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Dans des décors appartenant à notre quotidien, dans une parfaite sobriété et une certaine légèreté, la photographie de Lucie Belarbi pointe les déséquilibres d’un mouvement corporel, une contorsion, une chute, un désarroi latent …
La photographe Lucie Belarbi vient de rejoindre « Le Cercle de l’Art », et c’est l’histoire d’une rencontre. Celle d’une photographe engagée, travaillant sur les représentations du corps féminin, et d’un jeune collectif dont la démarche vertueuse, est dédiée à l’émancipation des femmes artistes plasticiennes. C’est d’abord l’histoire d’une quête commune vers de nouveaux modèles, économiques, artistiques et féminins.

Dyptique © Lucie Belarbi, Deux mouvements avant la chute, 2022

 

Portrait de Lucie, 2022

Bonjour Lucie Belarbi, pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis photographe et vidéaste plasticienne française, autodidacte, et je travaille entre Paris et la Normandie. En 2010, après avoir été costumière pour le cinéma, je me suis engagée dans une démarche d’autrice photographe avec le duo Chassary&Belarbi.

Mes photographies s’inscrivent dans un corpus à long terme qui a pour sujet, le corps. Depuis plusieurs années, j’entreprends un dialogue photographique entre le corps féminin et la ville. Le mouvement du corps est une de mes obsessions : comment celui-ci se place, le langage des postures, le corps chorégraphié dominé par les injonctions culturelles, … Je suis aussi à la recherche d’un corps collectif et sororal.

Ma pratique artistique est expérimentale. Je suis en quête d’un espace mental qui pousse les spectateur·rice·s à s’interroger sur des scènes de vie quotidiennes. C’est sur le territoire du paraître que mes œuvres s’inscrivent dans un temps long, des images signifiantes qui œuvrent à une nouvelle mythologie du corps féminin.

Mon travail a fait l’objet d’expositions, notamment au festival Circulation(s) en 2012, au Musée de l’Elysée à Lausanne en 2016, au Musée de la photographie de Moscou en 2017 ou encore aux Mesnographies en 2020. En 2022, j’ai participé à la résidence de la Jeune photographie Internationale de la Villa Pérochon, à Niort où j’ai réalisé la série Cette image dont on ne sait que faire, sur l’impossibilité de relater collectivement les récits des violences faites aux femmes. Mes archives photographiques sont représentées par VOZ’Image.

© Chassary&Belarbi, Le bain, 2015

Cette année, vous avez décidé de rejoindre « Le Cercle de l’Art » (lancé en 2021, par l’artiste Margaux Derhy, NDLR), pourriez-vous nous expliquer le concept ?

Le Cercle de l’Art est un projet qui réunit des artistes femmes francophones de tous les horizons et de toutes nationalités, sans limite d’âge ou de pratique, et qui vise à leur donner les moyens de se rendre indépendantes grâce à un revenu mensuel et au soutien d’une communauté. La réalité des artistes en France est particulièrement précaire, en particulier pour les femmes. Seulement 15% des artistes-auteur·e·s vivent de leur création.

Pendant les confinements, bon nombre d’artistes et d’indépendant·e·s ont pu bénéficier d’aides mensuelles exceptionnelles. C’est à cette période que la fondatrice du Cercle de l’Art, et artiste peintre Margaux Derhy, a pu constater autour d’elle, la sérénité d’esprit qu’induit la régularité d’un revenu, sécurité d’ordinaire quasi inaccessible pour l’artiste. Elle a alors imaginé un projet qui permette à l’artiste de s’assurer un revenu mensuel sur un an.

Le projet du Cercle de l’Art repose sur une vente exceptionnelle au mois d’Avril, d’une durée limitée à un mois seulement, pendant laquelle l’artiste propose une sélection d’œuvres exclusives à son réseau. Les amateur.rice·s d’art ont la possibilité de régler les œuvres en 12 fois sur un an. Grâce à cette disposition, il devient un peu plus facile pour les personnes intéressées de s’offrir une œuvre d’art, et à l’artiste de percevoir des revenus réguliers. Le Cercle de l’Art, c’est aussi un lien plus intime entre l’artiste et ses collectionneur.euse·s pendant toute l’année. Outre les outils et la méthodologie mis à disposition des artistes, la grande force du projet repose sur la communauté d’artistes qui s’entraide et se soutient tout au long de la préparation à cet exercice de vente et de communication, aspects souvent compliqués et inconnus pour les artistes.

J’ai choisi d’y participer cette année car c’est un modèle vertueux basé sur des valeurs de partage et de bienveillance. Je crée pour l’occasion une sélection d’œuvres (entre 12 et 15) qui sera en vente uniquement en avril prochain. Cette sélection est présentée sous la forme d’un portfolio constitué de tirages d’art réalisés par l’artisan Tireur-Filtreur de renom Diamantino Quintas. Les photographies, en édition très limitée, seront numérotées et signées, et encadrées sur-mesure. Le prix des œuvres variera entre 50 et 300 euros par mois. Les membres de mon cercle bénéficieront ainsi d’avantages exclusifs pendant une année, comme la visite privée de mes expositions en avant-première, ou l’invitation à venir dîner à l’atelier avec les autres membres et ainsi découvrir et partager mon intimité artistique.

Lucie Belarbi, Les habitantes, variation 02, 2019

Lucie Belarbi, Les habitantes, autoportrait, 2022 (Création dans le cadre de la résidence à la Villa Pérochon, Niort, 2022)

Quelles sont les avantages concrets d’une telle initiative pour une artiste ?

Plusieurs points m’ont convaincu lorsque j’ai entendu parler du Cercle de l’Art. D’une part, tous les médiums artistiques sont confondus et je trouve que c’est très riche pour les photographes d’avoir des échanges avec des plasticiens. J’y vois aussi une nouvelle manière de concevoir les relations artistes-collectionneur.euse·s avec plus d’échanges et de rencontres. Les retours sincères des personnes qui achètent mes œuvres sont toujours très précieux et ça me plaît de concevoir une relation privilégiée avec eux. C’est aussi une nouvelle communauté d’artistes, des rencontres, un accès à une plateforme d’échange, une méthodologie et une stratégie de communication, des rendez-vous d’experts, des cours d’histoire de l’art, des réunions-conseils pour réussir les ventes, …

L’année dernière, le Cercle a généré en moyenne un revenu mensuel aux artistes participantes de 750 Euros HT, soit sur l’année un montant de 9000 euros.

Quelles sont les conditions pour faire partie du Cercle de l’Art, quand on est une femme photographe ?

Les conditions sont les mêmes pour toutes les artistes, quel que soit leur médium.
Un appel à candidature est lancé tous les ans, à l’automne et il suffit de répondre à un questionnaire. Trois critères sont retenus pour être sélectionnée : l’envie de partage et de participer à un projet collectif ; la maturité du travail ; et enfin un réseau suffisamment important autour de l’artiste. Ces conditions sont essentielles pour que le projet soit une réussite. Cette année, nous sommes 15 femmes photographes à faire partie du Cercle : Agathe Toman, Cyrielle Lévêque, Anna-Claria Ostasenko Bogdanoff, Charlotte Mano, Mathilde Cazes, Mélanie Challe, Aline Escalon Judith Mourge, Olenka Carrasco, Julia Genet, Miriam Santos, Maria Rieger et moi-même.

© Lucie Belarbi, An opportunity to dance, 2021

Pour celles et ceux qui veulent rejoindre Le Cercle de l’Art en tant qu’amateur.rice·s ou collectionneur·euse·s, comment fait-on ?

Il suffit de contacter l’artiste participante sur son réseau social (Instagram, LinkedIn, Facebook…) ou par mail, et de lui demander sa sélection d’œuvres qui sera disponible au 1er avril prochain. Toutes les artistes participantes sont mentionnées sur le site du Cercle de l’Art. Cette année et pour la première fois, il existe également un « Club des Collectionneurs » qui s’est constitué autour du projet, pour les amateur.rice·s d’art qui souhaitent aller plus loin dans le soutien du projet. Ils.elles bénéficient toute l’année, d’une avant-première sur la découverte des œuvres, de rencontres, d’accès aux cours et aux « talks » des artistes. Si le Cercle de l’Art vous intéresse, des FAQ très complètes sont disponible sur le site.

Quelles sont vos actualités du moment Lucie ?

Actuellement, je prépare le portfolio pour Le Cercle de l’Art avec des œuvres exclusives. Ma thématique tourne autour de trois symboles : la lune, le corps féminin et la ville. Je prépare, également, une nouvelle série de photographies et de vidéos intitulée Saint-Désir, sous la forme d’une conversation féminine et intergénérationnelle avec ma grand-mère.

J’animerai un studio photo au festival Circulation(s) le samedi 15 avril au Centquatre-104 (5 rue Curial 75019 Paris, NDLR). La thématique sera « Lendemain de fête ». En famille ou entre ami·e·s, les visiteurs pourront venir se faire tirer le portrait et repartiront avec un tirage signé. Les inscriptions sont dès à présent ouvertes.

Puis j’exposerai une fresque photographique réalisée suite à des ateliers d’autodéfenses féminines lors du festival Impulsions Femmes qui se déroulera du 8 au 10 septembre prochain, à Niort.

> Pour s’inscrire au studio photo de Lucie Belarbi (samedi 15 avril) : INSCRIPTION ICI

Pour en savoir plus :
https://www.luciebelarbi.com
Instagram @luciebelarbi
https://www.lecercle.art
https://www.impulsionsfemmes.fr/

Christine Bréchemier
Après avoir débuté sa carrière professionnelle au service commercial et communication de l’Agence France-Presse (AFP), Christine Bréchemier intègre en 1998, l’école photo expérimentale et le collectif de l’Atelier Réflexe à Montreuil. Photographe pendant plus de 10 ans, elle rejoint en 2012 le comité artistique du festival Circulation(s) dédié à la photographie émergente en Europe. Elle devient attachée de presse indépendante et cofonde IZO Photographie. Responsable de communication, elle collabore depuis avec différents acteurs du monde de la photographie.

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