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PHOT’AIX dialogues en Aix (2nde Partie)

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La 18ème édition du festival PHOT’AIX se déroule actuellement à Aix en Provence. Nous vous avons présenté dans notre article d’hier l’exposition Regards Croisés entre une sélection de photographes autrichiens et français. Aujourd’hui, focus sur le chapitre Vanités des expositions du Parcours et rencontre avec Brigitte Manoukian, directrice de l’association Fontaine Obscure.

Il existe des processus secrets pour dire en quoi la lumière dépose et révèle les berges où sont passés les ombres ténébreuses et claires des matins magiciens, rosée des poètes et photographes. Ceux ci arpentent les continents, bourlinguent, cherchent ce feu prométhéen volé, soif inextinguible qui s’établit contre les apparences. Voilà à quoi se consacrent ces poètes de l’instant, de l’instantanéité reconquise, au pli d’un temps intérieur et fécond, dans une dynamique éclairante. Voilà pourquoi une volonté, issue de l’Association la Fontaine Obscure, organise ces pas, horloge dont les aiguilles marquent l’heure immédiate et plongent le visiteur au coeur d’une photographie choisie, de qualité.

Il est des chants dont la fréquence affleure naturellement au terme d’un processus de création et qui court sur le temps, développant l’ouverture des possibles, dessinant la réception de l’autre comme une main ouverte et tendue, où ne sommeillent pas seulement les bienveillances socialisées des contemplations, mais également l’urgence d’une parole infatigable… D’autant plus accorte que tout se donne un souffle, que le temps du secret ouvre de l’intérieur la pertinence du regard, valeurs et discours émancipateurs, irruptions, au sein du convenu et des aperçus réducteurs.

Tout cela n’apparaît que peu dans le champ social, ou s’il vient à être c’est dans une sorte de miracle collectif et pensé, dans une intransigeance qui fond le compromis et élabore le lien. Voilà pourquoi les énergies des “petits” festivals est remarquable, sans argent, où si peu, celui ci se dote d’une crédibilité portée par une fièvre, une foi qui embrase, comme un feu. Beaucoup d’énergies participent à créer cet équilibre du Festival pour en donner une édition pertinente. A comparer aux Rencontres d’Arles voisines, Phot’Aix s’inscrit à la fois parfaitement dans ses territoires et contribue à diffuser des oeuvres sérieuses et fondées dont la notoriété n’a pas bien sur, la notoriété de son important voisin. Mais quelle différence en même temps de situations économiques. Avec un budget minimal, (460 fois moindre…???) sans cesse en difficulté, Phot’Aix a fait le pari de l’implication généreuse de ses membres. Sans cette énergie le festival qui séduit la ville serait voué à disparaître.

Aux songes d’hier, aux rêves de succès et d’argent s’est substitué ce soleil qui irradie et réchauffe, ce plein soleil de midi où s’ouvrent des expositions qui se proposent généreusement, dans leurs propos à la trace de ces mains sur l’ouvrage du jour. Non qu’ils passent comme des trains rapides sur une lande close et calme, au pli de l’onde, ce lointain qui approche sa raison de son orbe, mais qu’ils situent courageusement leur action responsable vers l’enclos des jours … Les photographes sont en bien des mesures ceux qui voguent sur le monde, font le voyage du rêve éveillé. Ce qu’ils y perçoivent, ce qu’ils y voient, ce qu’ils en rapportent, se détache des cimaises, affleure, saisit.

Les Parcours dans la ville

Trois parcours photographiques ont élus droits de cité dans la ville, reçus par des lieux partenaires, sur trois thèmes, Voyages Immobiles, Vanités, Amour, présentant une quarantaine de travaux. Tout ceci est lisible, visible jusqu’à la fin de l’année 2018.

La programmation générale du festival est établie par le collectif associatif La Fontaine Obscure dans ces trois interventions et regroupe, fédère nombre de bénévoles, de partenaires, d’amis, sans lesquels ce formidable travail ne pourrait s’inscrire dans sa forme soignée auprès d’un public de plus en plus concerné. Ainsi les parcours animent en permanence la ville d’Aix en Provence, où sont proposés sous la présence des photographes invités, un dialogue avec le public, après que ceux-ci aient pris le soin de présenter leur démarche et leur problématique. Le parcours Vanité pour exemple m’a semblé riche et surtout d’une vraie pertinence.

Vanités

Han Wang & Michel-Alain Louÿs exposent Le rêve de distinction à l’Atelier HB design  (1 rue Manuel). Lauréat du prix PhotoArt 2018, travail sur un parc de villas de luxe abandonnées, réservées en Chine aux nouveaux riches, s’éprend des traces que la Nature recompose à partir du vide dans un retour au plein du cycle des saisons et au regain de vie enchanteur qui repeuple le vide et le délitement de ces villas abandonnées. Plus que la mesure du passage du temps et de la poésie de l’abandon, des lieux rendus à eux mêmes, procès romantique, voire proustien, c’est l’action du temps à réaliser cette série sur plusieurs années qui instruit une réflexion du binôme de photographes, quand, à un point de ces prises de vue, le photographe intervient en accrochant un rideau rouge sur une baie vitrée, faisant résonner l’espace vide photographiée dans une fréquence auto médiale, geste du sage, action du peintre et du plasticien. Une magie en nait. Il faut céder aux charmes et aux envolées de la présentation de ce travail faite par l’auteur, en personne.
http://www.editionsphotoart.com/louys-wang/ https://www.behance.net/rachellewang

Aurélien Cillier expose Mystiques au magasin Général (3/5 rue Matheron), un ensemble de tirages sur dibond Aluminium brossé ou cuivre de photographies de la statuaire sacrée antique, portant la présence du Mythe à travers ses dieux dont la silencieuse présence habite le photographe qui s’en est émerveillé, la discussion avec la public questionne la notion d’impermanence entre tradition bouddhiste et puissance mystérieuse des dieux grecs et latins, dont la statuaire habite les rivages méditerranéens. Quel est donc ce Myste qui sommeille en Aurélien Cillier?

Olivier Mattei & Muhanad Baas exposent le temps du silence à la rue des bouquinistes obscurs (16 rue Matheron), un a-perçu de châteaux vides et abandonnés, s’enfonçant dans la pétrification de l’Histoire, résonances romantiques du songe d’un autre temps, résidant dans la lumière nacrée d’un bel après-midi, venue caresser ce piano au sein d’une grande salle, étonnant de présence, suscitant le remord et la fiction. Mais il n’est pas question uniquement de cette belle photographie issue d’un film mémoriel et souhaité, d’un décor à la Barry Lindon. Certaines images se forment au delà de la photographie comme un rêve qui s’éprend de ce rideau tombant avec au pied un bâton, si bien que par l’ouvrage du temps apparait le sacre désuet d’une impératrice déchue; on pense immédiatement à Joséphine, ce en quoi, ce précis photographique aborde les territoires de l’indistinction des ombres et la présence avérée d’un imaginaire scriptural. Magie encore de ce qui se joue de notre oeil dans le miroir enchanté de cette fontaine obscure, obscura, inversée par la limpidité des retournements du sens, ouverte à la lumière de l’antécédence, ici, une sorte d’engouffrement du temps est saisi dans sa pertinence plasticienne. La réception de cette image par le binôme de photographes signe un retour de la présence d’un artefact du temps dans une résolution plastique. Génial sur le plan métapsychologique.

Suivent Corinne Garcia, Fracas (1, rue Gibelin) et Neil Donovan, Seele, (46 rue du Puits Neuf). Lorsque la première s’attarde sur des fragments de corps ou des textures d’objets, la seconde laisse se révéler des visages dans des tirages en surimpression. « Fracas » est une série réalisée sur trois ans, lors d’une période difficile de la vie du photographe où sa vie est devenue un combat. On découvre dans ses images en noir et blanc, des détails de corps, d’éléments organiques très saturés… Dans Steele, Donovan, distille à l’image des substrats d’existences pour donner à voir un autre monde, marqué de stigmates, d’ombres et de lumières, de vapeurs et de cendres.

La lauréate des parcours 2017, issue des dialogues avec le pays invité, la Chine, Yu Hirai, est exposée à la Fontaine Obscure. Un lien pérenne établit ainsi un fil rouge d’année en année. Sa série « Entre Chien et Loup » est le monde ou le rouge et le bleu s’entremêlent et fusionnent par la magie du grain photographique. Un acte de création où l’auteure retrouve la liberté de son enfance.
Plus de vingt ans ayant passé depuis les premières images, Yu décide de poursuivre la série dans un contexte nouveau…

A Retrouvez également les autres thèmes du parcours :
Amour avec le Collectif MJC Prévert, Serge Faudin, Frédéric Martin, Laurent Nicourt et Marie Bienaimé
Voyages immobiles avec Serge Fonchin, Émilie Reynaud-Cochet, Eric Monvoisin, Nathalie Garrigou, Gisèle Mondet et Véronique Esterni
Autrichiens de Fluss avec Armin Bardel, Maria Hunl, Magdalena Frey, Beba Fink, Christiane Spatt, Christine Elsinger et Wolfgang Müllner

https://www.fontaine-obscure.com

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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