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Les Libertés Conditionnelles d’Estelle Lagarde (2ème partie)

Temps de lecture estimé : 4mins

ESTELLE LAGARDE expose deux séries photographiques, « Maison d’arrêt » et « Lundi matin » sous le titre « Libertés Conditionnelles » mois de la photo du Grand Paris à l’espace ANIS GRAS / LE LIEU DE L’AUTRE, Arcueil, du 11 Avril au 5 Mai 2017. Le vernissage s’est tenu le 18 avril dernier en présence du Maire d’Accueil, Christian Métairie et de Francois Hébel, Directeur Artistique du mois de la Photo du Grand Paris.

LUNDI MATIN, fable sociale.

LUNDI MATIN a été réalisé dans un garage à l’abandon. La quinzaine de tirages exposés évoque l’univers du travail salarié, à la pièce, et les différents moments où les ouvriers, le directeur se font face, menace de la grève, revendications salariales, et réunions d’urgence avec les cadres, tout ce qui fait sens dans une petite entreprise, avec cadres sup. et chef d’équipe, patron en costume cravate, ouvriers en bleu de chauffe. Estelle Lagarde parle avec humour de ce que fut la vie de millions de français dans la période des trente glorieuses. On retrouve ici une dénonciation de l’univers de l’usine, une évocation des petits matins froids, de la pause, des revendications, des combats, de la grève, de 68, tout un imaginaire compose le fond intentionnel de la série, sous la forme d’une ré-appropriation de ce qui fut le monde ouvrier en ces années là.

Estelle Lagarde recompose les codes de cette photographie en projetant l’intrusion des matières au sol, envahissantes, rebuts d’une activité disparue, et dans au moins un tiers de l’exposition, fait exploser les taches de peinture, qui envahissent le plan, un peu du Pop Art et de l’Action Painting effracte la photographie, qui devient plus présente. Les conjugaisons des trois occurrences qui nourrissent la réalisation de la prise d’images, comme on pourrait écrire la prise de sons, provoquent une perturbation de leur lecture, une inflexion vers une certaine modernité. En effet sont conjugués la prééminence du personnage net, la transparence des autres personnages et le traitement en silhouettes diaphanes, l’envahissement des rebuts au sol et la parfaite maitrise de la lumière donnant aux murs, aux fonds, la précision des lieux tels qu’ils sont aujourd’hui, sales, tachés, graffés, enfin, la mise en situation des personnages dans des gestes et situations liées à une photographie documentaire ou sociale, voire issue du Corporate dans la citation de ces situations. envie d’ iconoclastie subversive…

Lundi matin commence par la réunion des cadres, le seul personnage central net définit le point de l’action, les autres personnages, cadres, ouvriers ne sont que fantômes, de quoi est il question alors si ce n’est d’une photo de classe réunissant l’équipe, départ de la série à venir? Secrétariat est une image rouge, le statut de la couleur et des projections de peinture déporte l’attention vers une picturalité formelle, occurrence de composition qui dissout le propos social ou documentaire et qui régénère visuellement la scène. L’atelier, un grand format est essentiel à la série, alors que les gravas s’entassent au premier plan et envahissent le sol, apparaissent les gestes mécaniques du travail. On pense aux temps modernes de Chaplin. L’expert, le soutien, Prime de licenciement, le sommet, la menace, Vendredi soir, donnent le ton général de ce petit théâtre drolatique, frôlant la caricature, on est effectivement dans une satire sociale, comme si, à rebours, les murs avaient appelé à cette revanche du lieu sur la vie, et que le son, les bruits étaient toujours présents, propres à mettre en « vibration » cette toile tendue où se projète le film décompressé, décomplexé, à la disconvenance insolente et ouvrière d’Estelle Lagarde.

Il apparait ici qu’Estelle Lagarde est une conteuse inspirée se servant de la photographie pour raconter, parti pris de libertés du style et de l’énonciation, l’image fixe se situe entre le plan cinématographique et le conte, entre la parodie, le pamphlet social ici, mais sans acrimonie, dans la douce légèreté de ce qui se raconte à voix basse, à la lampe. Ces contes modernes ont la pertinence de certaines photographies de Sarah Moon, surtout celles où Estelle Lagarde se met en scène, elle même, silhouette parfaite au costume sage. Un ange passe…

EXPOSITION
Les Libertés Conditionnelles
Estelle Lagarde
Dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris
Du 11 avril au 5 mai 2017
• Week-end Intense Diagonale le 29 et 30 avril 2017 
Anis Gras – le Lieu de l’Autre
55 Avenue Laplace
94110 Arcueil
www.estellelagarde.com

A VENIR
DE AMINA LAPIDUM l’âme des pierres
Estelle Lagarde
du 12 mai au 27 août 2017
Monastère royal de Brou
63 Boulevard de Brou
01000 Bourg-en-Bresse

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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