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Kupka frondeur et solitaire, prophète de la couleur (Grand Palais)

Temps de lecture estimé : 4mins

Imposante rétrospective d’un maître de l’abstraction avec Malevitch et Kandinsky (également à l’honneur au Centre Pompidou), le tchéque František Kupka (né en 1871 en Bohème) et parisien d’adoption. Après le Guggenheim de New York en 1975 et le Musée d’art moderne en 1989 c’est au tour du Grand Palais en partenariat avec le Palais Wallenstein de Prague et l’Ateneum Art Museum d’Helsink où l’exposition voyagera, de mettre en lumière à partir de 300 œuvres emblématiques, ce parcours atypique d’un libre penseur qui ne souhaite se rattacher à aucun courant. Epris de modernité sa recherche concerne la couleur avant tout et la question de la représentation.

Après les Beaux Arts de Prague et de Vienne d’où il ressort marqué par la Sécession, il arrive à Montmartre en 1896, encore épris de symbolisme et de spiritisme (medium lui-même). Avec l’énigmatique autoportrait, la « Gamme jaune » (1907) il cristallise tous les ressorts de cette quête d’un monde intérieur, tout comme avec « l’Eau la baigneuse » (1906-09) jamais exposée du vivant de l’artiste, dont le vérisme scientifique est modéré par une visée symboliste. La théosophie et le culte de la nature sont dominants en Europe Centrale. Avec la caricature il pose un regard très critique sur la société. Il épouse Eugénie Straub qui lui inspire de nombreux nus charnels, à l’opposé de cette vision érudite et ésotérique qui l’habite constamment. Contradictoire, il oscille entre le cosmos et les petites gens : gigolettes et les marlous, avant de se diriger vers la décomposition du mouvement. Rejetant les 3 mouvements d’avant-garde qui dominent cette scène parisienne qu’il côtoie : le fauvisme, le futurisme et le cubisme (Braque et Picasso) il reste familier du groupe de Puteaux en résistance. Individualiste il n’écarte pas pour autant les salons où il participe à la Section d’or en 1912 avec « Nu descendant un escalier » proche de Duchamp, des futuristes et des avancées d’Etienne-Jules Marey et les deux grands chefs d’œuvre « Amorpha, fugue à deux couleurs » et « Amorpha, chromatique chaude » pour le salon d’automne qui marquent sa rupture avec la mimêsis. C’est Guillaume Apollinaire qui lance le terme d’orphisme (ou cubisme écartelé) à partir du Salon de la section d’or sans forcément y rattacher Kupka, qui se retranche dans la solitude autour des problématiques de l’espace temps (courbes, verticales, horizontales et formes irrégulières) et du comportement des couleurs et leur disposition formelle, synthétisées dans l’ouvrage « La création dans les arts plastiques ».

Patriote et engagé pendant la Première Guerre il participe à de nombreux conflits sur la Somme. Il rencontre à Prague l’industriel et collectionneur Jindrich Waldes qui devient son principal mécène.
En 1929 il se dit déçu par Kandinsky et rejoint les expos du groupe Abstraction-Création avec notamment la célèbre « Peinture abstraite ».

Après la crise du machinisme il s’ouvre à l’art abstrait géométrique sous la férule de Theo van Doesburg l’un des fondateurs de De Stijl avant de renouer avec les abstractions en noir et blanc entamées avant la 2ème guerre mondiale.

Réfugié à Beaugency cette période de la guerre est assez sombre et il se sent loin de la cause tchécoslovaque. Il devra rester caché sous une fausse identité pendant l’Occupation. Retrouvant son atelier de Puteaux à l’issue du conflit il veille après la mort de ses compagnons de route, Robert Delaunay et Vassili Kandinsky, à ce que son œuvre soit reconnue en participant régulièrement au Salon des Réalités Nouvelles. Il meurt en 1957 à Puteaux à 86 ans d’un cancer du poumon.

Une vie en zigzags comme il la qualifiera lui-même et un cheminement plein de contrastes pour ce solitaire épris de poésie pure, en prise avec les grands débats scientifiques et philosophiques de son époque qu’il est urgent de redécouvrir !

Infos pratiques :
Kupka
pionnier de l’abstraction
jusqu’au 30 juillet 2018
Grand Palais
Catalogue aux éditions RMN-Grand Palais, 304 pages, 49€
(disponible à la librairie grand palais)
Programmation culturelle associée.

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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