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Triennale de Bruges 2018 : Un vent nouveau souffle sur la ville par Michel Dewilde co-commissaire

Temps de lecture estimé : 7mins

« Liquid City embodies the commitment to positive change, the quest for connectedness among all residents and living beings in our urban reality »

Une baleine en prise avec des tonnes de déchets plastiques (Studio KCA), une école flottante pour résister aux défis des cataclysmes naturels (NLE studio), un pavillon multicolore pour repenser la place des canaux et leurs usages quotidiens (SelgasCano), l’intrusion du crabe chinois à mitaine et autres espèces invasives dans un paysage globalisé (Rotor), une nouvelle forme d’urbanisme face aux prévisions de montée des eaux (Peter van Driessche), un voyage dans les airs sans énergies fossiles ni polluantes (Tomàs Saraceno), les différents scenarii artistiques proposés en réponse à la thématique de la Triennale 2018 sont à la fois innovants, engagés, poétiques ou plus alarmistes dans une relative ambiguïté, à l’instar de cette société liquide qui nous inspire et nous déroute.

Michel Dewilde, co-commissaire de « Liquid City », historien de l’art, responsable arts plastiques du Cultuurcentrum de Bruges et commissaire indépendant, revient sur la genèse de cet événement hors norme qui entend une nouvelle fois faire sortir Bruges du cadre et prolonger les pistes explorées par la première Triennale de 2015, dans des confrontations encore plus expérimentales.

1. La Triennale 2018 « Liquid City », comment ce concept entend dépasser les jalons posés en 2015 ?

Avec encore plus d’ambition.
Alors que nous étions 4 commissaires pour la première édition, cette fois nous ne sommes que deux (avec Till-Holger Borchert, directeur de Musea Brugge) ce qui rend le concept plus circonscrit et les thématiques plus claires. En 2015 nous étions partis de cette phrase : Qu’arriverait-il si la ville de Bruges devait accueillir soudain 5 ou 6 millions d’habitants ? » une forme de boutade intéressante qui a donné lieu à des propositions variées (SongDong,Bow-Wow, bar éphémère Urb Egg.. ), alors que nous avons défini à présent un véritable concept basé entre autre sur les écrits du philosophe et sociologue polonais Zygmunt Baumanautour de cette condition sociale liquide efficiente à partir du début XXIème siècle jusqu’à présent.
Il est intéressant d’explorer la notion de la ville liquide, en mouvement constant, dans une cité qui reste aux yeux de beaucoup figée dans son aspect dix-neuvièmiste ou moyen-âgeux ! Un relatif paradoxe alors que la plupart des visiteurs pensent que les habitants de Bruges ne sont toujours pas connectés !
Pouvons-nous alors analyser et traiter la condition liquide dans une ville musée mono-culturelle en termes de comportement de visite, 90% des touristes venant à Bruges en quête du passé ?
Un challenge stimulant.

2. Quelles sont vos attentes en terme de réaction et d’appropriation des visiteurs ?

Qu’ils soient enchantés, stimulés même si perturbés parfois par certaines œuvres.
Qu’ils puissent transposer chez eux ces problématiques, la plupart d’entre eux vivant dans des environnements citadins quelle qu’en soit l’échelle, pour réagir et prendre conscience de leur réalité urbaine.
L’avantage et c’est un paradoxe, d’être dans une ville protégée et figée dans le temps, est de pouvoir poser des questions plus pertinentes que face à des strates post modernes comme à Paris, Londres ou Séoul.
Les maires dans les années 1850-60 ont choisi de maintenir cette dimension patrimoniale de Bruges au risque de tomber dans une image d’ épinal, ce qui permet finalement de garder une ville à échelle humaine, que l’on peut encore traverser à pied ou à vélo.

3. Quels ont été vos critères de choix des artistes et architectes et comment êtes vous arrivés à un consensus avec Till Holger Borchert, conservateur du musée Groeninge et spécialiste des primitifs flamands ?
 
Nous avons rapidement trouvé un accord même si certaines lignes ou choix restent distincts.
Je me tourne plutôt vers l’analyse urbaine avec des artistes ou architectes concernés par l’écologie ou la question de la rencontre, alors que Till privilégie des choix plus esthétiques même si cela n’est pas valable à 100%.
Notre méthodologie s’est organisée à partir d’une longue liste de près de 200 artistes-architectes que nous avons réduite à 15 plasticiens, qui conciliaient plusieurs niveaux de lecture à la fois esthétique, conceptuelle ou architecturale.

4. Retour sur la collaboration avec le Frac Centre qui expose une partie de ses collections au Groot Seminarie, ancienne abbaye cistercienne emblématique

Le directeur M. Abdelkader Damani à la suite de la première Triennale nous a contacté pour nous proposer un partenariat inédit auquel nous avons tout de suite répondu favorablement. Cette exposition particulièrement réussie autour de « l’architecture liquide » annonce d’autres projets futurs.
(cf notre interview à paraître)

5. Bruges estampillée patrimoine mondial a t-elle ses chances sur la cartographie européenne de l’art contemporain ?

Le musée d’art contemporain de Bruges ne va pas se réaliser il me semble, ni le musée d’architecture, ce qui n’est pas forcément nécessaire.
Mais une Biennale ou Triennale d’architecture et d’art contemporain en plein air dans un centre ville historique a sans doute plus de sens qu’un énième centre d’art ou musée supplémentaire.
De plus avec Beaufort nous jouons dans la même province, les Flandres occidentales où il n’existe pas de grandes villes, ce qui nous permet d’aller vers des projets thématiques éphémères, Beaufort étant plus tourné vers l’art plastique contemporain avec le littoral et nous l’architecture.
Une offre inédite et complémentaire pour toucher différents types de public, amateurs de nature et d’expériences, connaissant ou non l’art.

Question subsidiaire : comment réagissez vous à la future inauguration de KANAL-Pompidou le nouveau pôle culturel de la région Bruxelles Capitale ?

En ce qui concerne KANAL, je pense qu’il faut d’abord juger sur place même si je partage la réticence de Dirk Snauwaert ou autres acteurs concernés.
J’ai de vrais doutes sur une implantation pareille, une sorte d’occupation culturelle d’une multinationale qui s’impose à Bruxelles, alors que la capital manque cruellement d’un réel musée d’art contemporain depuis de très nombreuses années. Nous avons de gigantesques collections qui ne seront malheureusement pas exposées à Kanal !

Actualités de Michel Dewilde :

Prochainement une exposition sur l’art contemporain iranien à Bruxelles (lieu encore sous embargo)

https://micheldewildecurator.wordpress.com/
 
Véritable point d’entrée et bureau d’information, La Loge des Bourgeois (Poortersloge) se présente comme une vitrine de l’ensemble des propositions à travers maquettes et dessins préparatoires, vidéos dont celle de Tomàs Saraceno et projets comme les recherches du collectif belge Rotor.

A suivre : Interview sonore d’Abdelkader Damani, directeur du Frac Centre et Lionel Billiet, membre du collectif Rotor.

INFOS PRATIQUES :
Liquid City – Ville Fluide
jusqu’au 16 septembre 2018
PLAN :
Téléchargez le plan officiel de la Triennale de Bruges ICI.
HORAIRES :
Toutes les installations sont accessibles de 12h00 à 18h00.
URB EGG-CAFÉ :
Le URB EGG-café dans le jardin du POORTERSLOGE est ouvert tous les jours de 12h00 à 22h00.
https://triennalebrugge.be/

Compléter le parcours contemporain de Bruges avec la visite des coulisses de la prestigieuse Salle de concerts (Concertgebouw) des architectes gantois Paul Robbrecht et Hilde Daem, un parcours semé d’œuvres sonores et visuelles captivantes (Luc Tuymans, Pavel Büchler, Anouk De Clercq, entre autres signatures)

Organiser votre séjour :
Gastronomie avec l’arrivée de jeunes chefs étoilés comme la Suite Sans cravate qui propose un élégant B&B
https://www.visitbruges.be
http://www.visitflanders.com/fr/

Accessibilité depuis Paris : Thalys à partir de la gare du Nord de Paris à destination de Bruxelles-Midi, où vous aurez une correspondance à destination de Bruges (1 heure par train national) www.belgianrail.be.

Il est vivement conseillé de laisser sa voiture dans les parking prévus en dehors du centre ville.

Poursuivre sur le littoral avec Beaufort (voir notre article du 18/04, interview de la commissaire)


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Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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