Temps de lecture estimé : 8mins

Pour sa deuxième carte blanche, le nouveau directeur de Contretype, centre d’art bruxellois pour l’image et la photographie contemporaine, Olivier Grasser, nous dévoile sa collaboration avec trois autres structures que sont le CRP/ Centre régional pour la photographie à Douchy-les-Mines, le centre culturel Château Coquelle à Dunkerque et l’École supérieure d’art le75 pour dans le but de valoriser la création du territoire mais aussi de donner de la résonance aux fonds du CRP/ et de Contretype. Au printemps 2024, le Château d’Hardelot (62) présentera une sélection de la collection du CRP/ aux côté des résultats d’une première étude, sur la notion de territoire et une comparaison entre l’incidence du territoire sur des œuvres de la collection du CRP/ et sur celles de Contretype.

Le CRP/ Centre régional pour la photographie à Douchy-les-Mines, qui a le souhait de valoriser en 2024 l’importance patrimoniale de sa collection dans un espace artistique public, a engagé une collaboration avec 3 autres structures dédiées à la photo en Belgique et dans le nord de la France. Avec le centre culturel Château Coquelle à Dunkerque, l’École supérieure d’art le75 à Bruxelles et Contretype, Centre d’art pour l’image et la photographie contemporaine, ils lancent un projet prospectif de recherche et de diffusion en photographie, mettant en partage de leur engagement dans la photographie contemporaine, chacun selon ses dynamiques propres, le CRP/ et Contretype avec leur collection, Château Coquelle par sa mission de diffusion et de lieu de résidences artistiques et l’ESA le75 par son rôle dans la formation supérieure des artistes photographes.

Facade du CRP/ © Vincent Everarts

Même si leurs rôles respectifs se sont largement décloisonnés depuis que la création contemporaine a gagné en visibilité et en popularité sur la scène culturelle, centres d’art et musées ont a priori des fonctions différentes. Pour les centres d’art, le soutien à la création est orienté vers la recherche, l’expérimentation et la production. C’est grâce à eux que des artistes encore inconnu.e.s peuvent émerger, que de nouvelles démarches prospectives sont mises en lumière et que des œuvres nouvelles peuvent être présentées dans les expositions. De manière complémentaire, les institutions à caractère muséal, qui ont un rapport davantage consacré au savoir et à la connaissance, ont le rôle patrimonial de constituer et de gérer des collections. Enfin, chacun à leur manière, centres d’art et musées participent à la diffusion, c’est-à-dire au rapprochement entre l’art et les publics, suivant leurs propres dynamiques.

De part et d’autre de la frontière franco-belge, Contretype, actif à Bruxelles depuis 1978, et le CRP/ ont pourtant la singularité de posséder chacun une collection et de devoir gérer des ensembles de près de 9 000 photos et documents pièces pour le CRP/ et de 300 photos pour Contretype. Au-delà de l’aspect quantitatif, c’est la nature des œuvres conservées et l’historique de leur genèse qui rend ces collections singulières et précieuses.

Contretype, Bruxelles

La collection de Contretype est né du désir d’un artiste, Jean-Louis Godefroid, le créateur de Contretype, à s’entourer comme nombre de ses pairs d’œuvres artistes avec lesquels il entretenait des échanges professionnels ou amicaux. Puis, au fur et à mesure que Contretype a développé son activité, des artistes invités à y exposer ont offert une œuvre, en remerciement du temps particulier qu’avait pu représenter cette exposition dans leur parcours. Enfin, à partir de 1990, Contretype a renforcé son engagement dans le soutien à la création en ouvrant un programme de résidences artistiques, programme qui perdure encore aujourd’hui. Deux fois par an, un.e artiste, généralement non belge, est sélectionné.e pour venir faire un séjour de un à deux mois à Bruxelles, et pour produire des œuvres sur la thématique « L’image de Bruxelles ». L’intitulé de ce cadre thématique correspond bien à la fois à l’engagement exclusif de Contretype dans la photographie et à sa localisation géographique. Il est néanmoins suffisamment ouvert pour être interprété librement, sans constituer une contrainte. Au fil des années, on a vu que chaque artiste l’a abordé de la manière dont il souhaitait, et le plus généralement en profitant de ce cadre donné pour approfondir sa recherche personnelle et son propre rapport à l’image. Une tradition a été fondée, que chaque artiste devrait symboliquement laisser une œuvre à Contretype en fin de résidence, au regard du soutien en production dont il avait bénéficié pour cette résidence. Certains artistes ont laissé une seule œuvre, et d’autres davantage, au gré des séjours et des relations qu’ils ont nouées avec Contretype. La collection s’est ainsi constituée, au fil des résidences, et continue de s’enrichir aujourd’hui, de la même manière.

Au CRP/, l’histoire a été autre. À l’origine simple atelier de pratique photographique en amateur, le CRP/ a tôt fait de s’impliquer dans le développement local, en l’occurrence d’une région sinistrée par l’effondrement de l’exploitation minière du charbon et à laquelle il fallait retrouver une dynamique. Dès 1987, le CRP/ lance la « Mission Photographique Transmanche », avec pour objectif déclaré d’ausculter, par le biais de la prise de vue, les transformations apportées dans la région par le percement du tunnel sous la Manche, dont le lancement avait été officialisé en janvier 1986. Cette collection constitue aujourd’hui un ensemble exceptionnel témoignant de la diversité et de la richesse de la création photographique depuis près de quarante ans en France et à l’étranger, représentative de ses différentes esthétiques (humaniste, documentaire, plasticienne ou conceptuelle). Elle s’enrichit régulièrement grâce aux productions et co-productions que le CRP/ porte au travers de sa programmation artistique. La quantité des œuvres et des documents conservés fait de cette collection un ensemble patrimonial et documentaire historique.

Contretype, Bruxelles

En plus de la conservation, qui demande des moyens humains et techniques conséquents et adaptés, la valorisation de ces collections s’est imposée comme une mission supplémentaire pour les deux centres d’art. Au CRP/, c’est à partir de la collection qu’est organisée une grande part de la diffusion. Les œuvres sont régulièrement prêtées et mises à disposition, suivant différentes modalités et avec des objectifs de sensibilisation à la photo. Pour Contretype, qui n’a pas à proprement parler de mission de diffusion, la valorisation de la collection est moins régulière. Une sélection de pièces a fait l’objet d’une exposition au CRP/, dans le cadre d’un projet organisé en partenariat entre les deux centres d’art en 2018. Une exposition plus conséquente avait eu lieu en 2014 à Bruxelles, accompagnée d’un livre.

Mais une collection, c’est aussi un ensemble d’œuvres qui, par son volume ou ses caractères historiques ou documentaires, peut faire l’objet d’un travail scientifique de recherche. C’est justement ce souci, et la conscience pour le CRP/ comme pour Contretype de la richesse artistique que constitue leur collection, qui les a amenés, avec Château Coquelle et l’ESA Le75 à réfléchir à un projet commun. Leur objectif sera d’investiguer et de présenter publiquement les développements actuels de la relation entre création, image et territoire. Les 4 partenaires expriment chacun à son endroit le besoin d’engager un travail sur le sens actuel de la relation à l’image sur un territoire géographique qui est le terrain depuis le début du XXIème siècle de profondes politiques de restructuration sociale et économique, ainsi qu’un espace où les problématiques du monde contemporain sont plus que jamais sensibles.
Les questions qui émergent sont nombreuses : Comment la notion de territoire se définit-elle au regard d’un projet artistique ? Si la Mission Photographique Transmanche avait clairement pour objet de rendre compte des changements sur le territoire induits par le chantier du tunnel sous la Manche, ce territoire se développe-t-il de telle manière aujourd’hui qu’il mobilise une partie signifiante de la création photographique d’aujourd’hui ? Comment les artistes actuels envisagent-ielles et peuvent-ielles se mobiliser sur la notion de territoire ? Comment un territoire en mutation a-t-il pu être prétexte à un patrimoine artistique telle qu’une collection ? À Bruxelles, comment le territoire défini comme objet de travail pour des artistes accueilli.e.s en résidence a-t-il façonné la collection issue de ce travail ?…
Ce projet, défini sur plusieurs années, trouvera son point de départ autour de l’exposition d’œuvres de la collection du CRP/ qui sera inaugurée le 10 mai 2024 au Château d’Hardelot (62). Les résultats d’une première étude devraient y être présentés, sur la notion de territoire et une comparaison entre l’incidence du territoire sur des œuvres de la collection du CRP/ et sur celles de Contretype.

PROGRAMMATION EN COURS

jeu06avr(avr 6)12 h 00 minven26mai(mai 26)18 h 00 minDaphné Le SergentDefected TimesContretype - Centre pour la photographie contemporaine à Bruxelles, Cité Fontainas, 4 A - 1060 Bruxelles

sam04mar(mar 4)13 h 00 mindim11jui(jui 11)17 h 00 minAnna MalagridaCe qui demeureCRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France, Place des Nations 59282 Douchy-les-Mines

http://www.contretype.org/

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e