OtherSide

Rencontre avec Sandra Patron, directrice du musée régional d’art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée

Temps de lecture estimé : 7mins

« Il en va de la responsabilité artistique et aussi politique et sociale que les musées, les lieux d’art soient un endroit apaisé d’échanges et de dialogues en cette période de crise que nous traversons ».

9 lives : Suite à l’agrandissement de vos espaces d’exposition, quelles nouveautés proposez vous au public et avec quels objectifs ?

Sandra Patron : Les nouveautés sont de plusieurs ordres. Dès l’accueil du public nous avons inauguré le 24 mars une nouvelle librairie boutique, ce qui manquait à l’échelle du terroir. Cela offre la possibilité de prolonger les expositions à travers livres et catalogues spécialisés et aussi de repartir avec un petit quelque chose, ce pourquoi nous développons un merchandising avec des petites maisons d’éditions et sur des produits dérivés strictement pensés par des artistes.
La 2è nouveauté concerne la programmation avec l’inauguration d’un nouvel espace dédié à la création émergente, terme que je préfère à la nouvelle création car on peut à tout moment de son parcours être dans l’émergence. Nous sommes encore en phase de test de la formule dans la mesure où sur l’année 2017 cela va se traduire par des invitations en direct de création française, régionale et internationale. Mais l’idée à terme est de développer aussi un ensemble de partenariats à tous niveaux notamment autour de la question de la résidence. Les résidences sont des moments très importants dans la pratique d’un artiste de concentration et de production mais souvent pas assortis de moments de monstration et de visibilité. Nos modèles de références étant à un niveau international le WIELS à Bruxelles avec qui nous sommes déjà en lien ou les résidences du Stedelijk museum d’Amsterdam.
Les objectifs sont de continuer à développer l’inscription de ce musée à la fois à une échelle locale et en même temps d’augmenter sa visibilité à une échelle internationale. Nous restons vigilants pour aider à encourager ce 1er passage de franchir la porte d’entrée en développant des événements liés aux expositions : concerts, performances, conférences pour donner du contenu et aussi de la joie et de la déambulation dans les salles. Nous avons testé le format avec Bruno Peinado à travers un évènement tous les dimanches pendant 1 mois 1/2 ce qui a formidablement marché alors que cela représentait un vrai pari au départ.

9 lives : Le nouvel accrochage des collections à partir de l’œuvre de Pierre Leguillon » La Pergola » interroge le statut et la porosité des images avec d’autres mediums, en quoi est ce une thématique qui traverse nombre de pratiques actuelles dont celle de Lucy Skaer, artiste invitée ?

SP : A la fois cela traverse des enjeux de la création actuelle avec le développement des nouvelles technologies ce qui permet à tout le monde de s’approprier des images existantes, ce qui induit leur manipulation et métamorphoses. Les artistes étant de leur temps, sont aussi dans cette approche sur laquelle ils posent leur propre regard et vocabulaire. Ce qui me semblait aussi intéressant était de faire dialoguer cette notion très actuelle avec la collection historique du Mrac, les choses ne relevant pas du hasard. A travers cette exposition qui va des années 1975 à nos jours la figuration des images d’un medium à un autre, d’un champ de la culture à un autre, populaire ou savante, innerve toutes ces pratiques et il était important d’apporter une certaine cohérence à l’ensemble. N’oublions pas que cette collection s’est constituée à l’origine autour de la Figuration narrative, mouvement dont le socle est l’appropriation des images.
Quant à Lucy Skaer elle fait partie de cette génération d’artistes qui se nourrissent de références à l’histoire de l’art assez ancien. Elle est fascinée par le Moyen Age comme Raphaël Zarka dont nous avons plusieurs œuvres qui lui est fasciné par la Renaissance, des artistes qui à un moment donné travaillent le temps long. Je trouve cela particulièrement pertinent dans une société du temps ultra court. Une manière d’inviter à la mise en perspective dans un moment où en terme de débat publique on assiste à une forme de crispation qui est liée à mon avis à ce temps ultra court.

9 lives : La vie aquatique s’inscrit volontairement dans une approche transdisciplinaire et engagée en quoi répond t-elle aux enjeux que vous vous êtes fixés à votre arrivée au Mrac ?

SP : Il me revient à l’esprit la phrase de Sylvie Blocher parlant du CRAC lors de son exposition à Sète « ce lieu est une victoire démocratique », le plus beau compliment je trouve que l’on puisse faire à un lieu d’art et une notion à laquelle je suis très attachée. Avec un vocabulaire très spécifique la création actuelle est en phase à ce temps particulier que nous vivons où un ensemble d’enjeux et de crise se posent. Il en va de la responsabilité artistique et aussi politique et sociale que les musées, les lieux d’art soient un endroit apaisé d’échanges et de dialogues sur ces questions.
C’est pourquoi la métaphore de la mer explorée ici est très féconde car elle a toujours été ambiguë, à commencer par les marines du XVIIè siècle, dans ce rapport de l’homme à la mer empreint de fascination, de beauté mais aussi de violence et de désastre en puissance face à cet élément naturel qui nous dépasse et toutes les mythologies associées, un peu dévoreuses d’homme. Je trouvais donc intéressant là encore de partir d’une tradition séculaire et d’envisager son occurrence la plus actuelle.

9 lives : Le Mrac devient Mrac Occitanie, cette nouvelle découpe régionale est -elle une opportunité ou une menace à vos yeux ?

SP : Je ne perçois pas cela dans cette optique. Ce nouveau territoire est une réalité et selon moi toute réalité est porteuse d’opportunités. D’une part j’y vois un aménagement du territoire qui pousse les frontières avec la capacité qui nous est offerte de plus nous fédérer et nous mobiliser en terme de réseaux. Cela a été l’occasion de créer un nouveau réseau suite à l’addition des réseaux de nos deux régions avec des ambitions renouvelées. Nous avons constitué début 2016 des groupes d’échanges où l’on réfléchit à la question de la fluidité entre nos lieux, de notre rapport à la méditerranée, de nos rapports à la scène nationale. Deux journées professionnelles ont encadré ces échanges. Il est amusant de constater comment les humains suivent de manière assez naturelle les découpes du territoire administratif. Je ne suis pas sûre qu’il y a 3 ans nos collègues des Abattoirs de Toulouse venaient aux vernissages du Mrac, ce qui est le cas à présent. Le fait de se voir régulièrement génère des projets, des idées, du partage de compétences, ce qui est globalement plutôt positif.

9 lives : Avec quelle partie du territoire avez vous envie de développer de nouvelles synergies ?

SP : Le premier territoire à mes yeux est le territoire Sérignanais ce qui représente une conquête plus ardue que la conquête du territoire international ! Ce lieu doit rester un point d’ancrage que les gens doivent pouvoir s’approprier à l’échelle locale.
Plus largement nous commençons à développer des liens encore embryonnaires avec l’abbaye de Fontfroide de Narbonne qui pourraient être intéressants de part son histoire et la personnalité de Gustave Fayet, artiste et conservateur du musée, grand mécène en son temps et collectionneur visionnaire.
L’autre territoire qui m’anime est évidemment la Méditerranée et ses frontières et dans la mesure où je considère que l’art doit aussi être cet endroit apaisé où se posent les grands enjeux, ils ne manquent pas ! Je pense aussi à la frontière très proche de l’Espagne et le musée exceptionnel du MACBA à Barcelone, avec qui j’ai commencé à prendre des contacts. L’idée étant de renforcer ces liens transfrontaliers.

INFOS PRATIQUES :
> « La Pergola ». Nouvel accrochage des collections
Lucy Skaer.  » La Chasse « 
Daniel Otero Torres.  » (Dé)placements « 
Jusqu’au 04 juin 2017
 » La Vie aquatique « 
Jusqu’au 18 juin 2017
> Prochainement au MRAC :
«Chéri j’ai réorganisé la collection»
Neil Beloufa
du 30 juin au 8 octobre 2017
Musée régional d’art contemporain
Languedoc Roussillon Midi Pyrénées
146 avenue de la plage, Sérignan
 » http://mrac.languedocroussillon.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

You may also like

En voir plus dans OtherSide