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Dans un dialogue continu depuis 4 ans, l’un à Berlin et l’autre à Dhaka, Tanvir Taolad & Boris Eldagsen créent à quatre mains un univers visuel métaphysique, exposé à Arles du 4 juillet au 29 août, sous la houlette de la commissaire d’exposition indépendante Carine Dolek. 9 lives magazine a interrogé Tanvir Taolad sur cette collaboration et lui a donné Carte Blanche pour créer une performance inédite, à quelques jours de l’ouverture de l’exposition.

J’ai fait la même erreur toute ma vie.
C’est mon visage qui était sale, mais je nettoyais le miroir.” (Ghalib)

The Waters of Creation (2021) © Boris Eldagsen | Tanvir Taolad

Leur collaboration a commencé avant leur rencontre, quand Tanvir Taolad décide de commissarier une exposition de Boris Eldagsen à l’occasion de l’exposition événementielle In Ambiance, en août 2015, pour célébrer la Journée Mondiale de la Photographie à l’Institut Pathshala. Tous les deux passionnés de mystique et de philosophie, la collaboration est devenue très vite évidente et s’est intensifiée au cours des années, pour exposer d’abord à l’ Indian Photography Festival Hyderabad (dans l’État du Télangana, Inde), puis à la Biennale de Kochi-Muziris (dans l’État du Kerala, Inde) avec avec l’installation [HOPE vs FEAR], en 2018/2019. Ils travaillent en échangeant des images d’archives et en laissant l’autre les altérer de la façon et aussi longtemps qu’il le souhaite. Modifiées principalement à la main, elles sont découpées, détruites, projetées, collées, avant d’être retravaillées numériquement. Chaque image subissant plusieurs cycles d’altération d’un côté comme de l’autre sans qu’ils ne se communiquent leurs procédés, personne ne sait, au final, comment elles ont été réalisées.

What home shall I make in the void, 2020 © Boris Eldagsen | Tanvir Taolad

J’ai brûlé ma propre maison, je tiens la torche dans ma main.
Et je brûlerai la maison de quiconque veut me suivre.”
Kabir das

J’avais beaucoup d’images, j’en tirais des centaines à l’école (Tanvir Taolad a étudié à Pathshala l’école de Photographie fondée par Shahidul Alam). C’était l’occasion de détruire et créer, d’expérimenter. Les images viennent des appareils photo et elles restent intactes pour toujours dans l’imagination, mais elles changent quand on les met dans la réalité. J’ai fait des expériences avec de la moisissure, ou façon Jackson Pollock, je demandais à des gens de les déchirer, de jouer, sans savoir de quel jeu il s’agit.”

Thinking in Two Languages, 2020 © Boris Eldagsen | Tanvir Taolad

Oh Asad, tout comme celui qui a été mordu par un chien redoute même l’eau, mordu par les hommes, je crains le miroir.”
Ghalib

Ils s’inspirent des poètes et mystiques d’orient et d’occident, comme Kabir, Allama Iqbal, Rumi, Avicenne, Mansour Hallaj, Kabir Das, Ghalib, dont les écrits inspirent les titres des images, et William Blake, Georges Bataille, Alejandro Jodorowsky, Hildegard von Bingen, Meister Eckhart, Søren Kierkegaard. The rabbit hole, en anglais, vient d’Alice au pays des merveilles : Alice suit le lapin blanc dans son terrier, et elle bascule dans un autre monde.

Ne laisse pas les lignes de ta main dicter ta vie, car ceux qui n’ont pas de mains n’en ont pas moins un destin.”
Ghalib

Silence is the gift or tongues, 2020 © Boris Eldagsen | Tanvir Taolad

Tanvir Taolad : “Les fermiers regardent le ciel et savent s’il va pleuvoir ou pas, de même, on acquiert des savoir-faire artistiques. Quand le bateau coule, on se concentre sur la nage. Je montre mes travaux à Boris, car j’ai toujours du mal à éditer, je produis beaucoup, et beaucoup en même temps, j’ai des dizaines d’onglets ouverts sur mon ordinateur. Avec cette rencontre, cette collaboration, je comprends enfin le moment où Rumi et Shams ed Dîn Tabrîzî se sont rencontrés. Collaborer, c’est dépasser ses limites, c’est juste là, un moment, on le sent. C’est comme s’enfuir de chez soi.

L’extase de la goutte est d’être dissoute dans l’Océan
Quand la douleur au-delà de toute limite devient le remède lui-même.”
Ghalib

The air’s center, 2021 © Boris Eldagsen | Tanvir Taolad

Tanvir Taolad: “Regardez ce qu’ont produit les soufis de différentes époques et de différentes zones géographiques, comme Lalon Shah. Il a dit que le corps est un temple, et un autre, Baba Bulleh Shah, ll’avait formulé des années auparavant en Inde, mais comme bateau. C’est du même ordre, ça change juste de forme, un objet différent d’un contexte culturel différent, comme les différents cercles d’un compas pointé depuis la Kaaba. Le but du soufisme, c’est atteindre l’unité en faisant disparaître son ego. C’est bon de construire un travail commun sans savoir qui de Boris ou Tanvir a fait quoi, et ainsi soulever les voiles, ôter les couvertures.

Es-tu prêt à te couper la tête et poser ton pied dessus? Si oui, viens. L’amour t’attend. L’amour ne se cultive pas dans un jardin, ne s’achète pas au marché. Que tu sois roi ou serviteur, le prix, c’est ta tête, rien de moins. Oui, le prix de l’élixir d’amour, c’est ta tête. Tu hésites? Malheureux, c’est pourtant une affaire!
Kabir Das

Neither the world nor the youth nor the beauty will remain in colour

Performance, art direction, music and sound design: Tanvir Taolad.
Video edit: Boris Eldagsen
Produced as additional teaser for the collaborative exhibition with Boris Eldagsen ‘THE RABBIT HOLE’ – an immersive photomedia installation.

INFORMATIONS PRATIQUES

dim04jul(jul 4)10 h 00 mindim29aou(aou 29)19 h 00 minThe Rabbit HoleBoris Eldagsen & Tanvir TaoladBisous, 33 Rue de la République, 13200 Arles


Vernissage le lundi 5 juillet à 18h
Ouvert tous les jours de 10h à 19h
https://www.eldagsen.com/rabbithole/
https://www.instagram.com/boriseldagsen/

Carine Dolek
Carine Dolek est journaliste, critique et commissaire indépendante. Directrice artistique de la galerie Le petit espace, Co-fondatrice du festival Circulation(s) et membre de l’association Fetart, elle préfère les questions aux réponses, et a exposé, entre autres, the Dwarf Empire, de Sanne de Wilde, The Curse - La malédiction, de Marianne Rosenstiehl, The Poems, de Boris Eldagsen. Elle est également lauréate du Young Curator Award de la Biennale de Photographie Photolux (Italie).

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