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Pour sa quatrième et dernière carte blanche, le nouveau directeur de Contretype, centre d’art bruxellois pour l’image et la photographie contemporaine, Olivier Grasser, nous parle de l’utilisation de l’IA – Intelligence Artificielle pour générer des images. Un phénomène qui commence à se propager dangereusement. Avec l’explosion de son utilisation et le développement de ses plateformes, l’IA remet en cause les fondamentaux de la création artistique depuis plusieurs siècles : l’authenticité, l’unicité du créateur, la notion d’auteur et les droits qui y sont attachés… De quoi se poser de sérieuses questions sur notre avenir…

Les artistes et les acteurs culturels engagés dans la photographie et l’image sont aujourd’hui attentifs à un phénomène qui est aussi extraordinaire qu’inquiétant : l’Intelligence Artificielle (IA), ses usages et les possibilités qu’elle ouvre à la fabrication des images.

Les ordinateurs peuvent dorénavant composer de la musique, écrire des romans ou des poèmes, recréer des voix… Dans le domaine de l’écriture, par exemple, le logiciel ChatGPT est capable de tenir une conversation quasi humaine dans plusieurs langues naturelles et de générer des textes très bien articulés… de quoi affoler le milieu de l’éducation autant qu’émerveiller ceux qui l’explorent gratuitement ! En utilisant des algorithmes et des techniques d’apprentissage, les modèles d’IA sont désormais capables de générer des images entièrement nouvelles et réalistes, qui semblent avoir été prises par un photographe humain. Ces œuvres d’art peuvent être d’une beauté stupéfiante. La technologie a ouvert de nouvelles voies à la créativité et c’est un profond changement de paradigme qui se profile dans le domaine de la création photographique, qui interroge notre relation à l’art et à la création.

Image générée par l’IA

La création d’images par l’IA implique l’entraînement d’un réseau neuronal sur un vaste ensemble de données d’images, ce qui lui permet d’apprendre les modèles et les caractéristiques des images. C’est le « deep-learning ». Une fois entraîné, le réseau peut alors générer de nouvelles images qui ressemblent à celles qu’il a vues auparavant. Ces images générées sans appareil photo ni équipement physique peuvent être modifiées et affinées en ajustant divers paramètres, tels que la couleur, la texture et le style, afin de créer des images uniques et étonnantes. Sans aucun doute, cette technologie aura certainement un large éventail d’applications, comme pour l’édition ou la post-production des images. Et les algorithmes d’IA continuant à progresser et à devenir plus sophistiqués, il est probable que des applications encore plus passionnantes de cette technologie verront le jour dans les années à venir.

À ce jour, l’IA est présentée comme un outil d’aide à la réalisation. Mais on peut aussi projeter que l’IA parviendrait à créer des œuvres qui étaient auparavant impossibles. Les intentions annoncées semblent bonnes, comme à chaque fois que les humains ont fait avancer la technologie, mais les usages à venir de cette nouvelle technologie seront-ils toujours bienveillants ? Prenons-en pour exemple le débat qui a été lancé sur l’usage des logiciels de reconnaissance faciale par les systèmes démocratiques.

La relation entre les images générées par l’IA et la photographie traditionnelle n’est pas sans poser de problèmes. Les photographes peuvent à juste titre estimer que la technologie nuit à l’authenticité de leur travail car les images ne sont pas créées par la main de l’homme. Les humains ne seraient alors plus considérés comme les créateurs des œuvres d’art.
Plus avant, elle remet en cause certains des fondamentaux de la création artistique depuis plusieurs siècles, même s’ils ont déjà pour la plupart déjà bien été battus en brèche : l’authenticité, l’unicité du créateur, la notion d’auteur et les droits qui y sont attachés… À qui est-ce que les droits d’auteur reviendront désormais ? À l’artiste ou au créateur de l’algorithme ? En outre, l’utilisation éthique des images générées par l’IA suscite des inquiétudes, en particulier dans le domaine de la propagande. Les algorithmes d’IA ne sont pas plus impartiaux que les données sur lesquelles ils sont formés, et il existera un risque qu’ils perpétuent des exploitations discriminantes d’images déjà existantes. Si un algorithme est entraîné sur des données qui ont des préjugés à l’encontre de certains groupes de personnes, il pourra produire des œuvres d’art qui renforcent ces préjugés.
Enfin, quelles seront les incidences de l’exploitation de l’IA sur la valeur des œuvres et le marché de l’art ? Entre un original et une œuvre produite par l’IA, quel exemplaire aura le plus de valeur, surtout lorsque les NFT, qui sont déjà des œuvres numériques artificielles, alimentent un marché financier de plus en plus attractif.

C’est tout un édifice éthique qui est ébranlé, avec des questions quant à l’usage que feront les artistes de l’IA ou, plus gravement, utilisation qu’en feront les grandes entreprises et l’industrie : et si les pouvoirs s’emparent des machines ?

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