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Covid-19 et les photographes : Entretien avec Chau-Cuong Lê « Les doutes et les angoisses resurgissent »

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La crise sanitaire liée au covid-19, touche tous les acteurs du monde de la photographie. Face aux annonces faites par le gouvernement et les différents ministères pour apporter un soutien financier aux professionnels, nous avons souhaité donner la parole à nos lecteurs. Aujourd’hui, nous partageons le témoignage de Chau-Cuong Lê, photographe et père de 3 enfants.

Attention : cet entretien a eu lieu avant l’annonce du ministère de l’économie Bruno Le Maire, le vendredi 10 avril, sur le nouveau mode de calcul pour bénéficier du fonds national de solidarité.

Je m’appelle Chau-Cuong Lê. Je suis photographe auteur. Je suis représenté par l’agent Marie Dathanat et distribué par le studio Hans Lucas. Je partage mon travail entre les demandes en communication de clients et agences publicitaires (campagne affichage, reportage « corporate », portrait), la presse, et des projets personnels autour de l’intimité, la famille, la jeunesse et le rapport à la nature (exposition et résidence artistique depuis peu).

Comment cette crise sanitaire a t-elle affecté votre activité ?

Avec la crise du Covid-19, l’ensemble de mes projets pour mars et les mois suivants ont été annulés (studio photo avec le festival Circulations, ateliers photo, séances de portrait de particulier,s making of pour une campagne, une participation à la foire Photodoc…)
Je ne vois rien venir, je me demande comment préparer l’après, comment démarcher les clients potentiels vu que tout semble être à l’arrêt…
J’ai aussi des prestations qui n’ont pas encore été réglées, et je ne sais pas si certaines seront honorées si les clients déposent le bilan (comme cela peut être envisagé si la crise perdure)…

Suite aux annonces du gouvernement sur le fonds national de solidarité, si les critères d’attribution de changent pas, y aurez-vous droit? Si l’on compare vos « revenus » effectifs de mars 2019 à mars 2020, quel différentiel obtenez-vous ?

Actuellement, je n’entre pas dans les critères d’attribution de l’aide annoncée par le gouvernement. On se réfère au chiffre d’affaire encaissé et non facturé pour les mois de mars 2019 et 2020.
Hélas pour moi, par un concours de circonstances, mars 2019 fut un mois creux l’année dernière, autant en chiffre d’affaire facturé qu’encaissé (0€). Et cette année, en mars 2020 je n’ai encaissé qu’une seule facture pour une prestation datant de janvier 2020…
Donc selon ce système, je n’ai pas perdu en CA en comparant avec le mois de mars 2019…
Je ne vais donc rien toucher.
Je pense surtout que se référer à ce qu’on encaisse mensuellement est bien mal connaître le fonctionnement et la situation des photographes auteurs : car ce que nous touchons par mois correspond en général à des prestations réalisées les semaines voire les mois précédents.
La crise du covid19 impacte surtout les jobs que nous devions réaliser en mars, et les mois à venir.
Il faudrait à mon avis se référer à notre chiffre d’affaire annuel déclaré en 2019 (et tous ces éléments sont d’ailleurs déjà connus des services des impôts) et faire une moyenne pour calculer l’aide à attribuer.

Et si on se base sur vos revenus moyens calculés sur l’année n-1 à combien pourriez vous y prétendre ?

Je n’ai pas encore fait ma déclaration de CA du 1er trimestre 2020, mais à priori, partir de ce mode de calcul se rapprocherait plus de la réalité. Et je pourrais je pense prétendre à cette aide.

Aviez-vous des expositions, des commandes en cours à venir ? Si oui, pouvez vous bénéficier de l’aide d’urgence au profit des auteurs et artistes mise en place par le CNAP ?

J’avais des commandes et je devais participer à une foire qui se sont annulées au fur et à mesure. J’ai en projet une expo en août mais ce n’est pas totalement confirmé pour le moment du fait de la situation actuelle.
Concernant le CNAP, je ne peux pas bénéficier à priori de l’aide de secours exceptionnelle, car une des conditions est que le revenu maximal par part en 2019 doit être de 12 036 €, et j’ai dépassé ce seuil en 2019.
En revanche, je peux peut-être entrer dans les critères du fond d’urgence, je viens justement de déposer aujourd’hui une demande par mail, et j’attends de voir si je suis éligible à cette aide pour lancer l’étape suivante. On verra bien.

Que faites vous pendant votre confinement ?

J’ai 3 enfants de 6 à 12 ans, nous avons pris la décision avec ma compagne, quelques jours avant que le confinement ne soit déclaré, de nous rassembler en famille en Bretagne sur l’Ile aux Moines dans la maison de mes beaux-parents. Cela fait donc plus de 4 semaines que nous sommes là-bas. Le quotidien a été rythmé par la scolarisation à domicile et la vie communautaire, passer du temps avec les proches…
Concernant mon travail à proprement dit, j’avoue que j’ai du mal à me concentrer et documenter ce quotidien de confiné. J’essaie du coup de replonger dans mes archives et faire le « ménage » des disques durs, alimenter mon instagram, régler des tâches administratives que je repousse depuis quelque temps (comptabilité, bilan, relancer les impayés etc.), lire aussi. Je m’efforce tant bien que mal à réfléchir à des idées de série photos, à travailler sur un projet de livre aussi. Mais bon, c’est lent tout ça… les doutes et les angoisses resurgissent inévitablement. Chaque jour est changeant.

https://www.cuonglephoto.com/

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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