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Kolga Tbilisi Photo 2018 : Decryptage avec Sébastien Leban

Pourim banquet in Jerusalem © Sebastien Leban / Meilleure image One Shot
Temps de lecture estimé : 3mins

Dans le cadre du festival Kolga Tbilisi Photo, 9 lives a rencontré le photojournaliste français Sébastien Leban dont l’image « Banquet Pourim à Jérusalem » a été primée dans la catégorie « One shot ».

« Nous sommes le 1er mars 2018. J’ai une journée de libre et je rejoins Thomas Coex, le chef photo pour l’AFP à Jérusalem. Dans cette ville, Pourim est un grand jour de fête auquel j’aime assister. On commémore les évènements relatés dans le livre d’Esther. Les juifs célèbrent le sauvetage de leur peuple de Haman  et ont plusieurs obligations religieuses, notamment de faire la charité aux pauvres et d’envoyer des colis alimentaires. Ils doivent également organiser un énorme banquet durant lequel ils s’enivrent jusqu’à ne plus distinguer le bien du mal. Souvent cela va bien au-delà, particulièrement dans les quartiers ultrareligieux régis par des codes très stricts, comme Méa Shéarim, où nous partons nous promener. En temps normal, il est très compliqué d’y travailler voire même d’y avoir accès. Il est dix heures du matin.  Il y a une sorte d’effervescence, tout le monde est dans la rue, les gens sont déguisés, ils commencent un peu à boire. Ce qui est intéressant c’est d’aller dans les écoles religieuses ultra-orthodoxes, car c’est dans ces yeshiva que se tiennent les grands banquets. Ils installent des gradins de part et d’autre de la table. Le troisième côté est réservé aux femmes. Séparées du reste de la fête par un filet, celles-ci ne s’enivrent pas et gardent les enfants. Thomas repère la grande cour d’une yeshiva, aménagée pour l’occasion. Je me faufile à l’intérieur. Les hommes ont déjà bien mangé et bien bu. Ils sont déjà bien alcoolisés. Ils me remarquent mais ne disent rien. Dans cette situation, j’essaie de rester le plus inaperçu possible. J’ai juste mon Leica. Il y a une foule dense, ça pousse, ça danse, ça crie. On est aspergé de vin rouge. C’est fou. Là, mon œil est attiré par un homme , celui au centre de l’image. Il pleure de ton saoul, soutenu par deux hommes. Il pleure encore, il lève les yeux au ciel. J’essaie de me rapprocher, et me retrouve quasiment en face dans les gradins. Je n’ai fait que quatre ou cinq photos de cette scène. Elle m’a interpellée car elle se présentait à moi comme un tableau. Il y avait aussi  beaucoup d’ambiguïté dans la situation. Assistait-on à quelque chose de joyeux ou de triste ? C’était une espèce de transe. D’autres pleuraient, riaient, sautaient, chantaient. J’ai photographié les femmes et d’autres scènes visuellement intéressantes comme ces hommes, pris en contre plongé, qui marchaient sur la table et servaient du vin au-dessus de ma tête. Nous sommes restés une demi-heure et avons poursuivi notre chemin. Nous sommes allés dans d’autres écoles. C’était décadent. Nous assistions parfois à des scènes qu’il n’était pas possible de photographier.

Pour Kolga, j’ai envoyé mon image in extremis. Je n’ai pas proposé la série. A l’époque je l’avais postée sur Facebook parmi une dizaine de photographies. C’est sur celle-là que les gens avaient réagi. Je suis très heureux d’avoir été primé. Je ne sais pas si la photo sera publiée car elle ne correspond pas à un sujet d’actualité chaude. Mon travail à moi porte surtout sur le quotidien. Je raconte le conflit israélo-palestinien sans le montrer. A chaque fois que je voyage dans cette zone, que je connais bien maintenant, je reviens avec de nombreux sujets. »

http://www.sebastienleban.com
http://www.kolga.ge

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Retour sur l’Edition 2018 de Kolga Tbilisi Photo

Karin Hémar
Depuis près de 20 ans, Karin Hémar élabore des projets et accompagne institutions et entreprises destinés à laisser une empreinte culturelle Karin a débuté sa carrière à l'international, dans l'industrie de l'audiovisuel (distribution de programmes, business affairs), ce qui lui a permis d'acquérir des méthodes de travail qu'elle a renforcées lors de son MBA.

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