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Paris accueille une nouvelle galerie, Oana Ivan Gallery vient d’ouvrir son espace dans le très prestigieux quartier du Triangle d’or. Au 93 de la rue du Faubourg Saint-Honoré, vous pénétrez dans ce nouveau lieu pensé comme un espace d’échanges, où se croisent les médiums artistiques. Pour inaugurer sa galerie, Oana Ivan a choisi l’un des plus grands visionnaires de l’image contemporaine, Peter Knapp. L’exposition présentée jusqu’au 17 avril 2025 nous plonge dans l’univers du photographe et artiste à travers plus de 60 ans de carrière. De ses tirages vintage les plus iconiques jusqu’à ses dernières productions exclusives, « Compte à rebours, 2024-1960 » célèbre un artiste dont l’héritage continue de résonner dans la création contemporaine.

Portrait d’Oana Ivan & Peter Knapp © Courtesy Oana Ivan Gallery

Ericka Weidmann : Vous venez d’inaugurer votre galerie au 93 rue du Faubourg Saint-Honoré, pouvez-vous revenir sur la genèse de ce projet ? Dans les années 2000 alors que vous veniez de vous établir à Paris, vous vous étiez promis d’ouvrir une galerie, quel chemin avez-vous parcouru pour en arriver là aujourd’hui ?

Oana Ivan : Dans les années 2000, je décide de quitter mon pays, la Roumanie, pour partir à la conquête du monde. Une envie de liberté, de nouveauté et une soif artistique me poussent à partir. C’est à Paris que je me rends tout d’abord, et il est vrai que l’énergie, la beauté et l’aspect chargé d’histoire de cette ville me donnent envie d’y ouvrir un jour mon propre espace. Je mène en France des études dans le secteur du Luxury Brand Management et pars pour Monaco où je passe un MBA a l’International University.
Ce sont vraiment des années de découvertes, de voyages et de nombreuses rencontres. Rencontres qui me mènent de New York à Los Angeles où je décide de m’installer pour rester au coeur d’un vivier créatif et artistique.
En 2014, je crée Frame/Book/Magazine, une publication annuelle atypique et exigeante qui se veut à la frontière du livre et du magazine. Je réfléchis beaucoup à son fond éditorial et à son design : le cadre était aux yeux de Degas bien plus que sa seule fonctionnalité, pouvant aller jusqu’à constituer un chef d’œuvre à part entière. Le livre est indispensable, comme l’air que nous respirons ; le plaisir de toucher du papier devient nécessité. Pour finir, le magazine représente l’éphémère, le contingent, ce que nous ne pouvons posséder qu’un temps seulement. J’ai toujours voulu adopter – comme pour ma galerie maintenant – un point de vue intime, personnel, donner une âme à un objet ou un lieu.
Plusieurs grands noms ont contribué à la réussite de ces ouvrages comme le photographe de mode Gilles Bensimon.
Mon amour pour Paris me rattrape et c’est après le confinement de la crise sanitaire du Covid que je sens qu’il est temps pour moi de commencer un nouveau projet : ouvrir ma propre galerie dans la capitale française ! J’ai passé beaucoup de temps à trouver l’endroit idéal. J’ai travaillé avec une équipe formidable d’architectes pour penser le lieu et lui donner cet aspect épuré, simple (en noir et blanc) mais à l’inverse d’un lieu froid : au contraire, créer un lieu où l’on a envie de revenir, où l’on a envie de rester pour discuter et échanger autour d’une tasse de thé.

Loulou de la Falaise, Elle, pour sa propre création, 1967 Dimensions encadrées : 55 x 59 cm © Peter Knapp, Courtesy de l’artiste et de Oana Ivan Gallery

E. W. : Vous avez choisi d’exposer le photographe et artiste suisse Peter Knapp pour votre toute première exposition, pourquoi ce choix, et quand et dans quelles circonstances avez-vous rencontré Peter ? 

O. I : Ce choix d’inaugurer ce lieu avec Peter Knapp fait écho à l’idée même de la galerie : un espace pluridisciplinaire (comme Peter est un artiste aux multiples facettes) ; un espace qui bouscule les codes, qui renouvelle le regard : un lieu ouvert sur les possibilités à venir. Je ne pouvais rêver mieux que d’ouvrir ma galerie avec un artiste visionnaire comme Peter ! Je me sens extrêmement chanceuse de l’avoir rencontré, et qu’il ait voulu soutenir ma vision en exposant en tant que premier artiste de la galerie !
J’ai rencontré Peter il y a presque 2 ans lors d’un vernissage par l’intermédiaire de l’artiste sculpteur Benoit Lemercier.
Pour moi, c’était un coup de foudre ! Je connaissais bien sûr son travail, mais parfois l’homme derrière peut vous surprendre. Là, j’ai trouvé un homme en équation totale avec son travail : de l’intelligence, de la gentillesse et de la poésie…

Lac bleu, 2024 Dimensions encadrées : 150 x 150 cm © Peter Knapp, Courtesy de l’artiste et de Oana Ivan Gallery

Cette exposition de Peter Knapp réunit des photographies iconiques, ce sont des tirages vintage et nous avons la primeur de présenter ses dernières toiles.
Ouvrir cette galerie a réellement été la concrétisation d’un rêve. Je ne pouvais pas espérer mieux, à la fois d’être localisée dans le triangle d’or et surtout d’inaugurer ce lieu avec Peter Knapp.

« La galerie est un lieu où peuvent s’écrire des histoires, où l’on peut en raconter et en écouter, au travers des récits que racontent les œuvres, les artistes et le public. »

E. W. : Que souhaitez-vous offrir aux visiteurs, collectionneurs et aux artistes à travers votre galerie ?

O. I : Je souhaite que cet espace soit un lieu chaleureux qui accueille le visiteur pour des rencontres et discussions autour de l’art. Un lieu où artistes et collectionneurs peuvent se rencontrer. Pour parler ensemble de comment réinventer les codes, pour montrer et parler d’art différemment, dans un cadre intime, élégant et exigeant.
J’ai réellement pensé et rêvé cet espace comme un cocon, un havre de paix au cœur de Paris pour les artistes et faiseurs d’arts, pour les connaisseurs de mode comme pour les passionnés curieux.
J’espère offrir une expérience émotionnelle, sensorielle et intellectuelle à la croisée des mondes de la mode, du raffinement et de l’art

Dorothy Walsh, Saintes- Marie-de-la-Mer, pour Elle, 29 avril 1960 Dimensions encadrées : 88 x 63 cm © Peter Knapp, Courtesy de l’artiste et de Oana Ivan Gallery

E. W. : Votre galerie va t-elle se spécialiser dans le médium photographique ou sera t-elle pluridisciplinaire ?

O. I : En effet, l’idée n’est pas d’être une galerie photo spécialisée dans ce médium. J’adore la photographie, beaucoup de mes amis et de mes contacts proviennent de ce milieu, c’était assez logique de commencer par la photo, mais pour moi, cela serait refermer l’espace au lieu de l’ouvrir. D’autant plus que beaucoup de photographes à ce jour utilisent plusieurs médiums pour s’exprimer (comme la vidéo, les installations…)
Je veux chercher toujours plus loin pour présenter des personnalités et des artistes qui sont passionnés par ce qu’ils font et créent au quotidien.
La galerie est un lieu où peuvent s’écrire des histoires, où l’on peut en raconter et en écouter, au travers des récits que livrent les œuvres, les artistes et le public.

E. W. : Quelle programmation pour les mois à venir ?

O. I : Nous prévoyons une très belle programmation pour l’année 2025, avec un focus plus photo pour l’instant, mais je préfère garder secret encore un peu le noms des artistes que nous allons exposer. Je peux juste vous dire que le photographe Gilles Bensimon en fera partie.
Nous allons aussi nous tourner en dehors du spectre pur de la photographie, et il est important à mes yeux également de promouvoir et d’accompagner la création émergeante/jeune qui apportera un souffle, une énergie et un regard différent et actuel au sein de la galerie !

Francoise Fabian, 1967 Dimensions encadrées : 34 x 42 cm © Peter Knapp, Courtesy de l’artiste et de Oana Ivan Gallery

E. W. : Comment imaginez-vous la galerie dans 5 ans ?

O. I : Aujourd’hui, j’ai déjà plusieurs accords de représentation avec des artistes principalement étrangers, cela est amené à se développer. Et je n’exclue pas de représenter des artistes français dans le futur. Pour le moment, mon carnet d’adresse est surtout international, depuis un an et demi je suis entre la France et la Belgique, cela nécessite du temps pour organiser un réseau ici.
Et d’ici 5 ans, j’espère avoir ouvert des galeries dans d’autres villes, c’est très important pour les artistes d’être représentés sur plusieurs territoires, et je pense que cela est plus efficace lorsque l’on a un lieu permanent plutôt que de participer uniquement à des foires. J’aimerais m’implanter à Miami et à New York. Et peut-être pourquoi pas dans d’autres pays européens, comme l’Italie.

INFORMATIONS PRATIQUES

ven17jan11 h 00 minjeu17avr19 h 00 minPeter Knapp Compte à rebours (2024-1960)Compte à rebours (2024-1960)O.I Oana Ivan Gallery, 93 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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