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Immanquables Promenades photographiques 2020. Interview avec Stéphane Damant, commissaire

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Si vous avez la nostalgie de l’ambiance d’Arles d’il y a quelques années quand on pouvait encore savourer le temps des rencontres, alors précipitez-vous à Vendôme ! Odile Andrieu a eu l’intuition et la ténacité nécessaires pour faire de ces 16èmes Promenades photographiques le festival pointu et immanquable de l’été ! Convivialité et défrichage de talents sont les maitres mot 2020 sous le signe de l’Asie et de la biodiversité.

International et local, le festival élargi à de nouveaux lieux emblématiques du territoire vous en donne plein la vue que vous soyez amateurs de nature (jardins et parcs), de patrimoine (églises ou châteaux) ou de photographie et tout en respectant les règles en vigueur. Rencontre avec l’une des têtes chercheuses de ce petit miracle de l’après confinement : Stéphane Damant qui accompagne Odile Andrieu cette année dans la programmation artistique, étant un spécialiste pan-asiatique (fondateur du magazine Subshine). Sa sélection pour le Manège Rochambeau offre un panorama prospectif d’une grande cohérence avec des artistes encore très peu exposés en France. Il revient sur sa méthode de travail et ses critères de choix tout en concertation avec Odile Andrieu, l’âme infatigable de ces Promenades qui peut être fière du chemin parcouru.

Comment avez-vous accueilli la proposition d’Odile Andrieu et avez-vous construit ensemble cette proposition ?

L’idée était de proposer comme un versus du regard habituellement porté sur l’Asie par le biais d’un regard européen en l’occurrence très majoritairement français en écho avec un regard asiatique sur des problématiques sociétales, culturelles et anthropologiques locales. Nous avons volontairement choisi de ne pas croiser nos sélections mais plutôt de les confronter avec les travaux édités. En ce qui concerne Odile Andrieu, je pense qu’elle a pu puiser dans ses nombreuses années de direction artistique du festival, dans ses nombreux coups de cœur qu’elle avait mis en réserve. De mon côté j’ai nourri ma programmation à partir du webzine que j’ai fondé sur la photographie pan-asiatique Subshine (//subshine.org ), et une fois ma sélection faite, Odile a tranché sur ce qui résonnerait par rapport à ses propositions.

Quels ont été vos critères de choix face à ce qui pouvait représenter un large possible, le Manège Rochambeau n’étant pas extensible à l’infini ?

Mes choix ont été très instinctifs et nous avons préféré ne pas nous imposer de ligne trop rigide au départ. L’accord et les confrontations se sont faits sur des critères aussi bien temporels, qu’esthétiques ou thématiques et suivant des modalités qui se déplaçaient. Pour simplifier je dirais que comme l’Asie et la Chine évoluent extrêmement vite, cela induit toute une imagerie comme avec, dans cette salle, les photos d’Alain Le Bacquer qui datent d’il y a 10 ans et attestent déjà de l’histoire d’un pays en développement. Le choix s’est fait assez spontanément de les mettre en confrontation avec Alex Huanfa Cheng qui a une approche très intemporelle, ironique et grinçante sur les glissements du réel chinois face à ces mutations rapides. D’un côté nous avons l’histoire vue par un occidental à laquelle répond les travaux très contemporains mais relativement indatables d’Alex Huanfa Cheng.

En terme de scénographie, les artistes ont-ils été partie prenante ?

Oui les artistes étaient associés à la maquette de façon très régulière et au cours de nombreux échanges très constructifs et agréables.

Comment avez-vous réussi le défi que représentait d’exposer parallèlement un artiste à la chapelle Saint-Jacques, lieu patrimonial très emblématique ?

La force du lieu était en totale adéquation avec le travail de Max PAM qui dégage une forme de sacralité y compris dans le trivial et la transgression étant un photographe assez provocateur. Il a en effet autant photographié les temples hindous que les bordels ! La chapelle était l’écrin rêvé pour révéler ce travail. Dans ce lieu Gothique flamboyant l’évocation des autels bouddhistes et de l’œil omniscient de Max Pam, un simple examen médical mais qui renvoie aux grands yeux des stupas, participait d’un même mouvement et d’une même énergie. Les réactions des spectateurs se sont trouvées partie prenante et en adéquation immédiate avec cette dynamique.

Le maintien de ces Promenades a été un soulagement on imagine, comment avez-vous vécu cette période ?

Paradoxalement assez sereinement car l’idée pour nous était de continuer à travailler, à avancer plus que de mettre en perspective et au pire face à un réel revers, nous avions une édition prête pour l’année suivante, que nous aurions pu enrichir et remanier au besoin. C’était notre état d’esprit et Odile avait une sorte de conviction, de foi en l’évènement. Il n’y a donc pas eu de mon côté une pression trop forte.

Comment s’opère pour vous la transition entre le digital avec le magazine Subshine et ces projets curatoriaux ?

Il y a eu une vraie fluidité à mon sens et l’existence en ligne est juste un stade avant l’incarnation. C’est la meilleure des options possible. Entre le online et la vraie vie, ce ne sont que des allers et retours et je ne conçois pas l’un sans l’autre. Subshine me sert comme une sorte d’éventail de propositions que j’essaie autant que possible d’incarner. Multiplier ces allers et retours est une piste que la période que l’on a vécue va juste affirmer et aider à développer.

Quel a été l’impact du COVID sur l’ensemble de vos activités ?

Même si ces projets curatoriaux sont menés à leur terme, je continue en parallèle mes projets en lien avec l’édition et la presse. L’impact du COVID sur un secteur déjà aussi fragilisé est à ce jour pas encore tout à fait quantifiable mais si une chose se dessine d’ors et déjà, c’est la résurgence de la proximité avec la nécessité de circuits courts. Et même je suis l’incarnation du contraire, ce supplément d’imaginaire, ces mondes possibles que j’essaie de rendre palpables via ces photographes lointains vont aussi gagner en importance. Je me positionne résolument sur l’idée de niche avec des choses pointues qui vont sans doute dans le futur proche être à contre-courant mais néanmoins nécessaires à cette émulation, à notre curiosité pour des nourritures différentes. Je reste donc confiant.

L’annulation de Arles redistribue-t-elle de fait les cartes du jeu selon vous ?

Ce serait une conséquence très intéressante et positive évidemment, Arles étant le paquebot derrière lequel se trouve beaucoup d’autres embarcations très intéressantes, c’est le moment d’en faire partie.

En termes de publications des Promenades, qu’en est-il à l’heure de la pandémie ?

C’est un domaine que la crise a totalement remis en cause. Habituellement les Promenades prévoient une halle dédiée aux libraires et éditeurs photo, ce qui n’a pas été possible cette année et les artistes y ont été confrontés également, comme Laura Bonnefous qui a vu l’édition de son livre être décalée.

A Paris, quelles sont les galeries que vous jugez pertinentes dans cette mise en avant et soutien de la scène asiatique ?

J’apprécie particulièrement le travail de la galerie parisienne inbetween (www.inbetweengallery.com) dirigée par Luigi Clavareau pour lequel j’ai beaucoup d’affection, étant un outsider complet du monde de l’art et de la photographie. Prospecteur pétrolier, il réinjecte l’argent qu’il gagne dans cette galerie très pointue en terme de photographie japonaise et par extension aussi de photographie asiatique.

Comment jugez-vous notamment ces initiatives de niche types comme la foire Asia Now qui se concentre sur les artistes asiatiques, n’est-ce pas essentialiser ces artistes en quelque sorte ?

C’est une bonne question et j’aurai tendance à y répondre de manière un peu candide sans doute en considérant qu’il y a de la place pour tout le monde et que même si certaines démarches sont plus spéculatives il y beaucoup à retirer de cette formidable ouverture. Encore une fois il s’agit de se nourrir d’ailleurs et différemment.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam04jul(jul 4)10 h 00 mindim20sep(sep 20)19 h 00 min16ème édition des Promenades PhotographiquesEloge de la Lenteur OrganisateurAssociation Promenades photographiques

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Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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