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Rencontre avec Vincent Marcilhacy, Directeur de Picto Foundation à l’occasion de l’exposition de la Bourse du Talent

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L’édition 2017 de la Bourse du Talent est actuellement exposée à la Bibliothèque nationale de France. Chaque année, cette exposition rétrospective est l’occasion de découvrir les travaux des quatre jeunes lauréats primés toute au long de l’année. Nous avons rencontré Vincent Marcilhacy, Directeur de Picto Foundation, partenaire  et co-organisateur de la Bourse du Talent dont le mécénat vise notamment à soutenir la jeune photographie.

9 lives : En 20 ans, la Bourse du Talent a récompensé 80 jeunes photographes et a mis à l’honneur des centaines de jeunes talents. Comment situez-vous cette distinction dans le paysage français ? Après deux décennies et un métier en constante évolution, les besoins des jeunes photographes sont-ils toujours les mêmes ?

Vincent Marcilhacy : La Bourse du Talent est créée en 1998, dans une période encore largement occupée par les procédés argentiques d’une part et le poids des médias imprimés de l’autre. Depuis, le métier des photographes s’est largement métamorphosé avec l’arrivée du numérique… Les plus anciens des talents émergents ont dû apprendre rapidement, les plus jeunes sont souvent digitale native. Du côté des modes de diffusion, la presse traditionnelle s’est mise en retrait faute de budget, laissant plus d’espace au marché de l’art, au culturel ou au mécénat, qui sont devenus de nouveaux partenaires des photographes. La Bourse du Talent a grandi dans ce mouvement et a su en accompagner chacune des évolutions. Dans ce sens, les besoins des photographes ont évolué, et l’exposition des talents 2017 présentée cette année encore à la BNF pendant plusieurs mois est un outil précieux pour eux. Elle procure une visibilité importante et un crédit significatif dans un métier où le photographe doit plus encore démontrer la crédibilité de son regard et le faire connaître. Tout comme le livre, édité chaque année chez Delpire Éditeur depuis 2016, qui inscrit l’œuvre de chacun dans le courant plus large de la photographie d’aujourd’hui.

9 lives : Le cru 2017 est présenté, comme chaque année depuis 2007, à la Bibliothèque nationale de France. Quels sont les résonances et les échos pour les jeunes photographes exposés à travers cet événement ? 

V. M. : Oui, comme je l’évoquais précédemment, cette exposition accueillie par la BNF et produite par le laboratoire Picto, représente un marqueur fort dans le parcours de ces talents. Ils ne s’y trompent pas lors de la soirée d’inauguration lorsque chacun dispose de quelques minutes pour présenter ses cimaises aux yeux et aux oreilles de Laurence Engel, Présidente de la BNF, de Philippe Gassmann, Président de Picto Foundation et de Didier de Faÿs, Directeur de Photographie.com. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agit d’une première opportunité de penser leurs séries sur le mur pour l’exposition. Alors se posent les questions de la scénographie, des papiers et des techniques de reproduction. L’écho de l’exposition à la BNF pour ces photographes est considérable, et nombre d’entre eux repartent du vernissage avec de précieux contacts en poche, voire des propositions de collaboration à suivre. Et puis l’exposition est amenée à circuler, comme ce fut le cas l’an passé à Milan et à Lille.

Enfin, il y a le sens et la portée des images qui se retrouvent exposées dans les espaces de l’institution. Cette année encore l’accrochage et les tirages auront fini de valoriser des séries solides et des sujets approfondis. Je pense à Chloé Jafé qui décide de suivre les femmes d’un groupe de Yakuza à Tokyo, ou à Youquine Lefèvre qui, en écho à sa propre histoire d’adoption, passe près de trois mois avec des enfants séparés de leurs parents dans un foyer isolé dans la montagne suisse. Et je me réjouis de ne citer ici que des femmes, bien présentes dans cette édition 2017 de la Bourse du Talent…

9 lives : Picto Foundation joue un rôle important dans la promotion de la photographie et en particulier dans la jeune photographie. Pouvez-vous nous expliquer ces choix de mécénat ?

V. M. : À l’image de la Bourse du Talent que Picto co-organise avec Photographie.com depuis sa création en 1998, ou du Prix Picto de la Mode créé la même année, Picto a très tôt choisi de consacrer une attention particulière à l’émergence. C’est naturellement que ce chemin s’est poursuivi dans le cadre des programmes soutenus et initiés par Picto Foundation.

Plusieurs raisons à cela… D’abord la préservation des métiers de la photographie. J’évoquais plus haut les mutations du paysage dans lequel doit se situer le photographe pour émerger. Il nous semble important d’en faciliter l’accès en réduisant les intermédiaires entre les plus talentueux et celles et ceux, galeries, agents, magazines, qui recherchent de nouvelles écritures.

Picto doit aussi beaucoup aux photographes, qui font confiance à ses équipes et à ses savoir faire depuis près de 70 ans. Nous devons autant que possible rendre aux générations à venir une part de cette confiance et de cette fidélité, c’est cela aussi l’esprit de Picto Foundation.

Je précise que cet axe programmatique de Picto Foundation s’est depuis enrichi avec notamment l’accompagnement d’une cinquantaine d’écoles de photographie et d’arts visuels, ainsi que l’opération Carte Blanche Étudiants 2017 réalisée cette année avec Paris Photo et Gares & Connexions.

9 lives : Vous êtes partenaire depuis la première Bourse du talent, quel est votre rôle ?

V. M. : D’une manière générale nous apprécions les projets dans lesquels il est possible de s’inscrire dans la durée. Il devient alors possible de vivre avec le projet, d’en suivre les évolutions, les réussites comme les moments plus difficiles. C’est bien cela pour nous le rôle d’un mécène et c’est ainsi que nous souhaitons que nous nous épanouissons épanouisse dans le cadre de la Bourse du Talent comme ailleurs. Dans ce sens nous pouvons nous impliquer dans le jury, nous échangeons avec les photographes pour faciliter la préparation de leur exposition que nous produisons, et restons très souvent à leur écoute pour les accompagner et les conseiller sur la suite de leurs projets. Il s’agit aussi de s’interroger sur la manière avec laquelle chaque année nous pouvons donner plus d’écho aux travaux des lauréats par l’intermédiaire par exemple de nos réseaux professionnels et sociaux.

9 lives : Picto Foundation soutient d’autres prix mais est également actrice avec la création du Prix Picto de la Mode. Pourquoi est-il important de soutenir les prix photographiques ? 

V. M. : Les photographes et les acteurs du marché ont besoin d’y voir clair dans un environnement où foisonnent les propositions visuelles. Les prix représentent souvent une plateforme pour favoriser des rencontres propoices.

Il s’agit aussi d’un exercice particulièrement intéressant pour les photographes, où organiser, présenter et tester leurs projets, les faire mûrir et les confronter au regard et à la critique, souvent pour la première fois.

Enfin, quelles que soient les dotations proposées, en compétence, en nature comme en numéraire, les prix apportent désormais des avantages complémentaires pour les photographes confrontés, comme nous l’avons entrevu plus haut, à des difficultés de financement, donc de visibilité, qui limitent leur potentiel.

Et puis… c’est tellement réjouissant de remettre un Prix le jour J à celui ou celle qui le reçoit et qui pour un temps voit accéder à des portes jusque là à peine entre ouvertes…

9 lives vous donne rendez-vous à la rentrée en Janvier pour découvrir les sujets primés des lauréats 2017 !

INFORMATIONS PRATIQUES
• Exposition des Jeunes Photographes de la Bourse du Talent 2017
> Chloé Jafé (Bourse du Talent #69 Reportage)
Youqine Lefèvre (Bourse du Talent #70 Portrait)
Sanjyot Telang (Bourse du Talent #71 Mode)
Jean-Michel André (Bourse du Talent #72 Paysage)
Du 15 décembre 2017 au 4 mars 2018
BnF / François-Mitterrand
Allée Julien Cain
Quai François-Mauriac
75003 Paris
Ouvert du mardi au samedi 9h à 20h, dimanche 13h à19h, lundi 14h à 20h
Fermé jours fériés
Accès libre
• Fragilités
Bourse du Talent 2017
Editions Delpire
20 x 23 cm, 128 pages
30€
http//www.picto.fr

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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