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PhotoMed 2017 : Les confins sauvages d’Hélène David

Temps de lecture estimé : 5mins

L’exposition « Noces ou les confins sauvages » d’Hélène David est présentée dans le cadre du festival PhotoMed. À travers ce récit photographique, Hélène explore les interactions entre l’humain et le non-humain et souhaite nous interroger sur ce qui nous relie à la nature. La photographe, qui réalise ses images de manière intuitive et sensitive, nous offre un premier volet d’un travail bien plus vaste sur tout le territoire méditerranéen.

9 lives : Après avoir séjourné en Arctique avec les Inupiaks d’Alaska, et embarqué en haute mer pour suivre la vie des marins, aujourd’hui vous posez votre regard sur le territoire méditerranéen. Quand a commencé cette série photographique ?

Hélène David : J’ai réalisé ses images sur plusieurs années, mais il s’agit plus d’un cheminement qui m’a amené à cette série. Tout a débuté par la réalisation d’un projet documentaire sur le territoire des Calanques, lorsque j’ai emménagé à Marseille il y a un peu moins de 10 ans… Cette bonne connaissance du territoire m’a donné envie de continuer, mais de l’aborder de manière plus sensible et poétique, et ma ligne directrice était déjà claire pour moi dans la mesure où je m’intéresse depuis très longtemps à la relation de l’Homme au vaste du vivant.
J’ai donc commencé à réaliser des images en cherchant une écriture différente, je cherchais à aborder ce travail à travers les perceptions mais aussi par le biais du récit… Ce projet s’est vraiment déroulé au fil du temps, sur plusieurs années.
Le Livre « Noces à Tipasa » de Camus et les Métamorphoses d’Ovide ont été une grande source d’inspiration pour aborder les notions du sauvage. Trouver une écriture, comment mettre au même niveau les humains et le végétal, le minéral, l’animal et l’organique ?

9 lives : Dans votre texte de présentation de l’exposition, vous citez les « Noces à Tipasa » de Camus et les « Métamorphoses » d’Ovide, ces récits ont-il été une source d’inspiration ?

H. D. : Tout à fait. C’est vraiment la lecture de « Noces à Tipasa » qui est à la source de ce projet. Albert Camus est alors tout jeune écrivain, il y raconte comment faire l’expérience intime de la Méditerranée. Il décrit très bien comment cet espace maritime sauvage – de par ses caractéristiques – permet cette expérience de sensorialité et sensualité. Ce sont les Noces de l’homme à la nature. Je suis partie de ce point de vue et j’ai eu envie de partager cette expérience avec d’autres personnes.

D’ailleurs ce travail a été nourri par un autre projet de danse contemporaine auquel je participais en parallèle. Un projet mené par la chorégraphe Nathalie Artufel, qui rassemblait 12 femmes, dont je faisais partie; nous dansions sur un sentier de randonnée de 12km, sur le principe d’improvisation contact. Un travail très intéressant sur les perceptions du corps à l’environnement. Danser dans la nature t’ammène à avoir une perception très fine du contact à la matière. Cette mémoire du corps a donc aussi nourri le projet. Logiquement et dans le prolongement de cette expérience, j’ai fait participer certaines des danseuses dans mes images.

Mowwlig : Pourquoi avoir choisi Marseille ?

H. D. : Je me suis installée à Marseille il y a 10 ans, pour me rapprocher de la Méditerranée, c’était ma motivation première. Une des caractéristiques de cette ville qui m’a beaucoup plu c’est l’imbrication de la ville entre la nature et le sauvage.
Le questionnement de la frontière entre l’humain et la nature m’intéresse depuis longtemps, surtout à l’heure d’urgence écologique dans laquelle nous vivons. Alors forcément, Marseille s’est révélée être un terrain formidable d’expérimentation. Cette ville est perméable au sauvage, il y a le mistral, la mer rentre dans la ville, le massif des calanques est directement dans la ville ! … Ses imbrications sont réellement fascinantes, c’est donc un plaisir de les explorer et de les décrypter, et surtout de voir comment les habitants ont créé des usages et des rituels autour de cela.

De plus je suis arrivée au bon moment, puisque le parc national venait tout juste d’être créé, je me suis donc très vite impliquée.
J’ai eu un très bon retour de la part des responsables et le parc me soutien dans mon travail. Nous avons un projet de livre sur cette série (ndlr : à sortie en automne prochain aux éditions Sun/Sun) et aussi un projet d’atelier photographique avec des enfants sur le paysage (Sac à dos paysages).

9 lives : Quel regard devons-nous porter sur « Noces ou les confins sauvages » ?

H. D. : Avec cette série, je souhaite amener une réflexion, nous sommes à une aire de crise écologique, et le rôle des artistes et des documentaristes est aussi d’apporter une autre vision pour changer de paradigme. La méditerranée est un espace très vulnérable, très convoité par sa biodiversité, il faut la préserver.

Dans ce projet j’avais envie de laisser une grande place à l’imaginaire, certes partir dune base réelle, mais aussi que le visiteur puisse se créer sa propre histoire à partir de ces espaces photographiés. Hélène David a accepté de se prêter au jeu de notre désormais célèbre portrait chinois, que voici :

Si j’étais une oeuvre d’art : une oeuvre de Miguel Barcelo
Si j’étais un musée ou une galerie : la grotte Chauvet
Si j’étais un livre : « Noces à Tipasa » d’Albert Camus
Si j’étais un film : Le voyage de Chihiro d’Hayao Miyazaki
Si j’étais un morceau de musique : L’Ave-Maria de Nina Haguen
Si j’étais un photo accrochée sur un mur : la Constellation du Centaure
Si j’étais une citation : « Je serai bientôt
soit fou
soit balancé
au bout
d’une corde » (Donatien Garnier, un ami poète)
Si j’étais un sentiment : Te quiero mi amor
Si j’étais un objet
 : Je ne suis pas très proche des objets.
Si j’étais un spectacle vivant : « Tragédie » du chorégraphe Olivier Dubois
Si j’étais un lieu d’inspiration : La forêt de la Sainte-Baume
Si j’étais un breuvage : quand les bêtes s’abreuvent le soir autour de l’étang
Si j’étais un héros/héroïne : Dersou Ouzala
Si j’étais un vêtement : Aucun. Naked !

INFORMATIONS PRATIQUES
Hélène David, Noces ou les confins sauvages
Dans le cadre de PhotoMed 2017
Du 18 mai au 11 juin 2017
Salle Patmos et Mykonos
Île de Bendor
http://festivalphotomed.com
http://www.helenedavidphoto.com

« Noces et les confins sauvages » sera édité par Sun/Sun à l’automne 2017.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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