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Pour célébrer ses 5 ans, la galerie Thierry Bigaignon change de nom et se déploie dorénavant en plein cœur du Marais, dans l’ancienne et magnifique galerie de Nathalie Obadia. L’inauguration s’est faite jeudi dernier et ce sont les œuvres vintage de Yannig Hedel qui investissent pour la première fois les murs de la galerie, dans l’exposition intitulée “Passé Composé”. À cette occasion, j’ai rencontré Thierry Bigaignon dans ce nouveau lieu, il nous explique l’acte deux de son développement, une étape décisive pour celui qui ne cache pas son ambition. S’il présentait sa structure comme étant une galerie de photographies, aujourd’hui il parle dorénavant de galerie d’art contemporain photosensible. Rencontre.

Je suis la première journaliste à visiter la nouvelle galerie. Nous sommes plus de 8 jours avant l’inauguration, l’exposition de Yannig Hedel est accrochée sous la sublime verrière de la galerie qui est dorénavant située au 18 de la rue Bourg-Tibourg. J’étais également l’une des premières journalistes à présenter le projet un peu fou de Thierry Bigaignon, au printemps 2016. Je lui avais, à l’époque, proposé de partager son expérience pour que les lecteur·rices puissent suivre son combat pour ouvrir une galerie consacrée au médium photographique.

Une évolution accélérée

Nous voici 5 ans plus tard, et les ambitions de Thierry ne cessent de grandir. Après seulement 5 ans, et une pandémie, la galerie s’agrandit, elle quitte son espace d’exposition en étage pour rejoindre la “cour des grands”, et investir l’ancienne et sublime galerie de Nathalie Obadia, située en plein cœur du Marais. Avant de parler des nouveaux projets de la galerie, je questionne Thierry sur ces cinq premières années d’existence “Le premier mot qui me vient à l’esprit est “compliqué” parce que le métier de galeriste est difficile. Mais, c’est toute cette complexité qui fait son attrait. Les relations avec les artistes, les institutions, les foires, parfois les collectionneurs, le contexte financier est complexe. Si je devais faire un bilan, je m’aperçois que j’ai beaucoup appris, mais qu’il me reste également beaucoup à apprendre, et c’est très enthousiasmant ! J’ai l’impression d’être en apprentissage constant.” Et lorsque je l’interroge sur ses souvenirs les plus marquants, il revient immédiatement au point de départ de cette aventure, au moment de l’inauguration en 2016, à l’occasion du vernissage de Ralph Gisbon, qui avait ce soir là réunit plusieurs centaines de personnes. Il nous confie également l’une de ses plus grandes réussites, ou son plus grand échec, quelques mois après l’ouverture de sa galerie lorsqu’une collectionneuse américaine décide d’acquérir l’ensemble de la série “Looking for the masters” de Catherine Balet – composée de plus de 120 tirages en 3 tailles – cela représentait une transaction colossale. Malheureusement, quelques jours plus tard la collectionneuse est contrainte de revenir sur ses ambitions d’acquisition lorsqu’elle apprend que son mari décide de demander le divorce. Rétrospectivement, Thierry Bigaignon nous parle de l’évolution rapide qu’à rencontré la galerie : “je n’en ai pas tout à fait conscience, mais les gens me disent que j’ai réussi à faire en 5 ans, plus que d’autres ont fait en 10 ans. Et lorsque je vois le parcours des autres galeristes, notamment en art contemporain – ceux qui ont vraiment réussi à développer leur activité, le temps qu’il faut en moyenne pour arriver à ce type de lieu, c’est généralement 15 ans. Pour le réaliser en 3 fois moins de temps, c’est quelque chose d’assez incroyable, et j’en suis très fier“ ».

Nouveau lieu, nouveau nom : nouvelles vibrations…

L’espace d’exposition

Face à l’impressionnante porte cochère, on peut lire sur un panneau ce simple nom “Bigaignon”, de l’autre côté il vous suffira de dégainer votre smartphone pour flasher le QRCode et découvrir ce qui se cache à l’intérieur. La nom “Galerie Thierry Bigaignon” laisse ainsi place à “Bigaignon”, un changement dont le galeriste tient à souligner l’importance : “la plupart des galeries ont le nom du galeriste attaché à l’enseigne du lieu, évidemment je ne suis pas différent, je voulais assumer les choix artistiques et curatoriaux et mettre son nom devant la porte est une suite logique. Dans l’évolution de la galerie, je pense qu’il est utile d’enlever le prénom. Quand on regarde l’histoire des galeristes, beaucoup ont fait ce même choix à un moment donné de leur carrière. Cela peut être motivé par plusieurs situations, dans le but par exemple que l’activité soit reprise par les enfants, et d’autres dans la volonté d’affirmer une marque, ce qui est plutôt mon cas. J’avais envie de détacher un peu la galerie de ma personne à proprement parlé, aussi pour l’équipe. Car le développement de la galerie n’en est qu’à ses débuts, je sais que pour y arriver je ne pourrai pas le faire seul, ce sera en équipe. Avec mon prénom, cela met l’équipe un peu dans l’ombre. Ça peut être vu comme quelque chose d’arrogant, mais je pense qu’il faut parfois prendre des risques? Je n’ai pas peur de dire que j’ai de l’ambition.”

Concernant le lieu, Thierry Bigaignon nous explique que cela faisait longtemps qu’il était à la recherche d’un nouvel endroit. Si avoir une galerie en étage dans un hôtel particulier a été un point singulier positif, sur le long terme ce qui a été un avantage pouvait se transformer en inconvénient. Il fallait donc un lieu, ouvert sur la rue pour toucher plus de publics. “Lorsque j’ai vu cette annonce je me suis dit que ce n’était pas pour moi : trop grand, trop beau, trop cher ! Mais, finalement ça m’a travaillé toute la nuit, le matin je me suis dit qu’il fallait peut être tenter de faire une offre ! Ca a été un long parcours, semé d’embuches, pour essayer de lever des fonds, de convaincre les uns et les autres en un temps record. J’y ai mis toute mon énergie, jour et nuit. Et trois mois plus tard… nous sommes là“.

La librairie

La réserve visitable

La galerie c’est un espace d’exposition, mais aussi une librairie qui invite un curator pour présenter une sélection d’ouvrages exclusive, et une réserve visitable, qui permet à chacun·e de découvrir des tirages de la galerie hors exposition consacrée. Une manière d’ouvrir au public le cœur de la galerie. “J’essaye de créer une expérience client. C’est ce qui m’intéresse depuis le premier jour. C’est vraiment le cœur de ma stratégie, ce n’est pas juste des envies, il y a une stratégie réelle et assumée. Pour moi, les personnes qui viennent à la galerie ce ne sont pas que des collectionneurs, tous ne vont pas acquérir un tirage. Ce que je voulais, c’est que toutes les personnes qui franchissent le pas de la porte, puissent vivre une expérience particulière, et je suis intimement convaincu qu’elle ne peut pas se faire uniquement par les œuvres. C’est l’une des choses qui me distingue peut être des autres, je ne veux pas uniquement me reposer sur les artistes et les œuvres représentés, même si c’est le cœur du réacteur. Une galerie est un commerce, particulier mais ça reste un lieu de transaction commerciale, et ce métier de galeriste n’a pas beaucoup évolué alors que la société autour, elle s’est révolutionnée à tout point de vue. J’œuvre donc pour rattacher ce métier au vrai monde.”

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu30sep(sep 30)11 h 00 mindim14nov(nov 14)19 h 00 minPassé ComposéYannig HedelBigaignon, 18 rue Bourg-Tibourg 75004 Paris

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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