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Rencontre avec Sophie Legrandjacques, directrice du Grand Café, centre d’art contemporain Saint-Nazaire, présidente de D.C.A

Temps de lecture estimé : 7mins
Sophie Legrandjacques à la tête du Grand Café Saint-Nazaire depuis 20 ans et actuelle présidente de l’association de développement des centres d’art (DCA) a répondu à nos questions à l’occasion de l’ouverture de la saison estivale du Grand Café et du LIFE (hors les murs), lieu d’exposition unique situé dans l’ancienne base sous -marine de St Nazaire.
Véritable révélateur de talents le Grand Café a présenté au total 80 artistes internationaux qui ont depuis fait leur preuve que ce soit Leandro Erlich, David Goldblatt, Rapahël Zarka, Anita Molinero et au Life : les Frères Chapuisat, Anthony McCall, Jeppe Hein entre autres signatures.
Avec Francisco Tropa et Kriijn de Koning le Grand Café continue à jouer son rôle de terrain expérimental et de laboratoire de création ouvert sur la ville.

1.En tant que présidente de D.C.A quel bilan a été fait à l’occasion des 25 ans de l’Association fêtés en novembre 2017 au Palais de Tokyo ?

Le bilan de ces 3 jours au Palais de Tokyo est très positif pour dca. L’affluence du public, notamment à l’occasion des tables rondes, l’attention portés par les médias à l’événement, la qualité et la diversité des intervenants présents dans nos débats ont démontré que les réflexions menées par notre association professionnelle composée de 49 les centres d’art contemporain intéressent et mobilisent. Ces trois jours ont permis de dresser un panorama des chantiers en cours et de dégager de nouvelles pistes de travail : la création d’une instance de dialogue entre directeurs et élus à la culture, la création d’un réseau européen de centres d’art, la recherche de nouveaux modèles économiques pour la création, l’invention de nouvelles relations aux publics…autant de sujets qui animent nos structures et notre réseau pour les années à venir.

La présence de Françoise Nyssen, Ministre de la Culture à l’inauguration de l’événement a été un signe fort. Au-delà de la portée symbolique de sa présence (la première fois qu’une ministre de la culture se déplace pour prendre la parole devant les directeurs.trices de centres d’art contemporain !), j’y vois une  prise de conscience et la reconnaissance du rôle essentiel joué par ces institutions dans le paysage artistique français depuis 30 à 40 ans, en terme de soutien à la création, accompagnement des artistes, professionnalisation de tout un secteur d’activité mais aussi en terme de démocratisation culturelle sur l’ensemble du territoire national. Les centres d’art contemporain sont en effet de formidables laboratoires à idées, ils créent des formes des relations sociales innovantes et expérimentales, ce sont de vrais endroits de liberté et d’invention.

 

  1. Que va changer la loi Création promulguée en 2016 par Françoise Nyssen ?

La Loi LCAP (liberté création architecture et patrimoine) a redéfini les modalités d’intervention de l’Etat en matière de culture. Elle a ainsi créé deux labels pour les arts plastiques dont un label Centre d’art contemporain d’Intérêt national. C’est une grande nouveauté, car jusqu’à présent seuls le spectacle vivant, le patrimoine et la musique bénéficiaient de structures labellisées au plan national. Désormais, les centres d’art contemporains pourront être labellisées et constituer ainsi un réseau national de référence. Le Label est un outil pour tirer vers le haut ces structures laboratoires, souvent de petite taille mais dont le rayonnement  dépasse largement leur implantation territoriale. S’il reconnait  l’excellence des structures bénéficiaires, le label CACIN inscrit surtout l’action des centres d’art comme relevant de l’intérêt général, ce qui les place au-dessus des instrumentalisations politiques pour les  positionner au cœur des politiques publiques partagées (le label cherche à réunir tous les partenaires publics autour du projet artistique et culturel du centre d’art : ville, département, région, Etat). De cette manière, le Label vient sécuriser aussi les financements croisés.

 

3.Quel regard portez-vous sur les 20 ans du Grand Café que vous dirigez, ses missions et son rayonnement sur le territoire ?

Ce sont 20 années d’une incroyable aventure pour tous les protagonistes de son histoire :  les artistes, une ville, les publics et l’équipe. Je crois que le Grand Café incarne une sorte d’exemplarité dans l’histoire des politiques culturelles en faveur de l’art contemporain en France. Premier centre d’art à émaner d’une ambition politique, en pleine décentralisation culturelle, le Grand Café a su trouver les ajustements nécessaires à son inscription dans un territoire dépourvus de lieux de création et de monstration pour les arts plastiques. Il s’agissait pour moi en étant que jeune directrice de créer les conditions de la rencontre entre les artistes (leurs langages) et ce territoire, à priori revêche, mais pourtant formidable terrain d’expérience sensible. En pleine mondialisation naissante, l’enjeu était alors d’essayer d’inventer un modèle, d’écrire une histoire propre et singulière de l’art contemporain en France, en dehors des schémas de l’époque. Avec quelques autres le Grand Café a posé les bases d’un « art contextualisé », il s’est attaché à proposer de nouvelles situations de travail pour les artistes (Saint-Nazaire, ville issue de la Reconstruction marquée par la guerre et l’industrie offre un terrain d’expérimentation fabuleux de ce point de vue !) et des situations d’expérience de l’art pour les publics. Le tout en dehors de Paris sans que cela soit un handicap mais plutôt un atout !

Depuis plusieurs années, le Grand Café existe sur le plan national, il est un des centres d’art les plus engagés dans la production d’œuvres et de nombreux artistes internationaux y ont développés des projets singuliers qui font date dans leur parcours. C’est une vraie fierté de constater à l’occasion de ces 20 ans que pour eux, comme pour les publics le Grand Café est toujours un lieu de liberté et d’expérimentation, un lieu où chaque exposition remet en jeu les règles de la précédente …La programmation que le Grand Café développe depuis 2009 au LIFE dans un espace hors norme situé dans la base des sous-marins est le signe de la capacité du centre d’art à formuler des propositions uniques et spécifiques, adaptées au contexte et complètement inscrit dans les enjeux artistiques internationaux du moment. Aujourd’hui le Grand Café est a tournant de son histoire, il doit développer et structurer des projets qui soutiennent la recherche artistique et théorique. L’installation  à Saint-Nazaire de l’Ecole d’art de Nantes à Saint-Nazaire va permettre au centre d’art de se positionner plus précisément sur cette question et d’accompagner l’émergence artistique sur le territoire métropolitain. On peut dire que le Grand Café est aujourd’hui un lieu d’appui pour tout un écosystème en plein développement. D’une situation périphérique, il passe à une position de « centralité décentrée », et contribue à créer plusieurs polarités artistiques là où les métropoles, pour s’enrichir ont besoin de diversifier et territorialiser leurs compétences.

 

  1. La double exposition Fernando Tropa et hors les murs, Krijn de Koning au LIFE : genèse et articulation

Cette double programmation estivale ne cherche pas créer de lien à tout prix entre deux artistes aux pratiques et aux univers très différents. J’assume complètement la diversité de ces propositions. Pour autant, quelque chose relie ces deux projets , c’est la notion de « lieu » que chacun investit et travaille à  sa manière : par une création in situ pour Krijn de Koning en réponse à l’espace monumental du LIFE situé dans l’ancienne base sous-marine de Saint-Nazaire et par la création d’un vrai-faux café pour Francisco Tropa au centre d’art dont il semble exhumer la mémoire…le fantôme. A bien y regarder, le positionnement programmatique du Grand Café, depuis ses débuts dessine  une « pensée du lieu » entendu au sens large ( l’espace d’exposition, son articulation avec la ville, de la ville dans le monde, dans l’Histoire et la Géographie …). Cette double programmation ne déroge pas à cette marque de fabrique.

  1. Le projet national « Plein Soleil, l’été des centres d’art contemporain », inauguré conjointement : objectifs et visibilité attendue

L’opération Plein Soleil met un coup de projecteur sur les programmations estivales des centres d’art  en France. C’est une invitation pour les publics à découvrir de nouveaux lieux de création, et plus d’une cinquantaine d’expositions. L’idée c’est qu’à côté des grandes manifestations ou autres fondations privées prestigieuses, se cachent sans doute un centre d’art qui vaut le détour. Plein Soleil est un nouveau rdv destiné aux amateurs d’art et aux curieux, un rdv annuel qui s’inscrira souhaitons-le dans toutes les têtes !

Infos pratiques :

Francisco Tropa

jusqu’au 23 septembre 2018

Hors les murs :

Krijn De Koning

Des volumes et des vides

jusqu’au 23 septembre 2018

www.grandcafe-saintnazaire.fr


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Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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