, non pas parce quelles sont femmes, mais parce qu’elles ont cette accréditation, le droit d’exercer leur métier de photographe. J’aimerais terminer sur le contexte. Il y a quelques constances dans cette histoire de photojournalisme au féminin, c’est qu’elles se sont toutes, et tout le temps confrontées à un certain nombre d’obstacles spécifiquement liés à leur identité de genre parce qu’anthropologiquement on considère qu’une femme – au moins le temps où elle est féconde – ne peut pas porter d’arme et ne peut être sur le théâtre de la guerre et du combat. Alors pour elles, partir là où c’est dangereux, où c’est compliqué, s’engager, témoigner, ce n’est pas un problème, mais par contre ça l’est pour leurs conjoints, pour les rédactions qui ont peur de les envoyer sur des zones à risque ou pétries de préjugés… Leurs confrères ont beaucoup contribué à créer des obstacles, et là aussi on a de nombreux témoignages de femmes qui racontent les tentatives de leurs pairs masculins à empêcher la publication de tel ou tel reportage, je pense à Constance Bannister qui racontait qu’elle n’envoyait pas ses négatifs à la rédaction, qu’elle préférait développer ses images en chambre noire improvisée dans les hôtels pour s’assurer que personne na vandaliserait ce qu’elle enverrait. A l’étude de toutes ces femmes qui sont éblouissantes, qui ont aussi eu des personnalités très fortes, qui ont aussi mis en avant leur intrépidité, leur courage physique, mais c’était aussi des stratégies pour se faire accepter dans ce milieu, ce sont des femmes qui dans l’ensemble était issues de milieu relativement favorisé et elles ont été encouragées dans leur démarche par leur entourage et c’est essentiel. Elles étaient cultivées et diplômées, en situation d’adaptabilité et c’est quelque chose qu’il faut souligner et enfin pour beaucoup d’entre elles, elles assumaient des statuts matrimoniaux assez atypiques et des orientations sexuelles qui faisaient scandale en ce début du 20ème siècle. Dans le cadre du photojournalisme, l’appareil a été un moyen d’émancipation et d’engagement politique pour ces femmes. C’est le signe du symptôme de cette émancipation qui est cours et qui n’est pas terminé. » > Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine, pour la suite de ce contre rendu. A LIRE : Visuelles.art : Entretien avec Marie Robert, Conservatrice au Musée d’Orsay en charge de la photographie Visa pour l’image, un festival sexiste ? Le Coup de gueule de Jean-François Leroy INFORMATIONS PRATIQUES Missing Event Data Favori0
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