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Kazal ou les mémoires d’un massacre effacé chez André Frère éditions

Temps de lecture estimé : 3mins

Tout récemment sorti en librairie, l’ouvrage Kazal publié chez André Frère éditions retrace les mémoires de la dictature de François Duvalier en Haïti. Réalisé par le collectif haïtien Kolektif 2D et dirigé par le photographe Nicola Lo Calzo lors d’un masterclass, ce travail mêle avec subtilité témoignages, portraits, scènes de vie et documents d’archives… L’occasion de revenir sur le massacre de Kazal perpétré il y a 50 ans.

Kazal est un petit village situé au Nord de Port-au-Prince en Haïti. Nous sommes en mars 1969, le pays est dirigé depuis plus de 10 ans par François Duvalier surnommé « Papa Doc » pour son métier premier de médecin. Un règne marqué par la terreur et la corruption. Kazal sera la cible d’un terrible massacre, évènement majeur de l’histoire contemporaine pourtant absent de l’histoire officielle. Une atrocité qui n’existe plus que par les témoignages des survivants. Au cours de trois années, six photographes haïtiens issus de la première génération post-Duvalier ont tissé un dialogue avec les habitants de Kazal pour interroger leurs mémoires des lieux et des évènements.

«Duvalier nourrissait une haine envers nous à cause de notre couleur. Sous le régime de Duvalier, les « gens clairs », comme on nous appelait, étaient considérés comme opposants au régime. Au moment même du massacre, ils nous insultaient : « Vye Blan je vèt » (Sale Blanc aux yeux verts) ou « Blan santi ravèt » (Blanc qui pue le cafard)». Jeannette Lucius, commerçante. (Extrait d’un témoignage)

Pour les photographes ainsi que pour les sujets photographiés, ce fut une véritable rencontre avec l’histoire et le passé trouble d’Haïti qui, à ce jour, n’a pas encore été assumé ; il s’est agi aussi d’un parcours personnel long et complexe, où les photographes ont dû ruser avec des barrières sociales, culturelles et géographiques : eux, citadins de la capitale à la rencontre des Kazalais, la plupart d’entre eux, cultivateurs de la terre.

«J’avais 25 ans, je n’avais pas d’enfant. À l’époque, il fallait être milicien pour se faire respecter. J’ai accompagné les militaires et j’ai participé à la chasse à l’homme. On traquait les deux ou trois rebelles qui s’étaient révoltés. Je n’avais pas le choix : quand le commandant te passait un ordre, il fallait l’exécuter, sinon tu risquais la mort. […] Ils étaient détraqués, ces militaires, même des chiens ont été abattus car il avait été rapporté au commandant que les rebelles se transformaient en chien, en cheval, en âne.». – Arnold Belfort, officier d’État civil de Kazal, ancien milicien.

Ce livre participe à rendre visible ce passé oublié par les haïtiens et par le monde entier, il est ponctué de témoignages terrifiants et est accompagné de textes signés par l’anthropologue Claudia Girola et de l’écrivaine Edwidge Danticat.

INFORMATIONS PRATIQUES
KAZAL
Mémoires d’un massacre sous Duvalier : une approche photographique
André Frères éditions
Kolektif2d
Photographies : Edine Célestin, Fabienne Douce, Réginald Louissaint Junior, Dumas Maçon, Moïse Pierre Georges Harry Rouzier et Mackenson Saint-Félix
Sous la direction de Nicola Lo Calzo
19 x 27 cm, 200 pages
Français / créole / anglais
Sortie 26 mars 2019
ISBN : 979-10-92265-81-1
29 €
https://www.andrefrereditions.com/livres/a-paraitre/kazal/

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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