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Compte rendu de la conférence Les femmes photojournalistes, entre stéréotypes et préjugés, quelle réalité, quelle égalité ?
Le regard des éditeurs de presse

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La conférence s’est tenue le 6 septembre dernier, lors de la 30ème édition du Festival Visa pour l’image. Initiée par la SAIF Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe, cette 6ème édition consécutive s’inscrit dans un cycle de Rencontres professionnelles lors du festival de photojournalisme. La problématique de la sous-représentation des femmes photographes est criante depuis plusieurs années, certaines institutions ont décidé d’y remédier tandis que d’autres font la sourde oreille, en clamant que les sujets sont choisis pour leur qualité. Argument grinçant puisqu’il insinuerait, à en voir la proposition des femmes photographes présentes, que les femmes seraient moins douées que les hommes…

Nous avons décidé de partager avec vous le compte rendu de cette conférence modérée par Pierre Ciot, photographe et Président de la SAIF autour de plusieurs invités : Marie Robert, Conservateur au musée d’Orsay, Co-commissaire de l’exposition Qui a peur des femmes photographes ? 1839 à 1945, deux éditeurs photo Nicolas Jimenez, Directeur photo Le Monde et MaryAnne Golon, Directrice photo du Washington Post, trois photojournalistes Paula Bronstein,  Laurence Geai et Kasia Stręk, et enfin Marion Hislen, déléguée de la photographie au sein de la direction générale de la création artistique au ministère de la culture.

Après avoir débuté ce compte rendu avec l’intervention de Marie Robert sur un petit historique sur les femmes photographes, et parlé de l’expérience de 3 femmes photojournalistes, nous souhaiterions poursuivre avec l’expérience des deux éditeurs photo, MaryAnne Golon au Washington Post et Nicolas Jimenez au Monde, deux visions des deux côtés de l’Atlantique.

« Au Washington Post, nous avons 17 photographes permanents. 10 sont des hommes et 7 sont des femmes. Je suis la première femme directrice de la photo au sein de la rédaction, mais globalement toute notre équipe est composée en parité. Nous avons presque autant de femmes que d’hommes, mais c’est aussi une équipe multi-culturelle, on a une diversité qui va au-delà du genre ! » – MaryAnne Golon

MaryAnne Golon : Cela fait plus de 30 ans que je travaille dans le milieu du photojournalisme et lorsque j’ai commencé à travailler, les directeurs, les photographes… tous les postes étaient uniquement occupés par des hommes. À 100%. Les femmes, elles, étaient les assistantes de ces directeurs, c’était les hommes qui nous dirigeaient. Au fil du temps, on a commencé à imposer nos choix pour qu’il y ait plus de femmes photographes. J’ai vu des femmes gravir les échelons jusqu’à devenir directrice de photographie. Ça a provoqué un séisme, il a commencé à y avoir un réel changement. C’est quand un service photo est dirigé par une femme que les choses changent drastiquement. Par exemple, au Washington Post, j’ai 17 photographes permanents. 10 sont des hommes et 7 sont des femmes, mais quand je suis arrivée, nous étions loin de la parité ! Je suis la première femme directrice de la photo au sein de la rédaction. Mais globalement toute notre équipe est composée en parité. Nous avons presque autant de femmes que d’hommes, mais c’est aussi une équipe multi-culturelle, on a une diversité qui va au-delà du genre : nous travaillons avec des afro-américains, des asiatiques, un français (Olivier Laurent), des hispaniques, des latinos… nous avons aussi un irakien. Cette mixité change la donne, elle change les reportages.
Il y a toujours eu une nette influence de l’homme blanc, ce sont eux qui ont toujours dirigé. Il y a toujours eu des femmes photographes, mais elles étaient cachées, elles restaient dans les coulisses… Aujourd’hui, le monde change. En 2018 une femme comme Lynsey Addario part en Irak alors qu’elle est enceinte de 6 mois ! Bien évidemment, quand une photographe a des enfants, ou lorsqu’elle est enceinte, ce sont des éléments que l’on doit prendre en compte, mais on ne doit pas l’empêcher de travailler !

En tant que directrice de la photo, il est de mon devoir de soutenir et de promouvoir les femmes dans la photographie. Il pourrait peut-être y avoir une coalition avec les pays Européens et les États-Unis, pour dresser une base de données des femmes photographes ! J’en entends tellement me dire qu’ils ne travaillent pas avec des femmes photographes parce qu’il n’en connaissent pas ! Certains éditeurs m’ont même dit « j’aimerai bien recruter un photographe africain, mais il n’y a pas de photographe africain compétent et bien formé ».
Personnellement, je travaille avec un photographe parce que j’apprécie son travail, peu importe qu’il soit noir ou blanc, homme ou femme, mais c’est tellement facile à dire , alors que si une base de données existait, cela pourrait éviter ces réactions. On pourrait ainsi dire : les voici, voici la liste de centaines de femmes photographes de grands talents.

« Au Monde, nous avons fait la liste des personnes qui travaillaient pour nous, et nous nous sommes aperçus qu’il y avait plus de femmes que d’hommes. Dans l’équipe que je dirige il y a une parité parfaite – sans que ce soit voulu – et pour nous tout cela est très naturel, et je pense que cela vient de notre génération. » – Nicolas Jimenez

Nicolas Jimenez : En ce qui me concerne, la pratique du genre dans mon métier n’est pas vraiment un sujet, et c’est une question de génération. Je suis né en 1981, j’ai commencé à travaillé en 2004. Le directeur de la photo qui m’a embauché au journal était une femme, la directrice de la rédaction elle aussi était une femme. Et pour la petite anecdote, la femme qui m’a embauché a eu des reproches, on lui a dit qu’elle m’avait pris parce qu’elle me trouvait « beau », et non pas parce que j’étais brillant. 
Les gens qui travaillent avec moi ont à peu près mon âge et pour chacun d’entre nous, ce n’est important de savoir si on envoie un homme ou une femme sur un sujet.
Nous n’avons pas de photographe salarié au Monde, il m’est donc difficile d’établir un chiffre précis, mais la dernière fois que nous avons fait la liste des personnes qui travaillaient pour nous, nous nous sommes aperçus, qu’il y avait plus de femmes que d’hommes. Dans l’équipe que je dirige il y a une parité parfaite – sans que ce soit voulu – et pour nous tout cela est très naturel, et je pense que ça vient de notre génération.
La question qui se pose dans les journaux américains est une vraie bonne question, c’est moins la question de la femme, mais celle de la diversité des regards, et des propositions que l’on fait à nos lecteurs. Dans une rédaction on ne peut pas avoir une origine sociale homogène. Par exemple j’ai honte de dire que les photographes maghrébins qui travaillent pour nous doivent se compter sur les doigts d’une seule main…

> Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine, pour la suite de ce contre rendu.

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