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Carte blanche à Christophe Laloi : Pour une écologie du regard

© Jurgen Nefzger, Fluffy clouds
Temps de lecture estimé : 4mins

Pour sa seconde carte blanche, notre invité de la semaine Christophe Laloi, directeur artistique des Voies Off, continue de partager avec nous ses souvenirs… Retour en 2007, il débute un long travail sur le rapport entre photographie et environnement. Le fruit de cette longue recherche donnera lieu à la projection intitulée « Climax – Pour une écologie du regard ».

Alors que la terre commence à chauffer dans les consciences, le GIEC s’est mis en route et a rendu ses premières conclusions, afin de dresser le tableau le plus juste de la situation concernant l’effet de serre. On commence à trouver quelques articles alarmants, par lesquels les auteurs tentent de nous convaincre de l’urgence, et tirent l’alarme, avec le sentiment qu’ils ne seront pas écoutés. Nous sommes en 2007, et je prépare un projet qui me semble hors de portée : produire un inventaire des propositions photographiques évoquant la relation à la nature et à l’environnement. Sam Stourzé dirait : « Le monde tel qu’il va ». Je commence à me documenter en faisant appel à la science, mais aussi en lisant les poèmes des indiens d’Amérique, collectés par Teresa Carolyn McLuhan :  » Pieds nus sur la terre sacrée ». J’en possède un exemplaire illustré par les photographies magnifiques d’Edward S. Curtis. Les pages sont usées par mes incursions dans cette terre en friche.

Mon enfance sur les sentiers, les longues heures à découvrir la nature dans ce qu’elle a de riche et de puissant, mais aussi de terrifiant, ont fabriqué chez moi une conscience particulière. Ce sentiment me mène à travailler plus d’une année sur les rapports entre environnement et photographie. Ce que je découvre me terrifie, tant le doute n’est plus permis : à force d’y déverser nos merdes, nous abîmons chaque jour notre jardin. Sur les conseils de Jean-Paul Capitani, des éditions Actes Sud, je vais rencontrer Pierre Rabhi. Ses mots sont une source joyeuse, mais la réalité du quotidien me cisaille. Je tâtonne pour trouver la bonne distance, et adopter l’attitude qui convient pour présenter le fruit de mes recherches.

La projection s’appelle : « Climax – Pour une écologie du regard ». J’aime bien ce jeu de mot sur le climat, qui évoque un point culminant. Je suis d’accord avec vous, l’écologie du regard ne veut pas dire grand chose, mais d’emblée on appréhende le sujet. J’apprends par hasard que Climax en anglais veut aussi dire orgasme. Ça me va bien.

Cette année là, l’affiche du festival montre des golfeurs sur un fond de centrale nucléaire, par Jurgen Nefzger. La soirée de projection présente une vingtaine de jeunes et de moins jeunes photographes, qui travaillent dans des approches et des esthétiques – si l’on peut parler d’esthétiques à propos d’un acte de destruction massive – très différentes. Nous avons invité Elina Brotherus, qui expose à la galerie Voies Off. Nous présentons entre autre les images de Guillaume Herbaut, qui exhume les séquelles de la bombe atomique à Nagasaki cinquante ans après, un travail magistral sur le cycle de l’eau ou la série de Petur Thomsen sur l’Islande. J’ai convié mon ami Richard Petit, compagnon de route du Festival Voies Off, qui vient tout juste de réaliser la série Cheap Land, qui le lancera dans le grand bain de la photographie contemporaine. En confrontant le travail de tous ces photographes, le Festival Voies Off 2007 tentera d’éclairer les approches poétiques, politiques ou sociales de la photographie contemporaine, au tout début de la prise de conscience collective des problématiques sur le réchauffement climatique.

La projection remporte un franc succès, mais je vais vous avouer un regret : j’aurais adoré présenter le travail d’Ed Burtynsky, grand absent de la soirée. A cette époque, je n’ai jamais osé le contacter.

Photographes ! L’appel à candidature pour pour participer aux Prix Voies Off est prolongé jusqu’au 15 avril prochain !

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