Temps de lecture estimé : 7mins

Pour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, Camille Leboulanger, chargée de la programmation de l’association CLR10, apporte un éclairage particulier sur l’« Escale à la Grange aux Belles – Images du réel » qui propose tout au long de l’année des expositions consacrées à une forme de photographie documentaire peu présente dans les médias. Une programmation qui vise à ouvrir la réflexion sur les enjeux sociétaux actuels en proposant des sujets très variés de notre époque, en France et à l’international. Le reportage photographique comme témoin du monde.

© Nicolas Gallon

A la fin des cours, vers 16h, les élèves nettoient entièrement la salle de classe. Le reste de la journée est consacré à la prière, aux tâches ménagères, à un peu de détente et surtout aux devoirs. Le Tibetan Children’s Village à Dharamsala, en Inde, accueille les enfants tibétains qui ont fui l’occupation chinoise.
© Anthony Micallef

Il y a un peu plus de 10 ans, un tout jeune photographe professionnel entre au centre d’animation La Grange aux Belles et s’enthousiasme du projet qui est en train de se dessiner… Il me met le pied à l’étrier et me propulse « programmatrice » d’un style photographique trop peu visible dans les lieux d’expositions…

Niché au cœur du quartier de la Grange aux Belles dans le 10ème arrondissement de Paris, Escale – Images du réel propose ainsi depuis plus d’une décennie, une série d’expositions consacrée au photoreportage.
Soucieuse de démocratiser l’accès à la culture en mettant à disposition de tous des sujets d’actualité, notre association d’éducation populaire CRL10 souhaite ouvrir la réflexion sur les enjeux sociétaux actuels en proposant des sujets très variés de notre époque, en France et dans le monde.

A Wayuu young woman poses in a traditional dress in front of the Jagüey of her community. This freshwater pool that is used to water the animals is a central element in each clan and has a strong symbolic power, april 2015
© Delphine Blast

© Elliott Verdier

© Sébastien Leban

Du dérèglement climatique, aux défis des peuples autochtones dans la préservation de leurs traditions, des combats de mères et de femmes pour une société plus inclusive, Escale se veut le témoin de l’état du monde.
Autant d’œuvres de talents en devenir, nous souhaitons contribuer à la mise en lumière de la génération émergente et montrer sa contribution dans le monde de la photographie et des médias.

En prolongement de notre cycle d’expositions, nous menons des actions autour de l’éducation à l’image avec différents partenaires du territoire, avec entre autres la mise en place d’ateliers de pratique photographique. Grâce à des projections, des ateliers d’initiation, de formations, nous souhaitons accompagner chacun dans sa lecture de l’image pour en devenir un acteur engagé et citoyen.

Marius, jeune garçon Roumain de 8 ans, vie avec sa famille dans une caravane à Ivry-sur-Seine. Izabela porte son étole rouge tandis que le voisin prépare le barbecue.
© Rose Lecat

Le Refuge, centre d’hébergement d’urgence parisien, accueille jusqu’à 400 personnes par jour.
© Pierre Faure

© Corentin Fohlen/ Divergence. Belgrade, Serbie. 20 octobre 2013. …Pour passer le temps, ils se laissent porter par le trajet aléatoire des bus et des tramways…

A “Escale”, nous avons vu des images accrochées à nos murs depuis plus d’une décennie maintenant … Des photographies de reportage qui documentent le monde et ses tourments, les sociétés et leurs espoirs. Mais plus déterminant encore, nous avons vu émerger le partage des interrogations et des émotions qu’elles suscitent.

Nous avons vu se constituer autour de notre centre tout un réseau de jeunes artistes engagés, solidaires et citoyens. Nous les avons vus échanger dans notre lieu, les uns se rendant aux vernissages des autres, discutant des réalités auxquelles ils et elles consacrent leur énergie.

Nous avons vu de féconds partenariats se nouer, avec les Rencontres Photographiques du 10e, avec des temps forts institutionnels essentiels comme la journée internationale des droits des femmes ou avec des revues spécialisées et collectifs d’artistes.

© Mahé Elipe

Un tir de flaire eclaire l’une des barricades d’un checkpoint de Semenivka tenu par les pro-russes où il est ecrit « bienvenu en enfer ». 22 mai 2014. Semenivka. Ukraine.
© Michael Bunel

10 mars 2016 : Après 78 jours de couvre-feu les habitants de la ville de Cizre majoritairement peuplée de kurdes, ont pu regagner leurs domiciles qu’ils avaient du quitter en décembre 2015. Les combats entre les rebelles du PKK et l’armée turque ont laissé un grand nombre de maisons détruites notamment dans le quartier de Nur. Près de 10 jours après la réouverture de la ville, une famille a décidé de revivre dans les ruines de leur maison. Cizre, province de Sirnak, Turquie.
© Jan Schmidt-Whitley

Nous avons vu les enfants des écoles du territoire écrire leurs idées sur des post-its et les coller sur les murs blancs tout à côté des images, partageant ensemble leurs réflexions, leur compréhension naissante d’un monde complexe.

Nous avons vu les élèves adolescents des collèges et lycées de notre arrondissement approfondir leur appréhension des phénomènes sociaux et des enjeux géopolitiques, construisant leur regard de citoyen actif et exerçant la liberté décisive et merveilleuse de choisir sa propre pensée.

Durant plus de 10 ans, aucune des expositions Escale n’a laissé indifférent. Certaines parfois ont troublé, certaines ont posé question, certaines ont même eu partisans et détracteurs. “Est-ce le lieu adéquat pour de telles images ? Pour l’approfondissement de telles problématiques sociétales ? Pour de telles prises de position ?“ Voilà en substance ce que parfois l’on a pu entendre. Ce qui importe c’est que le débat ait existé et qu’il continue de se développer, que chaque voix trouve à s’exprimer et que le dialogue soit nourri et argumenté ; que chacune et chacun puisse se forger son opinion en conscience.

Il y a 60 ans, le 9 août 1956, naît la Société Nationale de Construction pour les Travailleurs Algériens, la Sonacotral. Sa fonction est de construire des foyers pour les travailleurs migrants algériens qui vivent dans des bidonvilles comme ceux de Nanterre. Les structures se veulent provisoires, on pense alors que les travailleurs repartiront vivre en Algérie.
Bien au contraire, durant ces 60 ans les missions de la société ne vont cesser de se multiplier. Rebaptisée Adoma en 2007, elle gère aujourd’hui 167 Foyers de Travailleurs Migrants, 369 Résidences sociales et 169 Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile.
Foyer de Travailleurs Migrants Adoma de Limoges, 12 novembre 2015.
© Florence Brochoire

Nsenene
© Eugénie Baccot

Ainsi, nous avons vu un dispositif culturel s’épanouir et devenir progressivement un outil d’éducation populaire.
J’en profite ici pour remercier tous ces rapporteurs d’informations….

Photos de Nicolas Gallon, Anthony Micallef, Delphine Blast, Elliott Verdier, Sébastien Leban, Antonin Weber, Rose Lecat, Pierre Faure, Corentin Fohlen, Mahé Elipe, Michael Bunel, Laurence Geai, Hugo Aymar, Zen Lefort, Jan Schmidt-Whitley, Florence Brochoire et Eugénie Baccot.

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e