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Christophe Laloi, Directeur artistique des Voies Off, est notre invité

© Anonyme - Ma famille en 1965
Temps de lecture estimé : 6mins

Cette semaine, nous recevons Christophe Laloi, Directeur artistique du festival des Voies Off. Il est celui qui fait vibrer la photographie avec passion, chaque début d’été à Arles, depuis plus de 20 ans. Son rôle de dénicheur de jeunes talents lors de ce festival s’associe à celui de combattant pour sa survie face aux moyens colossaux des Rencontres d’Arles. Aujourd’hui, il se met à nu et se présente sans retenu. Il nous annonce la création très prochaine d’une maison pour les photographes dans la cité arlésienne. Toute la semaine, il partagera avec nous ses passions…

Après un très long road trip sur les bancs d’une école qui ne voulait pas de moi, j’ai atterri dans un atelier de mécanique travaux public, où j’apprenais à faire revivre des monstres Caterpillar en déshérence. J’ai très vite préféré me laisser aller à mon penchant pour la découverte du monde, et la défense de causes que je croyais perdues. Je l’appris bien plus tard, mais cette adolescence dans une famille nombreuse m’a donné le goût des aventures collectives.

Paradoxalement, être le cadet d’une fratrie de sept enfants m’a donné le sens du partage, mais aussi un vague sentiment d’effroi au contact des autres. J’ai longtemps cherché à apprivoiser mes penchants solitaires. La solitude a baigné les longues heures où je jouais un blues primitif, toujours le même, sur une guitare qui m’accompagne depuis maintenant 35 ans.

Même si j’ai développé par la suite une relation très forte avec les mots et les images, et plus particulièrement la photographie, j’ai continué à croire que la musique relie les femmes et les hommes, et leur donne l’occasion de vibrer à l’unisson. C’est peut-être pour ça que j’ai entrepris, en 1996, un très long voyage qui a consisté à fonder Voies Off, pour découvrir le monde à travers le regards des autres, et présenter les photographies au cours de projections, en les accompagnant d’une musique qui n’avait pour but ni de les illustrer, ni de les renforcer, mais de les faire vibrer pour en donner une approche différente.

Pour en arriver à créer Voies Off à Arles en 1996, et son festival éponyme dédié à la photographie émergente, j’ai dû remporter mon premier succès : vaincre le sort qui m’avait gentiment posé sur une voie de garage, dans un atelier de mécanique, où la poésie du réel s’accomplissait au rythme des coups de marteaux, et des coups de gueule des contremaîtres, qui n’avaient que faire de mon intérêt pour les écrivains américains. Entre deux vers de Sam Shepard, j’attaquais Tennessee Williams, en espérant que la littérature sauve le monde, du moins le petit monde des écrivains, et leurs lecteurs les plus assidus. J’ai donc lâché ce boulot, pour me consacrer à mes amours les plus intimes, les images et les mots. Reprenant des études, c’est à l’Université du Mirail, à Toulouse, que je plongeais dans les courants de l’histoire de l’art. Ces débuts en amphithéâtre et en bibliothèque m’ont formidablement nourri, mais je m’ennuyais à mourir sur les bancs de la Fac. J’avais besoin de me fabriquer un destin au plus vite, pour ne pas sombrer dans la mélancolie. Ce destin a pris forme à Arles, en 1993, après 10 années d’errance au milieu de mes brouillons. Au mois d’octobre, j’intégrais l’Ecole Nationale de la Photographie. Je crois que c’est à partir de cette date que je me suis vraiment mis à travailler, avec avidité. Je découvrais les grands photographes, et leur capacité inouïe à déchiffrer le visible. Ce monde s’offrait à moi comme la résolution d’une énigme : j’allais enfin donner un sens à ma vie, en partageant avec d’autres les pépites que je découvrais. A la fin des trois années d’études, 4 mois avant le diplôme, je créais avec Aline Phanariotis et quelques camarades l’association Voies Off, dont nous sommes encore aujourd’hui à la direction.

Au fil des ans, Voies Off a constitué une alternative photographique, crédible au début puis, peu à peu, désirée par le public et les photographes. Le Festival Voies Off a tour à tour été un lieu de découverte, un espace d’expérimentation ou un véritable laboratoire pour la création contemporaine. Nous fêterons en 2020 le 25ème anniversaire de Voies Off avec un projet renouvelé, un renforcement de nos missions de soutien aux auteurs émergents. Nous travaillons à la création d’un espace qui leur sera dédié. Les photographes auront enfin leur maison à Arles. Ils pourront venir créer et produire, et rencontrer leur public, à travers un cycle de résidences et d’expositions, qui se prolongera le temps du festival. Si nous arrivons à concrétiser ce rêve, dont nous annoncerons prochainement les orientations, nous aurons accompli un très long parcours, au travers d’un champ de mines, où les difficultés auront poussées plus facilement que les champs de pavots dans le Triangle d’or. Ce chemin, qui m’a amené de la mécanique à la lumière, je le dois à toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagnés pour créer le Festival Voies Off au fil des ans, mais aussi et surtout aux artistes et photographes, qui m’ont fait confiance. Je leur offre les nuits blanches des années passées, et je leur dédie les futures.

http://voies-off.com

Le Portrait chinois de Christophe Laloi :

Si j’étais une œuvre d’art : Les peintures de Lascaux
Si j’étais un musée ou une galerie : La Maison Nièpce, où est née la première photographie
Si j’étais un(e) artiste (tous domaines confondus): Morton Feldman, roi du silence
Si j’étais un livre : La conjuration des imbéciles
Si j’étais un film : Vol au-dessus d’un nid de coucou
Si j’étais un morceau de musique : Knocking on the heaven’s door
Si j’étais une photo accrochée sur un mur : Le dernier portrait de ma mère
Si j’étais une citation : C’est en coupant du bois que Léonard devint scie
Si j’étais un sentiment : L’empathie
Si j’étais un objet : Le suaire de Véronique
Si j’étais une expo : La subversion des images
Si j’étais un lieu d’inspiration : Le rivage breton
Si j’étais un breuvage : La ciguë
Si j’étais un héros/héroïne : Rahan, fils de Crao
Si j’étais un vêtement : La culotte de mon premier amour

Découvrez les Cartes blanches de notre invité

> Carte blanche à Christophe Laloi : L’instinct décisif (Mardi 26 mars 2019)
> Carte blanche à Christophe Laloi : Pour une écologie du regard (Mercredi 27 mars 2019)
> Carte blanche à Christophe Laloi : La naissance d’un réseau (Jeudi 28 mars 2019)
> Coup de Gueule de Christophe Laloi : On a lessivé mon cœur (Vendredi 29 mars 2019)

Photographes ! L’appel à candidature pour pour participer aux Prix Voies Off est prolongé jusqu’au 15 avril prochain !

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